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On aurait dit que Parkinson me hantait lorsque j'ai déchiré, mercredi, le cellophane qui recouvrait mon nouvel achat, j'ai nommé la box "Immersion" de mon album de chevet, Wish You Were Here, de Pink Floyd. Une box, qui, rien qu'à sa pochette (portant la mention 'ceci n'est pas une boîte': je veux mon n'veu !), reprenant la célèbre photo se trouvant à l'origine au verso du vinyle (que je possède, évidemment), s'avérait être quelque chose de grandiose. Je fus particulièrement émerveillé lorsque je découvrai le contenu de la box, sortie le 7/11, et que j'avais attendue pendant des mois, qui me parurent être des siècles. A l'intèrieur de la chose, donc, des tickets de concert d'époque; des cartes collectors; deux livrets grand format de photos consacrées à l'album, et des séances d'enregistrement du même album... tout ça et bien d'autres choses. Mais aussi, 5 disques. Un DVD audio proposant plusieurs mixes (bon, ça, ça sent un peu l'arnaque, hum ? à part pour les mordus de production et de son, ce que je ne suis pas), un second proposant des extraits de concert de Shine On You Crazy Diamond et Welcome To The Machine, un Blu-Ray reprenant le contenu de ces deux DVD (ça aussi, ça sent un peu l'arnaque, surtout pour ceux qui n'ont pas de lecteur Blu-Ray, dont moi, héhé !), mais aussi et surtout deux CDs. Le premier, c'est l'album original, remasterisé 2011, de manière absolument superbe, mais qui prouve quand même que quelqu'un possédant déjà les CDs peut se passer de ces nouveaux remasters. Reste le deuxième. Et le deuxième, c'est celui auquel nous allons copieusement nous intéresser maintenant. Il s'agit des Unreleased Audio Tracks, qui sont, donc, des raretés, live comme studio. A lire la tracklist, on pourrait croire qu'ils ne se sont pas foulés. Seulement voilà: malgré le fait qu'il n'y ait que six pistes, le disque atteint tout de même la bagatelle de 66 minutes. Et est furieusement, glorieusement, harmonieusement, superbement, génialissimement, anticonstitutionnellement...

INDISPENSABLE.

Unreleased Audio Tracks, puisqu'il se fait appeler comme ça, comporte trois titres live, et trois studio. Sur les 66 minutes de l'album, les titres live en représentent 50. Vous voilà prévenus ! Ces trois pistes collectors sont toutes issues du live de Wembley 1974, où le groupe a joué l'intégralité de The Dark Side Of The Moon, plus ce qui est proposé ici. Les fans du Floyd connaissent bien ces trois morceaux. Mais pour le public de l'époque, celui qui était à Wembley, ce n'est que de l'inédit. Je m'explique: David Gilmour, Roger Waters, Rick Wright et Nick Mason avaient déjà dans la tête, en 1974, les morceaux qui se retrouveraient plus tard sur Wish You Were Here et Animals. Ils profiteront des concerts pour les peaufiner, les arranger, et arriver ainsi au résultat final et définitif, les versions album. Tout commence par Shine On You Crazy Diamond, morceau absolument emblématique dédié à Syd Barrett, scindé en deux parties qui contiennent elles-mêmes des sous-parties distinctes, qui occupera 26 minutes sur les 44 que Wish You Were Here dure, en faisant le plus long morceau du Floyd. Et un de leur plus légendaires, aussi. Clairement, cette pièce progressive est une véritable épopée musicale. On la découvre ici, un an avant sa mise en boîte finale. Une version qui tente de reprendre absolument tout le morceau en 20 minutes. Il y a donc six minutes qui n'avaient pas encore été composées, soit pas mal de temps. Ce qui rend cette version live moins bonne que la définitive, mais franchement pas de beaucoup. Imaginez que vous êtes un spectateur de Wembley, et que vous vous prenez ça dans la gueule. Tout est dit. Ce qui n'est pas encore là, c'est l'intro de la pièce, les trois premières minutes, qui sont juste remplacées ici par un solo de Wright, qui annonce toutefois bien la future intro du morceau. Ce qui manque, aussi, c'est la toute dernière partie, ces quatre dernières minutes absolument déchirantes et tristes comme un dimanche pluvieux... Ce qui est bien dommage, étant donné qu'il s'agit d'une de mes parties préférées de Shine On You Crazy Diamond... Mais le reste est déjà bel et bien là, le chant de Waters, les quatre notes myhtiques de Gilmour qui introduisent la viandasse... Dans l'ensemble, on n'est vraiment pas déçus par cette version excellente, juste un peu vite expédiée parfois, mais qui sait parfaitement cacher ses erreurs, et montre plus qu'autre chose que l'on s'approche de plus en plus du magistral résultat final.

Après, par contre... ça se gâte. Mais dans le bon sens du terme. Place aux 12 minutes de Raving And Drooling, qui n'est autre que le futur Sheep, qui sera présent sur Animals. Et là, je crois que les mots vont me manquer. Cette version est une claque dans la gueule des plus absolues, et Sheep, déjà monumentale dans sa version définitive, aurait eu de l'intêret à rester telle qu'elle était en 1974. Ici, pas d'intro aux claviers, juste ce tétanisant riff de basse, limite Crimsonien, et qui fait penser à l'intro de One Of These Days. Riff qui est bientôt rejoint par la gratte de Gilmour, qui est, ici, telle que l'on pourra l'entendre dans les riffs de The Wall. Ici, le Floyd nous fait clairement du The Wall avant l'heure. Mais la pêche y est, c'est rien de le dire. En résulte douze minutes devant lesquelles on est à genoux. 12 minutes orgasmiques, à la fois flippantes et énergisantes. Raving And Drooling est très très rock pour du Floyd, plus rock que Sheep. C'est l'occasion pour Mason de montrer qu'il n'est pas qu'un batteur deux de tension et je m'en foutiste. Ici, il sort de superbes phrasés de batterie, qui vont magistralement bien avec la gratte hargneuse de Gilmour, et la basse ténébreuse de Waters. Au final, ce Raving And Drooling est un morceau plein de violence latente à la King Crimson de l'époque, en formule allégée, quand même. Un moment extraordinaire, IMMENSE. Et mille fois supérieur au déjà grandiose Sheep final, si vous voulez mon avis. Un monument absolu de tension palpable et inoubliable, qui vaut à lui seul les 108 euros de la box. Et je m'arrête là.

Enfin, le dernier morceau live est également une gros bout à se carrer sous la dent, j'ai nommé You've Got To Be Crazy. 18 minutes qui ne sont autres que les 17 du futur Dogs, également présent sur Animals. Et ici, on est assez éloigné du résultat final, figurez-vous. Bon, bien sûr, le morceau est tout à fait identifiable et certaines parties sont restées identiques. Mais pas la plupart. Le chant de Gilmour est ici très très speedé, aux antipodes totales des couplets de Dogs. Mais c'est bel et bien la seule chose speedée du morceau. Pour le reste, avec You've Got To Be Crazy, le groupe offre un Dogs très planant et relax, qui aurait pu aisément se trouver sur... Meddle, de 1971. Et croyez-moi, le résultat est, tout autant que Raving And Drooling, immense, et meilleur que la version définitive. Oui. Lors du solo, la gratte de Gilmour est absolument déchirante, superbe. Un très grand moment du morceau reste le final, les fameux "Who was..." de Waters, qui prennent ici une ampleur totalement glaciale, tétanisante. L'instru, derrière, y participe, donnant ici un final vraiment morbide. Et je n'éxagère pas: on croirait entendre les derniers mots d'un homme sur son lit de mort. C'est frissonant. Le reste n'est pas aussi glauque, mais tout à fait calme, très "dans les airs", un peu comme si Dogs devait être une relecture de Echoes. Bref, 18 minutes grandioses, que je préfère à Dogs, nettement.

Maintenant, que vaut la maigre portion studio ? Bah, en fait, il y a du bon et du moins bon. Ca commence par les deux minutes de Wine Glasses, issues du projet avorté Household Objects, et qui deviendront l'intro de Shine On You Crazy Diamond. Rien à dire, juste le magnifique accompagnement claviers de Wright, qui fait vibrer avec ses accords majestueux des verres de vin (du moins, on suppose, mais on entend vraiment ça). C'est très beau, aérien, et ça deviendra, comme je le disais, l'accompagnement des solos respectifs de Wright et Gilmour durant les 3 premières minutes de Shine On You Crazy Diamond. On passe ensuite à un moment, je dois le reconnaître, assez décevant. Une version alternative, de 7 minutes, de Have A Cigar. Cette version est clairement l'ombre au tableau de ce Unreleased Audio Tracks quasi-parfait. Alors, cette rythmique géniale est déjà là, mais la chanson se traîne en longueur comme c'est pas permis, la faute à un Gilmour probablement peu inspiré ce jour-là, qui laisse la rythmique défiler durant les quatre dernières minutes de la chanson, ne se contentant que de quelques notes de ci de là, mais bien loin de l'exceptionnel solo de la version définitive du morceau. Aussi, Waters a bien fait de léguer la place au chant à Roy Harper. Car dans cette version, c'est Waters qui chante, et on le sent bien mal à l'aise. Bref, pas grand chose à retenir de cette version assez médiocre et fade, qui vient gâcher une chanson sublime.

Enfin, dernière chanson de ce Unreleased Audio Tracks, avec ce Wish You Were Here enregistré avec Stéphane Grapelli, célèbre violoniste de l'époque. Un peu plus de six minutes pour cette version, et, ce qui frappe d'emblée, c'est l'intro. Ici, le début sonnant comme sorti d'un vieux transistore est amputé, probablement pas encore envisagé, pour laisser place à une intro entièrement à la guitare sèche. Aussi, cette intro est reprise après le premier couplet. La batterie, donc, n'intervient vraiment pas tout de suite. Mais dans l'ensemble, c'est un bon arrangement, qui, de plus, résonne beaucoup, ce qui vient pimenter la chose. Le violon de Stéphane Grapelli est sublime, et la fin lui est entièrement consacrée. Le morceau se finit donc sur un fade-up traditionnel, comme la version alternative de Have A Cigar, et non pas avec ce bruitage de vent. On remarquera enfin que le chant de Gilmour est identique à la version originale, et c'est donc la prise de voix définitive qui a été utilisée pour cette version secondaire, tout aussi belle que l'originale.

Voilà pour ce qu'est Unreleased Audio Tracks. Si les 15 minutes studio contiennent malheureusement une version assez foirée de Have A Cigar, les trois pistes live sont monstrueusement immenses et à écouter absolument, car elles valent à elles seules tout le fric dépensé pour cette box définitivement remarquable. Désormais, quiconque achète ce joyau sait qu'il peut d'ores et déjà se ruer sans danger sur ce CD2 incroyable et qui offre deux des plus grands moments Floydiens qui soient, ces indispensables Raving And Drooling et You've Got To Be Crazy, dont on ne peut plus vraiment se séparer après la première écoute.

Fantastique !!

Shine On You Crazy Diamond (live at Wembley 1974)

Raving And Drooling (live at Wembley 1974)

You've Got To Be Crazy (live at Wembley 1974)

Wine Glasses

Have A Cigar (version alternative)

Wish You Were Here (avec Stéphane Grapelli)