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 C'est reparti pour un peu de Bowie. Et après avoir abattu le cas Diamond Dogs, je n'ai pas choisi la facilité, pour ce deuxième article/refonte (car nouvelle chronique remplaçant une ancienne, comme c'était le cas pour Diamond Dogs). Les plus anciens sur le blog se souviennent peut-être que cet album fut mon tout premier sur le blog. Lorsque j'ai transféré mon ancien blog musical, qui était sur une autre plateforme, pour le mettre sur Canalblog, c'est avec cet article, qui n'était pas le premier de mon ancien blog cependant, que j'ai commencé le transfert. Cet album est légendaire, et c'est en grande partie pour ça que j'avais envie qu'il soit le premier de mon nouveau blog, il y à deux ans et demi (juillet 2009) : pour frapper un grand coup en intro, relancer le blog sous les meilleures auspices. Cet album, sorti en 1972 sous une pochette cultissime prise à la base en noir & blanc et colorisée (ça se sent), devant une adresse londonienne (23 Heddon Street, London W1) du quartier de Soho, adresse devenue, pour fans de Bowie, aussi fameuse que le 45 rue de Poliveau pour les fans de Gabin et De Funès, cet album, donc, c'est The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars. Que l'on surnomme affectueusement ...Ziggy Stardust..., ce qui, aussi, fait plus pratique (d'ailleurs, sur la tranche du CD ainsi qu'au dos du boîtier, ils ne se sont pas fait chier de ce côté-là, il faut dire que ça fait plus simple que le titre à rallonge qui est pourtant le titre officiel).

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Album légendaire, donc, et encore, l'expression est un peu faible, pour le coup. Quand on parle de David Bowie, la quasi-totalité des gens qui s'y connaissent un petit peu en rock (je ne parle pas des spécialistes, juste de ceux qui aiment le rock) diront ah oui, Ziggy Stardust !, comme si Bowie n'avait rien fait d'autre. Dans un sens, c'est faire affront à Hunky Dory, Station To Station, la trilogie berlinoise (1977/1979) et Earthling, mais, en même temps, comment leur en vouloir ? Il est vrai que cet album de 1972 est tellement mythique, tellement légendaire, qu'il n'y à pratiquement pas besoin de l'écouter pour bien le connaître. On a l'impression de le connaître de puis toujours, rien qu'à regarder sa pochette, les photos du livret CD (celle ci-dessous en est une), le titre de l'album et des chansons... On se fait quasiment, et c'est aussi le cas d'autres albums tels le premier du Velvet Underground (avec la banane warholienne) ou Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles, son propre album en regardant la pochette, on s'imagine ce qu'est l'album avant même de l'avoir écouté. Et forcément, la première écoute est aussi stressante (enfin, on écoute le disque, enfin !) qu'un peu décevante. Car ce n'est pas forcément, au premier abord, aussi grandiose que ce que son statut mythique laissait présager. En ce qui me concerne, The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars m'a laissé un peu de glace, à la première écoute, et à la deuxième aussi. Ce n'est qu'au bout d'un petit moment que le déclic s'est fait, mais au départ, je trouvais cet album un peu mou du genou. Les moments forts de l'album (le solo de guitare de Moonage Daydream, la montée en puissance lyrique de Five Years, l'enchaînement puissant Ziggy Stardust/Suffragette City/Rock'n'Roll Suicide) ne m'avaient pas marqués à la première écoute. OK, je trouvais Five Years très beau, avec cette ligne de piano (quatre notes rapides) intensément glam, que l'on retrouve sur le Perfect Day de Lou Reed (même année, sur Transformer, produit par...Bowie) inoubliable ; OK, Starman, Ziggy Stardust, sont deux chansons immenses. OK aussi pour Rock'n'Roll Suicide, déchirante. Mais dans l'ensemble, je n'avais pas ressenti de choc en l'écoutant.

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Trevor Bolder, Mick 'Woody' Woodmansey, Bowie, Mick Ronson

Quelques écoutes plus tard, BOOM, autant le dire. C'est là que The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars m'a sauté à la face comme jamais aucun album ne l'avait fait. C'est là que le concept (car l'album est conceptuel, il raconte une histoire, même si c'est pas toujours évident à saisir) m'a marqué. En gros, ce disque raconte l'histoire d'un extra-terrestre, Ziggy Stardust, qui déboule sur Terre alors que la Terre n'a plus que cinq années d'existence devant elle, suite à une disparition des ressources, une fatigue, c'est la fin, à cause des Hommes. Ziggy va découvrir la vie terrestre, et plonger dans les excès en tous genres, devenir une star du rock avec son groupe, et va finir par mourir de ses excès. Ziggy Stardust, ce personnage au nom étrange, est un amalgame de plusieurs choses. On a longtemps cru que Ziggy, c'était Iggy, rapport au nom, mais Ziggy joue de la guitare, et He played it left hand ('il en joue de la main gauche'), ce qui écarte l'Iguane, qui n'a jamais joué de cet instrument (en revanche, il a été batteur bien avant d'être chanteur). En revanche, Hendrix, pourquoi pas, il était gaucher. Voire Bowie, aussi (qui n'est pas gaucher). Sinon, Ziggy se base, pour le nom, selon Bowie, d'une boutique de fringues, à Londres, qui s'appelait Ziggy's... et Stardust, c'est pour The Legendary Stardust Cowboy, un joueur de country et de rock'n'roll américain contemporain de Bowie (né la même année que lui, 1947), de son vrai nom Norman Carl Odam !

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Dos de pochette et étiquette vinyle

Au moment d'enregistrer ce disque, le deuxième avec son groupe au complet (les Spiders From Mars, évidemment) après Hunky Dory, Bowie commence lentement mais sûrement à devenir quelqu'un. 1972 est son année. Il sort ce disque, produit l'album de Lou Reed cité plus haut, mais aussi All The Young Dudes de Mott The Hoople (sur lequel la chanson-titre est signée de sa main) et le Raw Power d'Iggy & The Stooges (sorti en 1973). C'est la sortie de The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars qui va vraiment tout déclencher. Enregistré aux studios Trident de Londres, produit par Bowie et Ken Scott, avec des arrangements signés Bowie et Mick Ronson (guitare, choeurs, piano), l'album aligne 11 pépites absolues pour 38 minutes (une durée d'album qui sera aussi celle de plusieurs autres albums de Bowie, amusante coïncidence). Si on excepte le morceau achevant la face A, It Ain't Easy, qui est une reprise d'une chanson de Ron Davies (et une chanson aussi magnifique que méconnue et même sous-estimée), tous les titres sont signés Bowie seul. Bowie tient, ici, le saxophone et la guitare, même si c'est Ronson qui est le principal gratteux. Les autres musiciens sont Trevor Bolder (basse) et Woody Woodmansey (batterie). On notera, sur It Ain't Easy, la présence d'une certaine Dana Gillespie aux choeurs. Aucune précision concernant les cordes, ce n'est pas un effet de mellotron mais de vraies cordes, un orchestre arrangé par le duo Bowie/Ronson, mais ils ne sont pas crédités sur la pochette (sur laquelle la mention To be played at maximum volume était placée).

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L'album, on y vient, commence donc par la montée en puissance inégalable de Five Years. Batterie martelée en arrière-plan, la voix de Bowie, triste, résignée, qui déboule, Earth was really dying... Cette voix...elle est magnifique. La chanson va de plus en plus dans le lyrisme, avec apparition de cordes, et le chant de Bowie qui devient de plus en plus puissant, jusqu'à l'explosion finale, salvatrice, We've got five years, what a surprise, five years, my brain hurts a lot, five years, that's all we've got ! Après une telle chanson, qui fout bien le frisson d'entrée de jeu, Soul Love, qui mérite bien son titre tant elle respire la soul, semble un petit peu en-deça. Dans un sens, oui, la chanson, bien que fantastique (un saxophone inoubliable, notamment), l'est moins que Five Years ou que les deux suivantes, mais le ventre mou de l'album n'est pas là. Moonage Daydream et Starman viennent ensuite totalement ravager l'auditeur, la première avec son riff tueur en intro, puis son passage à l'acoustique, de toute beauté, cette voix inoubliable de Bowie (I'm an alligator, I'm a mama-papa comin' for you, I'm a space invader, I'll be a rock'n'rollin' bitch for you), et ce solo de guitare final de Ronson, sans aucun doute un des plus grands moments de l'histoire de cet instrument. Beau à pleurer. Et la deuxième ? Belle à chialer aussi, cette chanson est, elle, douce, lyrique (un refrain tout simplement bouleversant), et arrivé à ce Starman emblématique, difficile de ne pas frémir d'impatience en se demandant quelle sera la suite de l'album. Qui est le gospel-rock lyrique It Ain't Easy, magnifique, et, ensuite, on retourne le disque, et Lady Stardust, merveille au piano, retentit. Et c'est après cette chanson que le ventre mou de l'album arrive, avec deux chansons heureusement courtes (2,45 minutes chacune), mais vraiment mineures, Star et Hang On Tou Yourself. Et surtout Star, chanson assez insipide, jouée assez vite et sans grande originalité. Vraiment, je n'aime pas du tout cette chanson. Hang On To Yourself est plus appréciable (un riff efficace, une allure boogie), mais ce n'est tout de même pas du grand art. Ces deux chansons sont les moins fortes de l'album. Qui, ensuite, est parfait : Ziggy Stardust est une claque mémorable (And Ziggy played guitar) avec sa guitare grasse, une chanson emblématique ; Suffragette City est une ode au féminisme (quelque part) et surtout une bombe de glam-hard-rock, une chanson tétanisante au riff monstrueux, totalement décomplexée (Wham bam, thank you ma'am !!). Et il y à Rock'n'Roll Suicide, qui me fait chialer à chaque écoute. Sur ce titre, on sent totalement une des influences majeures de Bowie : Jacques Brel. C'est immense, fort, prenant, les arrangements lyriques, orchestraux, derrière, sont de toute beauté, la majesté acoustique de la chanson prend aux tripes...Une montée en puissance inoubliable qui vient achever l'album en apothéose, on en sort tout changé, et difficile de mettre autre chose dans le lecteur ou sur la platine après ça. Quand Bowie glapit You're not alone !, peu avant le final, juuuste avant que l'orchestre et les Spiders n'explosent, impossible de ne pas frémir. C'est si beau.

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C'est ça, The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars : un disque si beau qu'il en est à vous faire frémir dans vos slips. Un disque crucial, véritable pierre angulaire non seulement du glam-rock, dont il est un des plus illustres représentants, mais du rock tout court. Un album qui alterne magnifiquement entre délicatesse (Soul Love, Lady Stardust, Starman) et lourdeur (Suffragette City, Hang On To Yourself, Ziggy Stardust), et tant pis si deux titres, Hang On To Yourself et Star, sont inférieurs aux neuf autres. Dans l'ensemble, cet album est tout simplement le sommet glam de Bowie (avec Hunky Dory, moins électrique, du glam-folk en somme), et un des sommets de sa longue carrière. Un album essentiel, indispensable, et si jamais il ne vous paraît pas grandiose à la première écoute, ne vous en faites pas, ça viendra progressivement ; c'est le genre d'album qui, tôt ou tard, vous paraîtra vraiment pour ce qu'il est, un sommet. Ce n'est pas mon préféré de Bowie, cependant (c'est Station To Station de 1976), mais il entre dans le Top 3, en ce qui me concerne, avec Low et l'album que je viens de citer !

FACE A
Five Years
Soul Love
Moonage Daydream
Starman
It Ain't Easy
FACE B
Lady Stardust
Star
Hang On To Yourself
Ziggy Stardust
Suffragette City
Rock'n'Roll Suicide