Pour ce 283ème Track-by-track, un disque assez controversé chez les fans de Sonic Youth (ce que je ne suis pas, car c'est le seul album du groupe que j'aime), sorti en 1990 sous une pochette assez fracassante : Goo. Ce disque est le premier du groupe (Kim Gordon : basse, chant ; Thurston Moore : guitare, chant ; Lee Ranaldo : guitare ; Steve Shelley : batterie) après leur signature sur la maison de disques Geffen Records, une grosse major américaine qui hébergeait notamment les Guns'n'Roses ou Nirvana. Il faut dire qu'avant Goo, les Sonic Youth étaient sur un label indépendant, chez eux, tranquilles, mais leur label fera faillite, et il fallait bien que, tôt ou tard, ils passent chez les majors, non ? Ce fut le cas avec ce disque, dont le son est très commercial, et qui est considéré, chez les fans, comme l'album du pacte avec le diable. C'est quand même un excellent album bien noisy, que voici :
Dirty Boots : 5,30 minutes pour ouvrir le bal, avec Dirty Boots, chanson remarquable chantée par Thurston Moore. La chanson, qui démarre lentement, calmement, d'une manière assez psychédélique même, et passe ensuite à une vitesse nettement supérieure (jusqu'à l'explosion finale), sortira en single en 1991 et sera même le dernier des singles issus de Goo (il y aura aussi Disappearer, Kool Thing). Une chanson franchement excellentissime, qui fait démarrer à merveille ce disque très noisy. Probablement une des meilleures chansons de l'album et du groupe, en fait ! Le chant de Thurston est excellent.
Tunic (Song For Karen) : Première chanson de l'album à être chantée par Kim Gordon (sublime voix), Tunic (Song For Karen) est ma préférée de l'album. D'une durée de 6,20 minutes, c'est une chanson assez sombre en hommage à Karen Carpenter, chanteuse du duo pop The Carpenters (fameux duo vocal des années 70, ayant à leur actif de vrais tube pour faires pleurer les gonzesses et les faire danser un slow), laquelle est morte, jeune, de problèmes de santé (cardiaques, je crois) relatifs à une anorexie. La chanson parle de ça, de sa maladie (And I think I'm disappearing, gettin' smaller every day), de sa mort, aussi (le passage Hello Janis, Elvis est éloquent). Le chant, merveilleusement atone, est fantastique, et la mélodie, aussi agressive (le riff) qu'envoûtante (le reste), est franchement remarquable. Une des meilleures, si ce n'est la meilleure, de Goo.
Mary-Christ : 3 minutes très punk interprétées par Moore, avec un peu de Kim Gordon. Une chanson très speedée et agressive (les guitares !) que ce Mary-Christ sans grande surprise, qui passe assez bien le cap de plusieurs écoutes, mais ne figure pas parmi les morceaux les plus inoubliables de Goo. Sans pour autant être un des moins bon, soyons d'accord aussi sur ce point. C'est un punk-rock endiablé à la Dead Boys/Stooges/Dead Kennedys, bourrin, brutal, saignant, mais assez limité, et très bruyant, trop, peut-être.
Kool Thing : Sorti en single, Kool Thing est un des morceaux les plus connus du groupe. C'est un duo entre Kim Gordon (qui est, ici, remarquable) et...Chuck D, un des rappeurs de Public Enemy. Qui se contente, en fait, ici, d'un caméo vocal assez banal, classique, quelques lignes de chant, juste ce qu'il sait faire, le minimum, comme l'aurait chanté Higelin. Ce n'est donc pas pour Chuck D (à la base, le groupe aurait préféré LL Cool J) qu'il faut écouter Kool Thing, mais pour Kim Gordon, et aussi pour la musique, qui arrive à être aussi noisy que mainstream. Une très bonne chanson, pas ma préférée, mais elle vaut le coup d'oreille.
Mote : Unique participation vocale de Lee Ranaldo sur l'album, Mote est aussi le plus long de tous les morceaux de Goo, il dure, en effet, 7,35 minutes. C'est aussi, avec Scooter + Jinx, le morceau le plus noiy de l'album. Chant atone de Ranaldo (mais franchement excellent), belles parties de guitare, et un final à rallonge, très étendu, et très très bordélique et sonique. Mote est un morceau qui devrait plaire à tous les fans de la Jeunesse Sonique préférant le groupe quand il est plus noisy que rock. Personnellement, je trouve le morceau franchement bon, notamment dans son début, mais il est aussi et surtout trop long, vraiment trop long...
My Friend Goo : Un des morceaux les plus courts (2,20 minutes). My Friend Goo ouvrait les festivités de la face B de l'édition vinyle (car l'album est sorti en vinyle aussi) de l'album. C'est un des morceaux que je n'aime pas sur le disque. Sans doute à cause de la voix de Kim Gordon, le chant étant assez énervant ici (quand elle crie hey you ! notamment). A noter, le morceau a été enregistré avec les musiciens qui ont changé leurs rôles, du style Kim à la guitare au lieu de la basse, Thurston à la batterie au lieu de la guitare... Le tout fait assez désordonné, mais au final, pas plus que d'habitude...
Disappearer : 5,10 minutes assez space et heavy, une chanson qui aurait pu être interprétée par le Blue Öyster Cult, tant elle possède cette ambiance mystique, cryptique, au fin fond des Sargasses de l'espace, que l'on entend dans les meilleurs morceaux du BÖC (tels 7 Screaming Diz-Busters ou Wings Wetted Down). Disappearer sortira en single, et est chantée par Moore, qui signe ici une interprétation remarquable. La chanson est de toute façon une des meilleures absolues de Goo, comme ça, c'est clair, et aussi une des chansons les plus mainstream de l'album, très accessible, du pur hard-rock en gros ! Avec, tout de même, un petit quelque chose qui la rend assez impalpable, la touche Sonic Youth en somme. Excellent.
Mildred Pierce : 2,15 minutes chantées par Thurston Moore, même si on ne l'entend que dans le final, et que, dans ce final, on l'entend hurler, brailler, pousser des Mildred Pierce, Mildred Pierce terrifiants de violence, de puissance, pour toutes paroles. Le morceau, sinon, est plutôt instrumental, et assez reposant si on le compare avec ce final totalement destroy. A noter que Mildred Pierce (nom d'un personnage issu d'un roman et film du même nom) s'appelait, à la base, Blowjob ? ('Fellation ?'), titre de travail qui fut donc bien renommé afin de ne pas choquer les masses populaires, sans doute ! Un morceau franchement...space, mais c'est pas mal non plus.
Cinderella's Big Score : Quasiment 6 minutes interprétées par Kim Gordon. Cinderella's Big Score est probablement, des longs morceaux de l'album, celui qui me plaît le moin, sans pour autant dire que je le déteste au même titre que My Friend Goo. C'est un morceau assez cacophonique (pas comme Mote ou le morceau suivant) plus que mélodique, le chant de Gordon est plutôt pas mal, les paroles aussi, mais musicalement, j'ai toujours eu du mal à retenir la mélodie avant chaque écoute, signe évident que ce morceau ne m'a jamais accroché, jamais branché... C'est, sinon, plutôt correct niveau vocal.
Scooter + Jinx : 1 minute de bruit à la Metal Machine Music (Lou Reed), à la Free Form Guitar (Chicago)... Scooter + Jinx, c'est un instrumental vrombissant (on dirait des moteurs de dragsters en stand-by, à fond avant le départ !) d'une minute, sur lequel on n'entend que ce bruit. Musicalement nul, assez peu utile si ce n'est pour ajouter un peu de noise à Goo. Bizarre. Pas sûr d'apprécier ça (en fait, non, je n'aime pas trop) !
Titanium Exposé : 6,25 minutes assez heavy pour achever Goo. Titanium Exposé, une des meilleures chansons de l'album, fait un peu penser à du Metallica, en plus noisy et moins thrash. Chant de Moore, avec des voix de Kim Gordon, pour ce morceau franchement excellent mais que le groupe dira trouver raide, un peu trop accessible aussi, un peu comme, au final, leur opinion sur l'album en général, qu'ils n'aiment pas vraiment (ils sortiront, peu après, un disque contenant les démos des chansons de l'album, lesquelles sont plus noisy et son sur le deuxième disque de l'édition Deluxe de Goo). Une très bonne chanson de pur hard-rock, pas très Sonic Youth, c'est vrai (encore que...), mais franchement excellente !
Au final, Goo est un album aussi commercial que noisy, ce qui semble quand même assez bizarre, la musique noise étant tout sauf commerciale (et Sonic Youth n'est pas un groupe à tubes). Aucun tube ici, mais une musique nettement plus accessible que sur les autres albums du groupe, qu'ils soient antérieurs (Daydream Nation, pour beaucoup de fans le sommet du groupe) ou faits après (Sonic Nurse, Dirty). Interprétation excellente, morceaux remarquables (il y en à quand même deux ou trois avec lesquels j'ai du mal), ambiance destroy (et quand même un peu trop noisy pour moi, c'est pour ça que je n'ai jamais aimé Sonic Youth, sauf sur ce disque cependant plus accessible que de coutume)... Goo, avec sa pochette tapageuse faite par Raymond Pettibon de Black Flag, est un disque conseillé si vous aimez les expériences sonores. Pas un sommet absolu, mais un excellent album !