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 J'ai toujours adoré ce disque. Je dis ça, car cet album n'est pas souvent rangé dans les plus grands albums de tous les temps (attendez un peu, ralentissez, ralentissez, point-mort ; en fait, il n'est jamais rangé dans cette catégorie ! Je me disais aussi ! Vous pouvez redémarrez, mais faites gaffe aux panneaux 80). Mais je l'ai toujours adoré. Ce n'est même pas l'album avec lequel j'ai découvert les Doors (c'est pas très original, mais j'ai découvert le groupe via leur premier album éponyme, puis L.A. Woman, et ensuite, oui, ce fut avec The Soft Parade). Mais The Soft Parade, leur quatrième album, qui se tape une réputation de canard boiteux dans leur discographie depuis le moment de sa sortie (encore qu'il y ait eu une nette tendance à la réhabilitation de cet album depuis quelques temps), fut pendant longtemps mon préféré. Du groupe, hein, on se calme. Cet album, à peu près aussi court (il dure un petit peu moins de 34 minutes) que le précédent album Waiting For The Sun, date de 1969, et marque un tournant dans leur discographie. Non seulement la musique du groupe, ici, s'enrichit de moult arrangements de cuivres et de cordes, donnant à l'ambiance un air de fanfare par moments, mais en plus, accaparé par divers problèmes (alcool, drogue, soucis personnels, embrouilles judiciaires ; il aurait montré son mètre déroulant en public au cours d'un concert à Miami, faisait des incitations à la révolte en concert, se produisait totalement bourré, saccageait tout, bref, Jim Morrison, quoi), le charismatique et dionysiaque chanteur, Morrison, commence à perdre pied et son ascendant sur le reste du groupe.

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Il suffit de regarder les crédits pour juger de l'ampleur du phénomène : sur les 9 titres de The Soft Parade, pas moins de 4 sont signés du guitariste Robbie Krieger (qui chante même le refrain de l'un de ces morceaux, Runnin' Blue) et un autre titre, Do It, est crédité à Morrison et Krieger. Les 4 titres restants sont signés Morrison seul. Notons que le plus mauvais titre de l'album, et un des plus mauvais titres des Doors de tout leur répertoire, Easy Ride, est signé Morrison. Bon, après, Jimbo signe quand même le grandiosissime morceau-titre, en plusieurs parties, 8,40 minutes incroyables mélangeant rock, lounge music, poésie beat et déclamation hurlée (Yeew cannot peti-shuuun the Loowwwwdddd with praaaayyeeer !), indéniablement le point d'orgue (et final) d'un album gentiment inégal, mais tout de même plus intéressant, musicalement parlant, que le précédent opus qui sentait un peu la naphtaline par endroits. Morrison offre aussi Wild Child et Shaman's Blues, deux morceaux remarquables (la mélodie du dernier est effarrante). Mais les hits de l'album sont signés Krieger : Tell All The People (Morrison nappréciera pas trop la phrase Can't you see me coming/Get your guns/The time has come to follow me down, ne voulant pas que les gens se mettent, dans la rue, à le suivre, flingues en pogne), Touch Me et dans une moindre mesure, Wishful Sinful (une splendeur). C'est tout de même ennuyeux que le guitariste signe les hits d'un groupe qui, jusqu'à présent, se reposait en majeure partie sur les chansons écrites par son leader et chanteur. 

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A sa sortie, compte tenu de son contenu musical très chargé en cuivres (ils ont eu la main lourde, c'est clair, mais ça fonctionne assez bien) et en arrangements lyriques, The Soft Parade ne se vendra pas aussi bien que les précédents opus. Le déclin semble commencer pour les Portes. Morrison va de plus en plus dériver dans ses délires alcoolisés, le reste du groupe encaissera de plus en plus difficilement ces soucis... Le groupe parviendra à se ressaisir complètement quelques mois plus tard avec un cinquième album anthologique que je réaborde demain, mais entre temps, sortira un double live (Absolutely Live) très réussi malgré qu'il soit constitué d'au moins 12 milliards d'extraits de différents concerts (j'exagère un peu, mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que ce live ne propose pas une prestation complète mais un assemblage de plusieurs concerts, parfois au coeur même d'un seul et unique morceau). Pour en finir avec The Soft Parade, cet album inégal (Runnin' Blue, Do It sont moyennes ; Easy Ride est à vomir ; le reste oscille entre le très bon et le grandiose), la plupart du temps mal-aimé, est incontestablement le plus étrange de leur discographie. Un album imparfait mais attachant, et que vraiment je défendrai toujours ardemment. 

FACE A

Tell All The People

Touch Me

Shaman's Blues

Do It

Easy Ride

FACE B

Wild Child

Runnin' Blues

Wishful Sinful

The Soft Parade