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310ème Track-by-track, et pour ce faire, un classique du rock, sorti en 1977, un des meilleurs albums d'Iggy Pop en solo (voire même son sommet, même si The Idiot, son album précédent, de la même année, et aussi produit par David Bowie, est également grandiose), produit, donc, par David Bowie et enregistré à Hansa-by-the-Wall à Berlin-Ouest en même temps que "Heroes" de Bowie : Lust For Life. Sur la pochette, un Iggy souriant largement, regard pétillant, rien à voir avec la pochette de The Idiot (qui avait été enregistré au Château d'Hérouville, en France, en même temps que Low de Bowie...et No Man's Land d'Higelin !)... Lust For Life est un disque renversant, rock à l'extrême, très accessible (bien plus que Brick By Brick ou que le froid The Idiot), totalement parfait, enregistré avec Bowie, Carlos Alomar, Ricky Gardiner, et les frangins Sales (Tony et Hunt). Ce disque, le voici :

Lust For Life : Classique absolu que ce Lust For Life, chanson immense que l'on entend notamment dans le Trainspotting de Danny Boyle (et en intro de film). Que dire, en fait au sujet de cette chanson comptant parmi les classiques de l'Iguane ? Dès l'intro, batterie martelée, basse fantastique, guitare remarquable, et la voix narquoise, nasillarde de l'Iguane qui surgit (Here comes Johnny Yen again, with the liquor and drugs, and the flesh machine, he's gonna do another strip-tease), dès l'intro, donc, on est en transe. Choeurs fantastiques du groupe (dont Bowie au piano), paroles remarquables, interprétation tout simplement cataclysmique d'Iggy, Lust For Life est une pure merveille rock, un trésor absolu qui rend immédiatement accro. Tout simplement. Chanson écrite par Bowie.

Sixteen : Créditée à 3,25 minutes sur le CD, Sixteen, en fait, dure une minute de moins. La plus courte de l'album, et aussi la moins marquante, même si, franchement, elle n'est pas mauvaise du tout. Encore une fois, le chant d'Iggy est agressif et narquois, un peu en écho aussi, en arrière-plan derrière le groupe qui livre une mélodie assez dissonnante et heavy (riff assez remarquable de Gardiner, à moins que ça ne soit d'Alomar). Sixteen, écrite par Pop (unique chanson de l'album sur laquelle Iggy a des crédits d'auteur), est une bonne chanson, un peu répétitive (dans un sens, la chanson précédente aussi était répétitive, oui, mais ça passait mieux), clairement la moins exceptionnelle de l'album, mais c'est bien foutu et sympathique. Pas trop long, en plus.

Some Weird Sin : Ecrite par Bowie (Pop aurait participé, mais n'est pas crédité), Some Weird Sin est une des chansons les plus classiques de l'album avec Success. C'est une très bonne chanson assez punk dans l'âme, très énergique, interprétée par un Iggy Pop en très grande forme (je trouve cependant qu'il chante mieux sur l'ensemble des chansons suivantes, ainsi que sur la chanson-titre). Les paroles semblent parler de ce que Pop a vécu, ressenti, durant les deux-trois années précédant Lust For Life (on y parle de quelqu'un se tenant debout au bord du monde, au bord du gouffre). Une chanson simpliste (pas pour les paroles), d'apparence un peu banale, très conventionnelle, mais vraiment bonne.

The Passenger : Inspirée par un poème de Jim Morrison (le chant aussi s'inspire de Morrison), The Passenger est une chanson mythique, au même titre que Lust For Life (ou que d'autres chanson d'Iggy se trouvant, elles, sur d'autres albums, comme Nightclubbing, China Girl ou les chansons des Stooges). Une chanson qui semble avoir inspiré Cookie Dingler pour leur tube Femme Libérée (l'intro est sans équivoque) ! Une chanson mémorable, grandiose, écrite par Gardiner (et Pop, non crédité) sortie en face B de l'unique single de l'album (Success). Riff fantastique, paroles remarquables, et choeurs (avec Bowie) mythiques, en forme de vocalises, lalalala lalalala lalalala lalalala lalalala lalalala lala... Immense.

Tonight : Magistrale chanson que Bowie (qui l'a écrite) reprendra, avec une autre chanson de l'album, sur son album Tonight (immonde) en 1984, la chantant alors  avec Tina Turner. Tonight est une pure merveille démarrant assez lyriquement (choeurs sensationnels de Bowie et du groupe, chant énergique de Pop), avec des paroles très sombres (I saw my baby, she was turning blue, I knew that soon her young life was through/So I dropped down on my knees, down by her bed, and these are the words to her I said : 'j'ai vue ma chérie, elle était mourante, j'ai su qu'elle n'en avait plus pour longtemps ; alors je suis tombé à genoux face à son lit, et voici ce que je lui ai dit'). Après cette courte intro aussi triste (paroles) que lyrique, que Bowie ne reprendra pas, le morceau change radicalement : un riff fantastique de guitare, une partition de claviers entêtante, transforment radicalement le morceau, qui devient une quasi-déclamation d'Iggy, qui chante, alors, d'une voix sobre, calmée, et magnifique, Everything will be alright tonight... Tonight est une chanson tout simplement exceptionnelle, une des meilleures de l'album. Elle achève la face A avec élégance et majestuosité.

Success : Ouverture de la face B avec Success, chanson guillerette, unique single de l'album, une chanson construite selon le procédé du call and response (une chanson nécessitant la participation active du public dans les paroles ; dans la version studio, ici, donc, on a énormément de choeurs - Bowie notamment - répétant, après Pop, les paroles : Here comes success - Here comes success, par exemple). Une chanson rock, entraînante, plutôt joyeuse, ce qui fait une sacrée transition après un Tonight plutôt tristounet et avant un Turn Blue radicalement dépressif. Success n'est pas la meilleure de l'album (un peu énervante à la longue ?), mais est franchement bonne. Chanson écrite par Bowie et Gardiner.

Turn Blue : Quasiment 7 minutes en tout et pour tout pour ce Turn Blue mémorable qui est la seule chanson de l'album pour laquelle les paroles ne se trouvent pas dans le livret. Sans doute parce que des lignes de texte telles que Jesus ? This is Iggy ou Oh, mama, I shot myself down (cette dernière est en quelque sorte le mantra de la chanson, dont le titre, qui se trouve aussi parmi les paroles de Tonight (première ligne de texte de Tonight), signifie 'mourir') ont été jugées trop limite pour être écrites. Turn Blue est une déclamation à moitié chantée d'Iggy, sur fond de musique hypnotique et assez calme (piano, choeurs assez zen), même si le morceau, vraie montée en puissance, se finit de manière assez apocalyptique. La chanson a été enregistrée en 1975, alors qu'Iggy était dans une phase autodestructrice et camée (il se fera volontairement interner dans un asile, Bowie prendra soin de lui, c'est grâce à Bowie si Iggy est devenu ce qu'il est), la chanson sonne comme une confession brutale, sans concessions, interprétée avec force, efficacité et, surtout, une sincérité qui fait froid dans le dos. Un des meilleurs morceaux de l'album (co-signé Pop, Bowie et Warren Peace), le plus space aussi. Turn Blue, ce n'est pas du rock, c'est du vécu, du réel.

Neighborhood Threat : Reprise, comme Tonight, par Bowie en 1984 sur son catastrophique (il l'a lui-même renié en bloc) Tonight, Neighborhood Threat est une chanson mémorable. Courte (3,25 minutes), mais mémorable. Riff remarquable et très aigu, claviers fantastiques, paroles assez bien foutues pour cette chanson co-signée par Bowie et Ricky Gardiner. Neighborhood Threat est en fait une des chansons es plus mythiques de l'album et d'Iggy Pop, tout simplement. Mélodie imparable, chant bluffant, musiciens en forme, c'est vraiment une grande, grande chanson proto-punk.

Fall In Love With Me : 6,30 minutes pour cette ultime chanson, remarquable, hypnotique, interprétée par un Iggy volontairement morne, atone. Fall In Love With Me a été co-écrite par Bowie et les frangins Sales, et est un morceau que l'on décrira comme une sorte de proto-disco/cold-wave/punk/funk-rock, un truc de fou, avec une mélodie répétitive et franchement excellente et un chant distant, en écho (comme pour Sixteen, c'est en arrière-plan, dans un sens, derrière la musique). Répétitif, mais envoûtant, jamais longuet malgré sa longueur imposante (deuxième plus long titre de l'album), c'est un de mes morceaux préférés de Lust For Life. Et d'Iggy. Le morceau, qui parle de la petite amie de l'époque d'Iggy, aurait été enregistrée au cours d'une jam-session impromptue, aurait été créée quasiment en studio, à l'improviste. Le résultat est là, et c'est une des meilleures chansons de l'album.

 Alors ? Un gros, gros classique que ce Lust For Life, me direz-vous, et vous aurez raison ! 9 titres franchement excellents (dans le pire des cas - oui, bon, c'est vrai, Sixteen est un peu moins qu'excellent, mais c'est l'exception qui confirme la règle), voire même grandioses (pour la majorité, soit 6 des 9 titres). Une production éclatante de Bowie, une interprétation hors pair d'un Iggy qui, par la suite, se sentira rarement aussi concerné (si des albums tels que Brick By Brick ou New Values sont bons, ce n'est certainement pas le cas de Soldier, Instinct, Blah Blah Blah ou Beat 'Em Up). Avalanche de classiques, ambiance férocement rock mais aussi, parfois, très pop, Lust For Life, c'est un essentiel absolu pour tout fan de rock, tout simplement !