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En 1970, quelques mois après avoir propulsé leur premier album In The Court Of The Crimson King dans les bacs et dans les charts (un succès imposant, surprise, aussi bien critique que public), King Crimson sort son deuxième album. Entre temps, les choses ont évolué au sein du groupe : il a clairement implosé. Le succès sera tel que le groupe de base (Robert Fripp, Greg Lake, Ian McDonald, Michael Giles, Peter Sinfield) n'y résistera pas et splittera, à la surprise générale. Pour se reformer rapidement avec un line-up légèrement différent : Fripp (guitare, mellotron), Peter Sinfield (parolier, créateur des light-shows du groupe), Michael Giles (batterie) et Greg Lake sont toujours là. Mais Lake se contente de chanter (il était aussi bassiste sur le précédent opus), laissant la basse ) Peter Giles, frangin de Michael. Et on a aussi de nouveaux-venus : Mel Collins (saxophone, flûte), Keith Tippet (piano) et, sur un titre, Gordon Haskell au chant (Cadence And Cascade). Mais, peu avant la sortie de l'album (qui s'appelle In The Wake Of Poseidon), Greg Lake part, pour entrer dans un nouveau groupe qui, dès lors, sera le sien, Emerson, Lake & Palmer. Puis, le groupe, à la one again, explose en vol, encore une fois, et se reformera peu après pour un troisième album, mais j'y reviendrai demain, là. Reparlons de ce deuxième album, en attendant. Il date donc de 1970 et s'appelle In The Wake Of Poseidon. Il est sorti sous une très belle pochette peinte (le visuel de la pochette dépliée, plus bas) signée Tammo De Jong, un tableau du nom de "12 Archetypes". La peinture de la pochette intérieure (des nuances de bleu et de vert à la Meddle de Pink Floyd avec un an d'avance) est, elle, signée Peter Sinfield. On y trouve, sur cette pochette intérieure, les paroles et crédits, malheureusement imprimés en couleur un peu argentée sur fond bleu, ce qui, franchement (je parle pour le CD, car je n'ai jamais eu le vinyle dans les mains, mais à mon avis, c'est la même teinte de lettrage), est difficile à lire à moins d'orienter le livret vers une source de lumière ; de plus, c'est imprimé en assez petit...

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Pochette extérieure dépliée

In The Wake Of Poseidon est donc le deuxième opus de Crimso. Il est proposé, en CD, avec deux bonus-tracks (je parle de l'édition 2004, que j'ai ; une réédition plus récente, 2009, propose aussi des bonus-tracks, plus, même), ce qui en fait un des rares albums du groupe à avoir, en réédition CD de 2004, des bonus-tracks : une version single de Cat Food et la face B dudit single, Groon. Le CD totalise 48 minutes, mais l'album initial, 8 titres, fait dans les 40/41 minutes, lui. C'est un album qui, à sa sortie, et encore aujourd'hui, créera la polémique. Comme KingStalker le dit dans sa chronique plus bas, c'est un des albums les moins bien appréciés du Pourpre. Celui qui écoutera ce disque sans avoir au préalable écouté le précédent opus ne comprendra probablement pas cet état de fait, car il faut dire que ce nouvel album est, musicalement, réussi, il offre de grands morceaux, les paroles sont bien écrites, les musiciens et chanteurs assurent à fond, la production est, ma foi, très bonne. Mais ceux qui auront écouté, avant, le précédent opus se rendront, eux, à l'évidence : In The Wake Of Poseidon, et jusqu'à son titre, est un copié/collé quasi intégral d'In The Court Of The Crimson King. Ca a été critiqué dès le départ, dès les premières critiques de presse de l'époque (chose excellente avec les rééditions 2004, et peut-être aussi les 2009 : les critiques de l'époque, anglophones évidemment, sont reproduites en coupures de presse dans les livrets, on peut donc voir quel a été l'accueil des albums à l'époque, et c'est parfois surprenant) insistant parfois sur le fait que Crimso, avec un personnel vaguement différent, a osé faire le même album que le précédent. En mieux, ou en moins bien ? Le simple fait que ça soit sensiblement la même chose, déjà, laisse un goût de cendres dans la bouche, et ne m'encourage pas à dire que ce deuxième opus soit meilleur que le premier. En restant objectif, la réponse est même clairement : non.

King Crimson

Mais ça ne signifie pas que ce deuxième opus du groupe ne soit pas bon. Non, In The Wake Of Poseidon est tout de même un excellent album, musicalement remarquable, comme je l'ai dit ; mais il est quand même décevant, frustrant, car, et c'est surtout le cas de sa face A, on a vraiment l'impression que le groupe n'a pas réussi à surmonter le succès du premier opus et a été totalement traumatisé par lui, au point de, consciemment ou pas, le refaire. Le rock progressif, c'est de la musique qui avance, qui se cherche, qui innove, qui progresse. Pas vraiment le cas ici. Exemples frappants : Peace - A Beginning, courte intro quasi silencieuse (on entend, faiblement, le chant de Lake), fait penser à l'intro silencieuse de 21st Century Schizoid Man. Pictures Of A City, qui surgit juste après, sans pause, brutalement, avec un saxophone agressif, fait penser au même 21st Century Schizoid Man, une fois cette courte intro achevée (quasiment le même saxophone). Cadence And Cascade, qui suit quasiment sans pause et sans transition, de la violence à la douceur, comme I Talk To The Wind (et même absence de transition violence/douceur, de plus). Et In The Wake Of Poseidon, dont tout le monde ou presque pense qu'il s'agit d'un remake de The Court Of The Crimson King, mais qui est aussi et surtout une sorte d'Epitaph bis... Tout ça, c'est l'intégralité de la face A. La B est plus originale, malgré l'improvisation The Devil's Triangle, sorte de Moonchild (quasiment la même durée, de plus) en version agressive, totalement instrumentale, et flippante. Le reste (Cat Food et les deux parties restantes de Peace : Peace - A Theme et Peace - An End) sont sans ressemblance avec les morceaux d'In The Court Of The Crimson King.

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Néanmoins, comme je l'ai dit, musicalement, c'est du bon : les trois Peace sont assez charmants, bien que trop courts et servant un peu trop de bouche-trous. Pictures Of A City est un conte urbain efficace bénéficiant de soli imparables. Cadence And Cascade, chantée par l'invité Gordon Haskell (un bassiste qui, sur le prochain album, chantera tout du long), est une merveille acoustique de toute beauté, douce comme une petite pluie d'été, malgré un sujet amusant (deux groupies capturant un rockeur, apparemment). In The Wake Of Poseidon, avec son mellotron imparable (et, comme pour Epitaph, en surabondance, à la limite de l'écoeurement encore une fois) et son Greg Lake solennel, est magistral. The Devil's Triangle offre 11 minutes et des poussières inspirées par la pièce musicale Mars de Gustav Holt, et est, franchement, terrifiante, glaçante - et sensationnelle. Le sommet de l'album. Seul Cat Food, avec son piano free, m'énerve franchement. Malgré ce piano free de Tippet. Un des moins bons morceaux du Pourpre, clairement, et le point faible de l'album.

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In The Wake Of Poseidon est donc, au final, un bon album de rock progressif et de King Crimson, mais son côté copié/collé éhonté du premier album le rend, aussi et surtout, un peu secondaire et frustrant. C'est clairement, des albums de King Crimson de la grande période (1969/1974, avant le split définitif du groupe qui durera sept ans jusqu'au retour de 1981), celui qui me plaît le moins. Et un de ceux qui me plaisent le moins, en général, chez Crimso, en concurrence avec The ConstruKction Of Light (2000) et Beat (1982). Un des moins bons, aussi, tout en étant franchement d'un bon niveau. Le groupe joue super bien, les morceaux sont tous bons, sauf un (Cat Food) que je n'aime vraiment pas... La production est bonne, l'emballage (pochette) est sublime, les paroles de Sinfield sont également sublimes... Il se dégage une atmosphère très space, zen, de l'album... Mais, franchement, si on le compare (et impossible de ne pas le faire, quand on connaît cet album) avec In The Court Of The Crimson King, force est de constater que cet In The Wake Of Poseidon, dont le succès sera nettement moins fort (sans être non plus un bide), a tout de l'autoplagiat, du copié/collé. Ca le rend forcément moins intéressant et remarquable que s'il avait été publié avant In The Court Of The Crimson King, ou que si le précédent album n'existait tout simplement pas, ou que si les deux albums n'avaient pas autant de ressemblances. Donc, ce disque, paradoxal mais vrai, est à la fois indispensable et dispensable, tout dépend si vous êtes fan ou pas, tout dépend votre degré de 'fanitude', surtout.

Critique complémentaire de KingStalker :

In The Wake Of Poseidon est un des albums les plus sous-estimés du Crimso' avec Islands, Beat et autre The ConstruKction Of Light.
En effet, beaucoup voit cet album comme un copier/coller du premier effort du groupe, In The Court Of The Crimson King.
Ce dernier avait beau être innovant, il restait incomplet et parfois maladroit.

In The Wake Of Poseidon va tout simplement gommer ces maladresses ( comme l'usage abusif du mellotron.) pour ne garder que le meilleur de In The Court Of The Crimson King et cela marche.
Pour beaucoup, le groupe s'est reposé sur ses lauriers mais au contraire, ils ont travaillé et chercher les moindres failles de l'effort précédent pour n'en garder que les meilleurs choses ( comme l'enchainement des titres).

J'ai désormais fini de défendre le disque, je peux donc, dès à présent parler de la musique, le coeur léger.
L'album commence par Peace - A Beginning, une intro très intéressant à l'écoute car très épurée, le chant sonne comme un écho sous marin, le groupe a trouvé sa paix intérieur ici. D'ailleurs, l'album est nettement plus calme et moins fougueux que son prédecesseur, la relaxation est, sur cet album, à son apogée.........
Comme le prouve, le très beau Cadence And Cascade, certes pour certains, ce titre n'est rien d'autre qu' un I Talk To The Wind bis.
Ce qui est terriblement injuste, ce titre est au moins 3 fois plus beau que I Talk To The Wind ( ce dernier étant trop long).
Autre exemple pour vous prouver que cet album est vraiment relaxant.
Le morceau éponyme a beau reprendre la même structure que The Court Of The Crimson King, je le trouve au moins aussi beau peut-être même plus.
Si je reste réaliste, l'éponyme du précédent effort est meilleur qualitativement parlant mais il y a différence entre qualité et la beauté.....(Enfin je pense).
Picture Of A City est un des premiers morceaux du groupe, il me semble d'ailleurs qu'au départ ce titre devait être à la place de 21st Century Schizoid Man.
Cela prouve la qualité de ce morceau qui vous plongera en pleine époque de la prohibition à Chicago, un décor qui me fait sauvagement penser aux Incorruptibles de De Palma.

En début de chroniques, je parlais de Peace.
Il faut savoir que Peace est, à la manière des Power To Believe, 3 courts morceaux.
Très beau, très sous-marin aussi, surtout au niveau des voix qui sont étouffés.
Evidemment, je ne peux pas écrire la chronique de In The Wake Of Poseidon sans parler de Cat Food et The Devil's Triangle.

Cat Food est un morceau très pop, un des rares morceaux du groupe qui aurait pu passer à la radio. Le refrain est entêtant.
Si il n'y avait pas le piano très free de Tippett.
Ils déversent les notes tel l'eau dans un torrent.

The Devil's Triangle est la pièce la plus imposante de l'album.
Un morceau très sombre et terrifiant.
Le Mellotron y tient une place prépondérante et , pour mon plus grand bonheur, et bien utilisé.

In The Wake Of Poseidon est donc le ying face au yang tumultueux (In The Court Of The Crimson King).

FACE A
Peace - A Beginning
Pictures Of A City including 42nd At Treadmill
Cadence And Cascade
In The Wake Of Poseidon including Libra's Theme
FACE B
Peace - A Theme
Cat Food
The Devil's Triangle
a) Merday Morn
b) Hand Of Sceiron
c) Garden Of Worm
Peace - An End