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Pour ce 305ème Track-by-track, un chef d'oeuvre absolu sorti en 1965, un disque essentiel pour tout amateur de soul music (et de musique tout court), le meilleur album d'Otis Redding, j'ai nommé : Otis Blue. Aussi connu sous le sous-titre Otis Redding Sings Soul, c'est un disque tellement réussi, tellement parfait, qu'il ressemble plus à un best-of du chanteur de soul music mort en 1967 dans un crash aérien, à 27 ans, qu'à un album classique. L'album a été enregistré avec des musiciens tels que Donald 'Duck' Dunn, Isaac Hayes, Booker T. Jones, Andrew Love, Wayne Jackson et Steve Cropper, et contient, pour 33 courtes minutes, 11 morceaux légendaires, signés Redding, mais aussi des reprises de Sam Cooke, Solomon Burke, B.B. King ou même des ... Rolling Stones ! En tout, un disque immense, mythique, sorti sous une sublime pochette bleutée représentant une jeune femme blonde. Otis Blue, que voici, est un essentiel :

Ole Man Trouble : Une des trois chansons de Otis Blue qui sont signées Otis Redding, Ole Man Trouble est une chanson mémorable, 2,55 minutes à faire frémir l'amateur de soul music tant c'est bluffant. Sortie en face B du single Respect, Ole Man Trouble est une claque auditive, une chanson sublime (cuivres inoubliables), interprétée à la perfection par un Redding au sommet de son art, on sent bien la douleur, la peine, dans sa voix. Une chanson sur toutes les emmerdes qui peuvent arriver à un homme, y compris un homme âgé, et ces emmerdes sont d'ailleurs personnifiées, dans la chanson. Une chanson immense, immortelle, comme beaucoup d'autres de l'album.

Respect : Seulement 2,05 minutes (le morceau le plus court) pour ce Respect mythique, une autre des trois chansons que Redding a écrites, sur l'album. La chanson, deux ans plus tard, reprise par Aretha Franklin, deviendra un hit, un monument de soul music en faveur du droit des femmes au respect de la part des hommes. Mais ce qu'on sait moins, c'est que la chanson de base, celle-ci, donc, est une chanson qui milite pour le droit au respect pour...les hommes. Tout le contraire ! Là, on parle d'un homme qui dit à sa femme qu'elle lui doit le respect d'une épouse doit à son mari. Chanson machiste, contrairement à la chanson féministe dans sa version Franklin. C'est en partie ce qui rend les deux versions aussi grandioses l'une que l'autre, car elles se complètent. Otis Redding a composé Respect dans le studio, afin de rajouter un titre en plus à l'album, mais au final, c'est une des chansons les plus connues du chanteur, sortie en single avec la chanson précédente en face B. Immense.

A Change Is Gonna Come : Première des trois reprises du regretté (mort en 1964) Sam Cooke, et la meilleure des trois (sans pour autant critiquer les deux autres, sûrement pas), A Change Is Gonna Come, titré Change Gonna Come sur la pochette recto, est la chanson la plus longue de l'album : 4,15 minutes. Encore une fois, la chanson la plus longue et la chanson la plus courte se cotoient l'une à côté de l'autre (c'est souvent le cas sur un album) ! Que dire ? Chanson mémorable, grandiose, immortelle, reprise notamment par Seal (très belle reprise, récente), mais aussi par Aretha Franklin, Bob Dylan, The Band, The Fugees, Graham Parker, Patti LaBelle, The Neville Brothers... Cette reprise par Redding est aussi grandiose que l'originale (de 1964, année donc de la mort de Cooke), et reste un des plus grands moments de l'histoire de la soul music. Tout simplement. On ne peut pas vivre sans l'avoir écoutée, et comment se dire mélomane sans l'aimer, je vous le demande !

Down In The Valley : Reprise gigantesque (pas par la durée : 3 minutes) d'un standard du grand Solomon Burke, Down In The Valley. Datant originellement de 1962, c'est une chanson sublime qui parle d'un homme qui traverse une vallée, alors qu'il est dans un feeling assez tendu, se battant pour conserver l'amour de la femme qu'il aime. Cette reprise de la chanson du grand Burke, par le tout aussi immense Redding, est une pure merveille, une des meilleures chansons de l'album. Tout simplement extraordinaire ! Allez, assez parlé, passons à la suite, car, que dire de plus ?

I've Been Loving You Too Long : Un peu plus de 3 minutes pour cette chanson immortelle, co-signée Otis Redding et Jerry Butler, et qui sortira en single en 1965, en avril (c'est la seule chanson d'Otis Blue qui fut enregistrée en avril, les 10 autres ont été faites en juillet), quelques jours après son enregistrement. Pas le single fait le plus rapidement de l'histoire (c'est Instant Karma ! de Lennon, single-express sorti deux jours après son enregistrement, ou quelque chose dans ce genre), mais c'est quand même assez rapide. I've Been Loving You Too Long (simplement crédité Loving You Too Long sur la pochette recto) est une chanson immense, emblématique d'Otis Redding (au même titre que Respect, Ole Man Trouble ou bien encore (Sittin' On The) Dock Of The Bay, laquelle est sortie posthume). Que dire, sinon que c'est déchirant, bluffant ? La face B, absente de l'album, s'appelait Just One More Day.

Shake : Ouverture de la face B avec Shake, reprise de Sam Cooke (la deuxième des trois), chanson qui sortira en single (avec You Don't Miss Your Water en face B) en 1967. 2,35 minutes, courte chanson, donc, et franchement remarquable, même si Shake est, avec Rock Me Baby, la chanson que j'adore le moins ici (ce qui signifie que je l'adore, mais sans commune mesure avec les autres). Enfin, on ne va pas chipoter non plus : interprétation époustouflante, sens du rythme, toujours cette immense voix, Shake est une remarquable reprise du standard de Sam Cooke, une chanson fantastique.

My Girl : Reprise d'une chanson de Smokey Robinson et Ronald White (The Temptations), datant originellement de 1965, la reprise est donc faite assez rapidement après l'originale ! My Girl est une autre grande chanson qui permet à Otis de limite faire mieux que les Temptations (en fait, c'est aussi bien), une chanson de 2,50 minutes franchement sublimissime, plus orientée blues, plus traditionnelle, et que je préfère à celle des Temptations pour tout dire. Encore une chanson à mettre au dossier 'putain de Dieu, mais qu'est-ce que cet Otis Blue est grandiose !', en fin de compte...

Wonderful World : 3 petites minutes pour ce Wonderful World attachant et on ne peut plus grandiose, reprise d'une mémorable chanson de Sam Cooke (troisième reprise de Cooke sur l'album). Redding rend vraiment un vibrant hommage à Cooke via Otis Blue, vu que ce chanteur de soul music, un géant du genre, est mort en 1964. Wonderful World est une réussite absolue, datant de 1959 dans sa version Cooke, et ici dans une version sublimée, interprétée à la perfection par le grand Otis. Chanson qui fut également reprise par Bryan Ferry, Rod Stewart, Joan Baez, The Supremes ou Art Garfunkel, Wonderful World est ici dans sa plus belle version après celle de Cooke. Immense.

Rock Me Baby : Très très bonne chanson, reprise de B.B. King. Rock Me Baby n'est pas le sommet d'Otis Blue, mais tout du long de ses 3,20 minutes (la deuxième plus longue de l'album !), je dois reconnaître que la chanson est vraiment admirable, une excellentissime reprise d'un standard de blues signé d'un des plus grands bluesmen de l'histoire. Interprétation bluffante d'Otis Redding, musiciens remarquables, sens du rythme, Rock Me Baby, sans être, donc, du niveau de A Change Is Gonna Come, Ole Man Trouble ou You Don't Miss Your Water, pour ne citer que celles-là, est quand même franchement une réussite.

Satisfaction : 2,45 minutes pour cette reprise du classique absolu des Rolling Stones, (I Can't Get No) Satisfaction (la partie du titre entre parenthèses n'est d'ailleurs pas créditée sur la pochette). Une reprise faite assez rapidement, d'ailleurs, vu que la chanson des Stones date de mai 1965, et Otis Blue a été enregistré en juillet de la même année pour tous les titres sauf le cinquième qui a été fait en avril 1965 ! Et l'album est sorti en septembre de la même année, aussi et surtout. Enfin, Redding n'est pas le seul à avoir repris la chanson, évidemment, et rien qu'en cette année 1965, Hendrix et Quincy Jones la reprendront aussi (et aussi, en français, Eddy Mitchell). Bon, revenons à la version Otis Redding. Elle est franchement excellente, et montre que Redding s'intéressait au rock, tout en ayant réussi à en faire une chanson soul (disons soul/rock, voilà), avec des paroles différentes, car il disait ne pas connaître les paroles en totalité au moment de l'enregistrement. Cette version de Satisfaction est vraiment remarquable, pour tout dire, et qui sortira en single en 1966.

You Don't Miss Your Water : Enfin, le final, et que dire d'autre, sinon que c'est un final grandiose, magnifique ? You Don't Miss Your Water est une reprise d'une chanson de William Bell, datant de 1961 dans sa version de William Bell, une chanson mémorable qui parle de la solitude, d'un homme qui a perdu son amour, sa raison de vivre, son eau, en quelque sorte, et qui désespère de la retrouver, de retrouver l'amour, de retrouver de quoi vivre. Sans l'amour, ce mec est en quelque sorte comme un homme perdu en plein désert, sans eau, condamné à ne pas s'en sortir. But when you left me and say bye-bye, I missed my water, my well ran dry. You Don't Miss Your Water est une chanson sensationnelle, courte (2,50 minutes), et achevant à la perfection Otis Blue. De plus, elle était en face B du single Shake.

 Alors, au final, que dire ? Ben, rien d'autre que ce que j'ai dit en intro et tout du long des 11 paragraphes de l'article TBT : Otis Blue est définitivement un chef d'oeuvre, un monument, une réussite absolue, complète, totale, entière, un album essentiel, que dis-je, crucial, vital même. Vous m'excuserez donc d'être, pour une fois, concis dans la conclusion, mais que dire d'autre, vraiment ? Il vous faut cet album, c'est clair et net. En plus, on le trouve très facilement, et généralement à un prix très abordable si vous prenez le CD classique (il existe une édition collector très réussie, mais je pense que le CD de base se suffit à lui-même). Alors, si vous ne l'avez pas encore, vous n'avez aucune excuse et vous me ferez cent lignes : Je dois me procurer Otis Blue avant la fin de la semaine !