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Qui a dit que le rock progressif était synonyme de grandiloquence, de musique pompeuse, de disques surchargés et bien souvent multiples, avec des pochettes tarabiscotées, et de musiciens aux égos encore plus grands que la cathédrale de Strasbourg ? En tout cas, ce n'est sûrement pas ce disque qui servira d'exemple à la personne voulant démontrer pareille chose, car cet album de 1974 représente tout, mais alors vraiment tout, ce qui fait le rock progressif. Autant le dire : les fans de rock progressif se rangent en deux catégories, les fans d'Emerson, Lake & Palmer et ceux qui ne les aiment pas. Quant aux anti-rock progressif, mieux vaut cesser ici la lecture, ce n'est pas pour eux. Du tout. On parle d'Emerson, Lake & Palmer, tout de même, un des groupes les plus grandiloquents qui soient dans le rock progressif (derrière Yes, et encore, ils sont en fait au même niveau), un supertrio constitué de trois musiciens aux égos surdimensionnés et au talent, je dois le dire, très très imposant. C'est un fait, le claviériste Keith Emerson, le bassiste/guitariste/chanteur Greg Lake et le batteur Carl Palmer sont des tueurs en la matière. Le premier vient des Nice, le second de King Crimson et le troisième d'Atomic Rooster (et avant ça, a joué avec le cinglé Arthur Brown), ils se sont réunis en 1970 pour voir s'ils pouvaient faire quelque chose ensemble. Tu parles que oui !

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Emerson, Palmer, Lake

Un premier opus éponyme en 1970, avec déjà deux immenses titres dessus : Take A Pebble et Lucky Man, ballade à mourir de bonheur que Lake aurait écrite à l'âge de 13 ans. Un an plus tard, 1971 donc, deux albums : Tarkus, un emblème du rock progressif, avec le morceau-titre de 20 minutes occupant toute la face A (et une face B moins marquante), et le live (à la qualité sonore moyenne, mais au contenu musical excellent dans l'ensemble) Pictures At An Exhibition, adaptation progressive de la suite musicale classique (Tableaux D'Une Exposition) de Modeste Moussorgski, on ne fait pas dans la demi-mesure. 1972, Trilogy, appelé ainsi parce que troisième opus studio, et parce que trois musiciens dans le groupe (et aussi, un des titres s'appelle ainsi), est une réussite totale, avec From The Beginning, Abaddon's Bolero et le dantesque Hoedown, adaptation d'un morceau Aaron Copeland. 1973, le groupe fait appel à H.G. Giger pour signer la fantasbuleuse pochette de Brain Salad Surgery, et à Pete Sinfield (ancien parolier de King Crimson) pour les paroles d'une ou deux chansons de l'album, qui contient Still...You Turn Me On, ballade admirable, ainsi que des adaptations d'un morceau de musique contemporaine (Toccata de Ginastera) et d'un hymne religieux britannique, Jerusalem. Plus, dispatché en quatre morceaux et en deux faces (dont toute la face B), les 29 minutes du dantesque Karn Evil 9...

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On pense qu'ELP (ça fait plus court qu'Emerson, Lake & Palmer) a atteint le paroxysme ? Que nenni. Un an plus tard, le groupe sort un live de sa tournée de promotion de Brain Salad Surgery, tournée baptisée Somebody Get Me A Ladder (d'après les paroles de Still...You Turn Me On), et ce live, sous son titre ronflant (qui vient des paroles de Karn Evil 9 pour sa première partie), est triple ; double en CD, désormais. Pour seulement 9 titres. Aïe donc ! Le titre de l'album est donc ronflant : Welcome Back, My Friends, To The Show That Never Ends - Ladies And Gentlemen, Emerson, Lake & Palmer. Je ne connais pas beaucoup de titre d'albums aussi étendus, sauf certains de T-Rex et Tyrannosaurus Rex, ou des Kinks. L'album ne contient que 9 titres en CD ; en vinyle, c'est pareil, tout en étant un peu différent : deux de ces titres sont découpés en deux parties. C'est même un peu plus compliqué que ça, car un autre titre est, aussi bien en vinyle qu'en CD, découpé en deux parties, car il est à cheval entre les faces C et D ; or, quand on transfère en CD un triple album, on fait toujours la séparation de la manière suivante : les trois premières faces pour le CD 1 et les trois autres pour le deuxième. Pour le CD, on a réuni sur une plage audio les deux parties de chacun de ces deux titres qui, en vinyle, ne tenaient pas sur une seule face pour eux seuls (ou alors, si, pour l'un d'entre eux, mais le contraste avec les autres faces, en terme de durée, aurait été trop important). L'album est sorti sous une pochette visuellement sobre pour le recto/verso : bleu-nuit pour le recto, avec juste le titre en belle écriture manuscrite, et le nom du groupe qui prend toute la place ; au dos, une photo du groupe sur scène, avec les crédits de titres, que l'on retrouve aussi à l'intérieur. Et à l'intérieur, pochette ouvrante triple volet, avec, sur chaque volet interne, un beau découpage en forme, respectivement, de E, de L ou de P, et on pouvait glisser les sous-pochettes noires derrière chaque lettre. C'est peu pratique, car soit on glisse les pochette avec l'ouverture pour les disques vers le haut (au risque que la poussière et autres saloperies entre et abîme le CD), soit on fait pivoter la sous-pochette pour empêcher ça. Risque d'abîmer les lettres découpées, aussi, à force d'écouter l'album !

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Verso de pochette

Le seul problème de l'album ne réside pas dans sa grandiloquence absolue (je vais bientôt parler des morceaux, je vous rassure), mais de sa prise de son ; sans être calamiteuse, elle donne parfois l'impression, et c'est un rock-critic de l'époque qui l'a dit, d'assister à un concert en étant tout en haut d'une salle, avec une acoustique un peu amoindrie par la distance d'avec la scène. Ce n'est pas le seul live avec une qualité d'enregistrement moyenne, cependant, YesSongs de Yes, Genesis Live de Genesis, Earthbound de King Crimson (surtout !), pour ne citer qu'eux (et dans le rock progressif), ne sont pas formidables en terme de qualité sonore. Musicalement, sinon, ce live, bien que chargé, caricatural, grandiloquent, assure vraiment. La face A est courte, un petit quart d'heure (le disque vinyle 1 est court, 32 minutes environ), et offre Hoedown, Jerusalem et Toccata, ça semble ahurissant de se dire qu'ils ont réussi à jouer Toccata live, mais c'est le cas. La face B offre Tarkus, pas en intégralité, mais plus de sa moitié (la version live de ce morceau dure 27 minutes, tout tient sur une seule plage audio en CD, mais la face B ne dure que 16 minutes environ). A noter qu'à la toute fin de cette première partie, Lake se permet quelques bribes d'Epitaph de King Crimson ! La face C offre le final (les 10/11 minutes restantes, soit la partie finale Aquatarkus) de Tarkus, ainsi que la première partie de Take A Pebble, 11 minutes comprenant Still...You Turn Me On et Lucky Man disséminées en son centre.

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Affiche promotionnelle

Comme je l'ai dit, c'est là qu'en CD, on passe au second disque. La face D, qui ouvre le CD 2, contient 11 minutes de Piano Improvisations d'Emerson (incluant des éléments de morceaux d'autres compositeurs), qui plairont aux amateurs de piano, et les quasi-4 minutes de la conclusion de Take A Pebble, puis un petit medley de 5 minutes incluant Jeremy Bender (de l'album Tarkus) et The Sheriff (de l'album Trilogy), deux petits morceaux assez délirants (mais moyens), musicalement similaires. Il restait enfin le cas des deux faces restantes, les faces E et F, qui sont remplies par les deux parties (dans les 17/18 minutes chacune) de Karn Evil 9. Oui, le dernier disque vinyle est occupe en totalité par une version live de 35 minutes (tout est réuni sur une seule plage audio en CD) de ce morceau pharaonique ! Le coup de grâce, en quelque sorte, et une version remarquable de ce morceau qui, mal luné, peut rendre fou (mais qui, dans le bon état d'esprit, suscite l'admiration). Et pour finir, ce triple live est certes bien caricatural (morceaux très longs, surchargés, solos dans tous les coins, que ce soit batterie, claviers ou guitare), mais pour un fan de rock progressif, c'est une écoute indispensable. Je pense même que c'est un très grand live (dans le rock en général), et c'est en tout cas un de mes préférés. Voilà, c'est dit !

FACE A

Hoedown

Jerusalem

Toccata

FACE B

Tarkus

a) Eruption

b) Stones Of Years

c) Iconoclast

d) Mass

e) Manticore

f) Battlefield (including Epitaph)

FACE C

Tarkus (continued)

g) Aquatarkus

Take A Pebble (including Still...You Turn Me On and Lucky Man)

FACE D

Piano Improvisations

Take A Pebble (Conclusion)

Medley : Jeremy Bender/The Sheriff

FACE E

Karn Evil 9 (1st Impression)

FACE F

Karn Evil 9 (2nd Impression)

Karn Evil 9 (3rd Impression)