Attention, voici un album très sombre. Vous pouvz d'ailleurs vous fier à sa pochette, sobre et noire, montrant un Nick Cave sans sourire, dans un cadre, sur fond noir, avec le titre de l'album écrit en grosses lettres rouges. Pochette qui fleure bon l'amateurisme et l'underground, à voir la pochette (tout comme certaines autres de Nick Cave & The Bad Seeds, comme From Her To Eternity), on a l'impression de se retrouver face à un album obscur, vendu sous le manteau, illégalement, tant ça fait 'fait à la maison avec peu de moyens', en-dehors du système. Mais en fait non, et d'ailleurs, Tender Prey, sorti en 1988, a été enregistré aux mythiques studios Hansa-by-the-Wall de Berlin Ouest, là où Bowie a fait "Heroes" et Iggy Pop Lust For Life, là où U2 a fera Achtung Baby, aussi. Généralement considéré comme un des sommets de la carrière de Nick Cave, Tender Prey est en effet un remarquable album.
Au moment d'enregistrer ce disque quasiment mythique, un des plus grands de sa carrière, Nick Cave est entouré, au sein de ses Mauvaises Graines, de Mick Harvey (guitares, claviers, basse, choeurs, notamment), Blixa Bargeld (guitare, choeurs), Roland Wolf (piano, orgue, choeurs), Kid Congo Powers (guitare, choeurs), Thomas Wydler (batterie), et Cave lui-même, en plus du chant, tient l'harmonica et des claviers (piano, essentiellement). Produit par le groupe, Tender Prey ('tendre proie') aligne les classiques caviens : The Mercy Seat, long de 7,15 minutes et ouvrant les hostilités, sera un cheval de bataille de Cave en concert, il la joue quasiment tout le temps en live, et elle sera reprise par Johnny Cash par la suite. Une chanson remplie d'allusions à la religion. L'album, d'ailleurs, qui est dédié à Fernando Ramos da Silva, un acteur brésilien ayant joué Pixote dans le film du même nom (un film brésilien culte de 1980 sur les enfants des favelas, livrés à eux-mêmes), mort abattu par la police en 1987, l'album, donc, est fardé d'allusions à la religion, jusqu'aux illustrations de livret.
Autres grands moments, Mercy, Deanna, Up Jumped The Devil (allusion à Preaching The Blues de Robert Johnson, dont c'était le sous-titre), City Of Refuge ou bien encore New Morning, autant de chansons interprétées à la perfection par un Nick Cave habité, et qui font de ce Tender Prey une oeuvre incroyablement puissante, sombre et riche, une des meilleures de l'Australien. Un disque plus facile d'accès que From Her To Eternity ou The Firstborn Is Dead, mais moins que Murder Ballads ou Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus. Un album que, tôt ou tard, un amateur de rock post-punk et de Nick Cave se devra d'écouter dans sa vie, une cinquantaine de minutes ahurissantes.
FACE A
The Mercy Seat
Up Jumped The Devil
Deanna
Watching Alice
Mercy
FACE B
City Of Refuge
Slowly Goes The Night
Sunday's Slave
Sugar Sugar Sugar
New Morning