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Suite à l'insuccès commercial de son deuxième album The Marble Index en 1969, on aurait pu croire que Nico allait s'en tenir là. Quittant sa maison de disques Elektra (ou bien s'étant fait virer d'elle, c'est possible aussi), l'Allemande, toujours assistée de son ancien lover John Cale, signe sur Reprise Records et va sortir, en 1970, son troisième album : Desertshore. La pochette tant recto que verso de cet album propose, sur un cadre fleuri (j'ai remarqué que la pochette du Bullinamingvase de Roy Harper, de 1977, possède un cadre ornemental très similaire), deux photos issues du film La Cicatrice Intérieure, réalisé par Philippe Garrel, et interprété par Nico, dont elle est la compagne à l'époque. Un film que je n'ai pas vu, mais il me suffit de voir les photos et de lire les noms de Garrel et Nico pour deviner que ça doit être un beau salmigondis avant-gardiste, expérimental et dit d'auteur, le genre de truc qui a dû faire bander sec dans la salle de rédaction des Cahiers Du Cinéma à l'époque mais est vraisemblablement irregardable à jeun ou en 2018, voire les deux, car il n'est pas rare d'être à jeun en 2018. Le petit garçon sur la photo n'est autre qu'Ari, le fils qu'elle a eu avec Niala Noled (j'ai inversé son nom pour faire marrer, les mecs ; ah quoi, c'est pas drôle ? Bah ouais, je sais !). The Marble Index, que j'ai réabordé récemment, était des plus abrupts, sombres, dépressifs même, pas un disque à écouter pour faire la fête. Enregistré environ un an plus tard, toujours avec John Cale qui signe les arrangements et joue de pas mal d'instruments (violon, viole, basse, guitare, claviers), et avec Nico au chant et à l'harmonium, Desertshore n'est franchement pas plus lumineux. Il est en revanche plus court : The Marble Index durait 30 minutes pour 8 titres. Desertshore contient autant de titres, pour 28 minutes ! Il n'en faut pas plus pour tomber en totale dépression durant son écoute.

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Verso du vinyle (réédition récente)

Je ne veux pas dire par là que Desertshore est raté. Absolument pas, au contraire, même. Produit par John Cale et Joe Boyd (Nick Drake, Fairport Convention), l'album est moins extrémiste que le précédent, il vous donne nettement moins envie de vous tuer illico presto, il ne donne d'ailleurs pas envie de se tuer du tout, mais c'est tout de même un disque des plus dérangeants, musicalement parlant. Au premier abord, il semble moins accessible encore que The Marble Index. De fait, il est plutôt plus accessible, mais possède une atmosphère totalement irréelle, quasi médiévale, et les titres de certains morceaux sont sans équivoque : The Falconer ('le fauconnier'), Le Petit Chevalier (morceau d'une minute interprété, en français, par...Ari, qui devait avoir dans les 5/6 ans !), Janitor Of Lunacy... Certains morceaux sont en allemand (Mütterlein : 'maman', Abschied : 'adieu'), la grande majorité sont en anglais, langue que Nico, comme le français et l'italien, maîtrisait parfaitement, mais qu'avec son accent germanique guttural, elle transformait souvent en autre chose. Un morceau comme Afraid est touchant, sublime (et très calme et relaxant, si si), de même que My Only Child, sur lequel sa voix est doublée. Ca change des froidures totales de The Marble Index. Bien que musicalement chelou, Desertshore (le titre est issu des paroles de All That Is My Own, le sublime dernier morceau, Meet me at the desert shore) est vraiment plus accessible (restons relatifs) que le précédent. Et que le suivant, The End, qui sera fait en 1974.

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Une photo du film de Garrel (j'ignore si l'album en est la bande-son, ça ne serait pas étonnant que ça soit le cas)

Et on a quand même Janitor Of Lunacy, un morceau qui, lui, aurait très bien pu se trouver sur The Marble Index tant il respire la folie (le titre signifie 'concierge de la folie') et qui sert quelque part de transition entre la terreur froide du précédent album et le relatif calme doucereux et étrange du reste de Desertshore. Court, ce troisième opus de Nico est pour moi tout aussi réussi que le précédent (et le suivant), et est probablement mon préféré des trois, au passage. C'est (pour le moment, du moins !) le seul que je possède en vinyle, j'avais même été plutôt étonné d'avoir réussi à me choper un exemplaire d'époque (pressage français) aussi facilement et aussi peu cher (je ne me rappelle plus combien je l'ai acheté, mais on va dire dans les 20 ou 25 €). Quitte à n'avoir qu'un album de Nico en vinyle parmi ces trois-là, c'est celui-ci que je désirais plus que les autres, mais je compte bien me choper les autres un de ces jours. Un grand disque, peu connu, certes pas super facile d'accès, mais au bout de quelques écoutes, c'est vraiment un bonheur auditif, même si Le Petit Chevalier reste assez embarrassant (mais, aussi, touchant, et même un peu étrange) !

FACE A

Janitor Of Lunacy

The Falconer

My Only Child

Le Petit Chevalier

FACE B

Abschied

Afraid

Mütterlein

All That Is My Own