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304ème Track-by-track, et pour ce faire, un excellent album de pop/rock progressive : Duke. Sorti en 1980, c'est le 10ème album studio de Genesis, et leur 12ème album tout court. C'est aussi le quatrième album studio du groupe avec Phil Collins au chant en plus de la batterie, et selon l'avis des membres du groupe (Tony Banks : claviers ; Mike Rutherford : basse, guitare), c'est à partir de cet album que Collins s'est définitivement imposé, vocalement parlant, qu'il a trouvé son style. Un an après, il se lançait en solo (reprenant une des chansons de l'album sur Face Value, son premier opus solo), avec la carrière que l'on sait. Duke est un disque long (55 minutes, 12 titres), rempli de hits, un des meilleurs albums du groupe, mais j'ai mis du temps à l'aimer. C'est un disque très pop (pochette dont les illustrations proviennent d'un livre pour enfants français, ou en tout cas, francophone), qui marque définitivement le changement musical dans le groupe : plus pop/rock, moins progressif. Le voici :

Behind The Lines : Morceau mythique pour ouvrir Duke, ce Behind The Lines cultissime que Philou reprendra en 1981 sur son premier album solo Face Value (c'est donc de ce morceau que je parlais dans l'intro, vous l'aurez compris), et ce, dans une version plus pop. Behind The Lines possède ne longue et remarquable intro faite de synthétiseurs, qui délivrent un thème aussi puissant qu'efficace. L'intro de ce morceau est tellement étendue qu'on pourrait croire, au départ, que le morceau est instrumental, mais la voix de Collins surgit, cependant, elle finit par surgir, et dès lors, elle ne partira plus. Un morceau sensationnel, long de 5,30 minutes, qui ouvre à la perfection l'album et se fond totalement dans le titre suivant, qui est...

Duchess : ...l'immense Duchess. Oui, je dis 'immense', mais en fait, j'aurais mieux fait d'utiliser le terme 'grandiose'. Duchess possède elle aussi une longue intro instrumentale (décidément), et est, de plus, assez longue (dans les 6,30 minutes), ce qui n'empêchera pas la chanson de sortir en single. Cette intro est sublime, douce, à base de claviers tout simplement magnifiques et de percussions discrètes. Impossible de ne pas avoir envie que ça dure éternellement, même si, une fois que le morceau décolle avec l'arrivée de la voix de Phil Collins, c'est encore plus beau. Et plus énergique, aussi. Un autre gros classique que ce Duchess, quasiment le morceau-titre (à part le sexe qui change) de Duke, et dont le refrain est tout simplement sublime. Une chanson sur la notoriété, sur une femme célèbre, une chanteuse, qui, au fil du temps, le devient de moins en moins, remplacée dans le coeur des fans par d'autres artistes plus jeunes. Paroles magnifiques, musicalement sensationnelle, Duchess est un des sommets de l'album. Et du groupe.

Guide Vocal : Un petit morceau bien étrange, très court (1,35 minute), dans lequel, sur fond de piano très zen, on entend Collins, chantonner un peu de paroles. Pas vraiment une chanson (sinon, le simple fait de chanter des paroles sur de la musique, on est d'accord, signifie que c'est une chanson !), mais plus un interlude, que ce Guide Vocal, dont les paroles se retrouveront dans Duke's Travel, en fin d'album (enfin, dans la dernière partie). Pas grandiose rapport à sa durée, mais c'est reposant, dans un sens. N'empêche, le deuxième et dernier couplet est assez cynique : I call you for I must leave/You're on our own until the end/There was achoice but now it's gone/I said you wouldn't understand/Take what yours and be damned. Une sorte de mise en garde de l'auditeur, pour lui dire, maintenant qu'on en est à ce stade, tu ne peux plus reculer. Ce qui est étrange, vu que Duke n'est pas un disque glauque et violent !

Man Of Our Times : Chanson remarquable et assez énergique que ce Man Of Our Times. 5,35 minutes (pas mal de morceaux longs sur la face A, les morceaux de la face B, sauf un, sont plus sobres en durée) franchement excellentes, avec un chant surpuissant (le refrain !) de Phil Collins et des claviers très présents et se mariant bien avec les ruades de batterie de Collins. Un morceau qui ne compte pas parmi les plus légendaires de Genesis, et c'est bien dommage, car, franchement, il a de quoi faire succomber les amateurs de pop progressive. Ce n'est pas un des morceaux les plus connus, mais il est vraiment bon, réussi, et même, un de mes préférés du groupe, tout simplement. Man Of Our Times, en un mot, c'est super.

Misunderstanding : Sorti en single, c'est un morceau entièrement signé Phil Collins, et même le premier morceau entièrement signé Collins à sortir en single. Misunderstanding, court (3,15 minutes), sera un tube gigantesque, et est une ballade au piano tout simplement somptueuse. Enfin, ballade...ce n'est pas un slow, mais un morceau très pop, assez calme, bien qu'entraînant. Le genre de morceau qui rend accro, une sublime petite chanson que le groupe chantera souvent en live (une très bonne version se trouve sur Three Sides Live de 1982), et qui est une des chansons les plus mémorables de Duke et de la dernière période du groupe. Que dire d'autre ?

Heathaze : Enfin, la face A se finit en fanfare, en beauté, avec ce morceau remarquable, 5 minutes tout simplement quintessentielles, grandioses, que dis-je, immenses : Heathaze. Là, tu entres dans le légendaire, comme le chantait Bashung. Heathaze est mon morceau préféré de Duke, devant Duchess, et probablement mon morceau préféré de Genesis (je précise : de leur période 1978/1997, car même si Collins ne chante pas dessus, je mets ...Calling All Stations... de 1997 dans cette dernière période, l'album ne pouvant être exclu totalement de la disco du groupe, ni constituer une période à lui tout seul !). Que dire ? Un morceau puissant, émouvant, déchirant, une montée en puissance dans un sens (couplets sublimes et calmes, rarement Collins aura aussi bien chanté ; et refrains plus tendus, et tout simplement immenses). Avec des claviers sensationnels, pour ne citer qu'eux... Heathaze est une pure merveille absolu, tout simplement. A vous retourner les poils !

Turn It On Again : Immense tube, le plus gros tube de Duke, ce Turn It On Again tellement mythique que la tournée de reformation de Genesis (2007) portera le nom de cette chanson. Turn It On Again, énorme succès, ouvrait ici la face B avec efficacité. Une chanson assez courte (3,50 minutes) et très réjouissante sur un jeune homme qui, fan absolu d'une star de la musique, d'un groupe (Genesis ?), voit ses idoles à la TV et leur parle comme s'ils étaient là, face à lui, comme s'ils pouvaient sortir de l'écran (ou lui, y entrer). Une chanson pop, franchement excellente, au riff de claviers entêtant et remarquable. Un tube, sur lequel, mis à part dire que c'est franchement réussi, il n'y à pas grand chose à dire. Une des chansons les plus évidentes de Duke.

Alone Tonight : Signée Mike Rutherford, Alone Tonight est une chanson très douce, tristounette, mélancolique, qui ne fait pas partie des sommets de Duke (mais est meilleure que la suivante) tout en étant une chanson franchement belle et agréable. Le chant de Philou est tout simplement sublime ici, et musicalement parlant, c'est aussi simple (pas de grande recherche musicale ici, c'est un morceau pop assez triste, c'est tout) qu'efficace et, surtout, beau, réussi. 'Alone Tonight est un morceau comme Collins en fera souvent en solo', diront les détracteurs du groupe. Oui, en effet, sauf que ce n'est pas Collins qui a fait cette chanson, ah ah ah ! Franchement bon.

Cul-De-Sac : En revanche, Cul-De-Sac, avec son titre français, et signée Banks, est indéniablement la chanson la moins bonne de tout l'album. En plus, elle dure 5 minutes, ce qui est foutralement trop long. Les bons points de cette chanson ne sont pas légion : le chant de Collin assure, les paroles sont, ma foi, bien torchées, et niveau batterie, rien à dire, Collins est décidément un batteur d'exception (était, en fait : il ne peut plus jouer de batterie suite à des séquelles d'opération du dos). Mais, mais, mais, entre la durée assez longuette et des claviers qui, franchement, sont ici assez moches (désolé, Tony, mais ça fait vraiment cacophonique parfois, notamment dans l'intro et le final), Cul-De-Sac se pose-là comme étant un morceau assez horripilant et très mineur ; la déception de Duke.

Please Don't Ask : 4 minutes pour cette chanson signée Collins en solo, Please Don't Ask. Une chanson assez triste, Collins la chante assez sobrement, sauf dans les refrains, plus mouvementés. Une bien belle chanson, pas très connue, nettement supérieure à Cul-De-Sac, et du même niveau que le tube Misunderstanding. Vraiment une très belle petite chanson, assez mélancolique, pas le sommet de l'album c'est sûr, mais du même niveau que Alone Tonight, autrement dit, un très bon niveau.

Duke's Travel : Un long instrumental. Long, car d'une durée de 8,40 minutes (le morceau le plus long de l'album). Instrumental ? Hé bien, pas vraiment, car on a droit, dans le final de ce Duke's Travel, à un passage chanté qui nous rappelle quelque chose : il ne s'agit qu'une reprise des paroles de Guide Vocal, tout simplement. La voix de Phil est plus énergique que sur Guide Vocal, et elle est presque noyée dans les synthés, qui, dans le final de Duke's Travel, livrent un thème musical assez soutenu et rythmé. Sinon, le reste du morceau est, ma foi, très réussi, de très efficaces synthés de Tony Banks, une batterie puissante de Collins, guitare remarquable de Rutherford, on ne s'ennuie pas malgré la durée, et ce, malgré, aussi, que, quelque part, 8,40 minutes, c'est un peu trop. Il aurait sans doute mieux valu mieux répartir la durée entre ce morceau et le suivant, qui est aussi un instrumental, et dont la durée est vraiment rikiki. Et qui est...

Duke's End : Le dernier morceau, encore un instrumental donc, et un des morceaux les plus courts de Duke : Duke's End (titre évidemment bien trouvé), qui reprend le thème introductif de Behind The Lines, ne dure en effet que 2,10 minutes. La boucle est bouclée avec élégance, le thème qui ouvre l'album est également celui qui l'achève. Un peu comme sur A Trick Of The Tail (1976), avec Los Endos, morceau final qui rappelle le thème d'intro De l'album (et d'autres thèmes de chansons de l'album). Comme je l'ai dit pour Duke's Travel, il aurait mieux valu mieux répartir les durées pour les deux instrumentaux, faire quelque chose de plus 'démocratique', car Duke's Travel est un poil trop long, et Duke's End, vraiment trop court ! Mais, musicalement, rien à dire.

 Duke est donc une réussite quasi-totale, on a une chanson assez moyenne sur la face B (Cul-De-Sac), mais rien de grave. Un disque très pop, pas moins de quatre tubes sortis en singles, et parmi eux, la première chanson commerciale entièrement signée de la main de Collins (qui chante à merveille sur tout le disque, comme c'était le cas sur les précédents opus, mais sa voix, ici, est plus axée 'pop' que de coutume). Album long, mais fantastique, Duke sera un succès monstrueux qui imposera définitivement Genesis comme un des meilleurs groupes de pop/rock de son époque, et ce, malgré que le groupe, à la base, était un pur groupe de rock progressif (les fans de la première heure gueuleront, tandis que le groupe gagnera d'autres fans, plus amateurs de sonorités commerciales, et que d'autres fans de la première heure sauront accepter le virage musical). La suite sera plus ou moins remarquable : Abacab est moyen, Genesis (éponyme) est un peu meilleur mais quand même pas parfait, Invisible Touch est du même acabit mais controversé (trop pop), We Can't Dance est encore meilleur, mais clairement encore plus pop parfois, proche des productions solo de Phil Collins... Duke est le dernier album vraiment progressif, même si ça ne reste qu'une surface, du groupe. Rien à voir avec Wind & Wuthering (1977), purement progressif, évidemment, mais tout de même, c'est plus progressif que l'album éponyme de 1983 ou qu'Invisible Touch. Et c'est aussi un grand disque pop/rock.