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330ème Track-by-track, et pour ce faire, un nouveau classique du rock, sorti en 2003, j'ai nommé Elephant. Sous ce titre étrange (de plus, aucun éléphant sur la pochette, aucune allusion à cet animal dans les paroles des chansons...) se cache un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, des albums des White Stripes, groupe de rock constitué de Jack White (guitare, chant, claviers) et de Meg White (batterie, chant), son ex-femme, mais dans la mythologie du groupe, le duo se fera longtemps passer pour frère et soeur. Pas de basse, et un strict code de couleurs de rouge et blanc, c'est le credo, le dogme même, du groupe. Elephant n'est pas le seul bon disque du groupe (White Blood Cells, De Stijl valent également énormément le coup), mais c'est probablement leur plus réussi à ce jour, et aussi leur plus gros succès commercial. Ce disque, une cinquantaine de minutes (un tooooouuuut petit peu moins en fait) pour 14 titres, le voici :

Seven Nation Army : Monstrueux. Elephant s'ouvre sur une des meilleures chansons rock des années 2000, tout simplement. Seven Nation Army est une claque, une bombasse absolue, une chanson monstrueuse, s'ouvrant sur un riff mortel (joué à la guitare, baissée de plusieurs octaves, et non pas à la basse, comme on pourrait le croire : le dogme des White Stripes interdit l'usage de la basse, il n'y à pas d'exception ici, mais Jack White sera un temps, avant qu'il ne s'explique, accusé d'avoir enfreint la sacro-sainte règle du groupe). Batterie monolithique (Meg n'est pas une batteuse exemplaire, mais elle est quand même correcte), chant hanté, habité de Jack White, I'm gonna fight 'em all, a seven nation army couldn't hold me back... Le clip, aussi, avec ses triangles rouge et blanc défilant et faisant penser à l'affiche d'Orange Mécanique, ses squelettes armés, et le duo en plein office, est remarquable. Le seul problème est que la chanson a été malheureusement récupérée par la nouvelle génération de fêtards qui ne peuvent désormais s'empêcher de brailler des popolopopopopo sur l'air du riff de la chanson, que ce soit dans les night-clubs, à la TV, dans les manifestations, dans les soirées, en concerts, etc. Et ça, franchement, ça, c'est lourd.

Black Math : Gros riff de la mort qui tue. Black Math, qui parle apparemment d'un professeur et de ses élèves, est une chanson monstrueuse, encore une fois, et qui, après le tube Seven Nation Army, continue de foutre la patate aux auditeurs. 3 petites minutes bien saignantes, bien rock, bien violentes (la guitare déchire tout, Jack White chante comme un damné, la batterie est puissante), qui font de cette chanson une des meilleures de l'album, et probablement même du groupe. Du pur binaire, avec un break hallucinant au centre du morceau, une ambiance parfaite... Black Math ne laisse aucun répit aux auditeurs. La suite de l'album ne sera pas toujours aussi heavy, alors profitez-en !

There's No Home For You Here : Ambiance un peu orchestrale pour cette chanson qui, comme les autres, fut par ailleurs enregistrée en total analogique, à Londres, dans un studio à l'ancienne, comme dans les années 60 et 70 (le son de l'album est d'ailleurs totalement naturel, sans synthés, ni bidouillages, et l'album fut mis en boîte assez vite). Plusieurs pistes vocales de Jack ont été mixées les unes sur les autres (en tout cas, c'est l'impression que ça donne), faisant de ce There's No Home For You Here une des chansons les plus pop de l'album, en dépit d'un riff bien tenace et lourd (pas aussi lourd que sur Little Acorns ou Black Math, ceci dit). Excellente chanson, même si le passage a capella avec plusieurs voix de Jack White m'énerve un peu. Mais bon, je relativise, c'est vraiment une très très très bonne chanson !

I Just Don't Know What To Do With Myself : Immense reprise d'une chanson écrite par Burt Bacharach (un maître de la chanson pop des années 60 et 70) et Hal David, datant de 1962 et interprétée, autrefois, par Tommy Hunt, puis, surtout, par Dusty Springfield en 1964. Cette reprise par les Stripes est, évidemment, aux antipodes de l'original, c'est du lourd, du bourrin, tout en étant, en même temps (et chapeau au groupe pour ça), très pop et accessible. I Just Don't Know What To Do With Myself est une immense chanson, et une immense reprise, une des meilleures chansons de l'album. Le chant de Jack est, ici, parfait. Rien à dire, c'est bluffant. Trop court, par contre, 2,45 minutes.

In The Cold, Cold Night : Interprétée par Meg, In The Cold, Cold Night est une ballade très calme, acoustique (une guitare discrète et sublime, tout du long), qui marque le début d'un petit cycle acoustique et calme, reposant, pop, sur l'album (le cycle comprend les deux chansons suivantes en plus de celle-ci). Une chanson courte (3 minutes). Courte, mais elle a la bonne durée, car, plus longue, In The Cold, Cold Night aurait sans doute été saoûlante, à la longue. Meg chante assez bien, petite voix enfantine, mais c'est l'accompagnement musical, assez minimaliste, qui me plaît le plus ici, car, à la longue, la voix de Meg m'emmerde un peu. Une assez bonne chanson, mais certainement pas la meilleure de l'album. Sans être la moins bonne non plus.

I Wanna Be The Boy To Warm Your Mother's Heart : Une ballade au piano, douce comme une pluie d'été, un peu triste aussi (en tout cas, mélancolique, pleine de spleen). Le titre de la chanson est à rallonge, et un peu pompeux (un des problèmes du groupe), mais la chanson en elle-même, I Wanna Be The Boy To Warm Your Mother's Heart, est vraiment une pure splendeur, touchante, sobre, pop et classieuse, qui change radicalement après des morceaux comme Black Math. Pas le sommet absolu de l'album, mais vraiment une chanson très très belle, à écouter. Jack White chante divinement bien.

You've Got Her In Your Pocket : Autre ballade construite selon le même principe que I Wanna Be The Boy To Warm Your Mother's Heart, mais en moins grandiose, nettement. You've Got Her In Your Pocket est une petite chansonnette acoustique (la dernière de l'album si on excepte le final), et encore une fois, Jack chante très bien, et la chanson est touchante, classe, sobre, etc. Mais là, la sauce prend moins bien, c'est en quelque sorte la ballade de trop (il aurait, de toute façon, mieux valu la placer ailleurs que directement après l'autre, elle aurait été sans doute mieux appréciée). Ce n'est pas mauvais, mais c'est une chanson un peu mineure, secondaire, enfin, je trouve.

Ball & Biscuit : Morceau le plus long de l'album avec 7,10 minutes, Ball & Biscuit, qui tire son nom d'un très ancien modèle de micro (probable que Jak White ait utilisé ce micro pour l'enregistrement, sinon de l'album, du moins du morceau), est une chanson mémorable. Vrai morceau-fleuve par rapport aux autres chansons (qui font au maximum 4 minutes), c'est un blues-rock efficace à 100%, doté d'un riff peu original (très bluesy), mais totalement remarquable et efficace. Niveau paroles, ce n'est pas non plus grandiose, mais on s'en fout, en même temps. Une sorte de mini-jam blues-rock totalement renversante, un solo de guitare magnifique, interprétation époustouflante du duo Meg/Jack, Ball & Biscuit est un des sommets d'Elephant, ni plus, ni moins.

The Hardest Button To Button : Sortie en single, The Hardest Button To Button (avec son clip qui donne mal au crâne !) est une gigantesque chanson. Tout, je dis bien tout, est monstrueux ici : la batterie martelée, le chant légèrement distant et hanté (come pour Seven Nation Army) de Jack White, le riff monumental, l'ambiance teigneuse, lourde, éléphantesque, et les paroles, qui parlent de l'enfance. The Hardest Button To Button est une chanson franchement monumentale, un des sommets absolus d'Elephant, une chanson mythique comptant parmi les meilleures des Bandes Blanches... Essentiel !

Little Acorns : Chanson bien lourde (le riff ! le riff ! putain, le riff !), longue de 4 minutes et 10 secondes. Little Acorns, après un doublé monumental de chansons imparables, ne dépare pas sur Elephant, c'est une chanson bien nerveuse et violente. Le chant de Jack White est remarquable, et nous offre ici une ambiance totalement heavy, pesante, au riff éléphantesque, pachydermique et, ais-je oublié de le préciser, putain, ce riff, ce riff, ce riff ! Oui, c'est pesant, pachydermique, mais dans le bon sens du terme, Little Acorns fait penser, par moments, au meilleur de Black Sabbath ou d'Alice In Chains, autrement dit, ce n'est pas une chanson destinée aux petites filles et aux amateurs de folk. C'est, vraiment, du gros, du gras, du lourd. Et c'est excellent.

Hypnotize : 1,50 minutes (morceau le plus court) pour ce Hypnotize qui va vite, très vite, qui file comme une fusée. Riff bien efficace et teigneux, ambiance punk-rock assurée, chant nerveux pour cette chanson pas extraordinaire, mais franchement sympathique et rock, qui ne dépare pas sur l'album, même si elle déçoit, quelque part : trop courte, limite un peu bâclée, on aurait aimé une durée plus consistante, et puis, aussi, c'est le premier morceau vraiment secondaire de l'album après dix morceaux au pire excellents, et au mieux phénoménaux. Elephant, autant le dire tout de suite (mais je le redirai), se finit nettement moins bien qu'il n'a commencé. Hypnotize, c'est pas encore du moyen, mais c'est pas du grandiose, juste du très bon. Sauf la guitare, là, c'est du lourd.

The Air Near My Fingers : Une chanson assez correcte, pas aussi grandiose que les premières chansons de l'album ou que The Hardest Button To Button, mais The Air Near My Fingers, avec son refrain assez pop et son ambiance tour à tour férocement rock et très calme, est une assez bonne petite chanson, secondaire par rapport à Black Math, Seven Nation Army ou Ball & Biscuit, mais nettement meilleure que les deux suivantes. Ca peut aller. Encore une fois, Jack White, que ça soit au chant où à la guitare, assure totalement.

Girl, You Have No Faith In Medicine : Mouais. Une chanson bien teigneuse, riff extrêmement efficace, guitare sanglante, ambiance punk-rock absolue, mais mis à part ça, Girl, You Have No Faith In Medicine (le titre est d'un ronflant et d'un ridicule, 'Ma fille, tu n'a pas de foi en les médicaments'...où vont-ils chercher des titres de chansons aussi longs et stupides ?) est franchement moyenne. La chanson dure 3,20 minutes et fait partie des moins bonnes de l'album. D'ailleurs, Elephant se finit en queue de poisson, entre cette chanson musclée et sans surprises et la chanson suivante, radicalement opposée, mais tout aussi moyenne...

 It's True That We Love One Another : Une plaisanterie. Ca ne peut être qu'une plaisanterie. Enfin, je l'espère ! It's True That We Love One Another est une chansonnette folk acoustique interprétée en trio par Meg, Jack et par Holly Golightly (chanteuse du groupe Thee Headcoats, un groupe de rock anglais féminin ; Holly Golightly est un pseudonyme, qui est surtout le nom du personnage principal du roman et du film Breakfast At Tiffany's). Ambiance sympatoche sur cette chanson qui, franchement, n'est pas terrible à part ça. On y entend le trio chanter des paroles assez niaises sur oui, je t'aime et toi, tu l'aimes, et elle, elle m'aime, et oui, je t'aime comme un frère, et tu m'aimes comme une soeur, etc, la chanson, courte (moins de 3 minutes), n'en est pas énervante et limite insupportable (en ce qui me concerne) pour autant. Vraiment pas terrible, surtout que c'est la dernière de l'album (sauf au Japon : ils ne font jamais rien comme les autres, les Nippons, et comme très souvent, ont droit à deux bonus-tracks, Who's To Say et Good To Me). Décidément, donc, Elephant se finit mal.

Bref, Elephant est un excellent album de rock, même si certaines chansons (peu de chansons, mais quand même deux ou trois) semblent moins réussies que d'autres (et on a aussi un passage assez lent, plusieurs chansons assez calmes, ce qui est aussi original que, finalement, un peu ennuyeux). Mais c'est bel et bien un nouveau classique du rock, et sans aucun doute le meilleur album des Bandes Blanches (traduction de leur nom), et, aussi, un album essentiel à tout amateur de rock. On notera quand même que la fameuse Seven Nation Army, certes phénoménale, est un peu écrasante par rapport au reste de l'album (cette chanson fut le catalyseur, mais on ne parle généralement du groupe que pour parler de cette chanson, ce qui est toujours un peu dommage), et même du groupe. Honnêtement, si c'est une des toutes meilleures de l'album, Elephant offre quand même d'autres vraies réussies moins connues. A écouter, donc.