Pour ce 276ème Track-by-track, un album comptant parmi mes préférés de David Bowie, mais je ne pense pas que ça sot le cas de tous les fans du chanteur caméléon. Sorti en 1973, il marque définitivement la fin de l'ère glam-rock de Bowie, et la fin de on groupe les Spiders From Mars, réunis ici pour la dernière fois (Mick Ronson, Trevor Bolder), excepté le batteur Woody Woodmansey, viré et remplacé par Aynsley Dunbar. Mick Garson (piano) joue aussi sur ce disque sur lequel Bowie tient le saxophone, l'harmonica, un peu de guitare et le moog. Cet album, court (33 minutes - presque 34 en fait -, 12 titres), enregistré au Château d'Hérouville en France et produit par Ken Scott et Bowie, sorti sous une pochette représentant Bowie et le mannequin Twiggy (une icone de l'époque), c'est Pin Ups. C'est un disque à part : il est uniquement constitué de reprises de chansons anglaises de l'ère du Swinging London (milieu des années 60), des Kinks, Who, Them, Pretty Things, Pink Floyd ou Yardbirds. Un disque fait pour rendre hommage à tout un pan du rock anglais, tout en permettant à Bowie de réarranger les chansons à sa sauce. Ce disque, le voici :
Rosalyn : Les Pretty Things ont drit à la première chanson de Pin Ups (ils auront droit à une autre reprise plus loin). Rosalyn est une chanson aussi courte (2,20 minutes) que franchement grandiose, s'ouvrant sur un riff bien tenace, glam, de Mick Ronson, et un Bowie en grande forme. Batterie surpuissante d'Aynsley Dunbar, basse fantastique de Trevor Bolder, piano de Garson, guitare, tout concourt à faire de cette reprise une des meilleures de l'album, ce qu'elle est assurément. Super efficace !
Here Comes The Night : Reprise des Them, groupe de Van Morrison (Gloria, c'est eux), Here Comes The Night, qui démarre sans aucune pause après Rosalyn, est une des meilleures chansons de Pin Ups. 3,10 minutes sensationnelles rythmées par le sublime saxophone de Bowie et un groupe en grande forme. Bowie lui-même, vocalement, est en forme, il livre une superbe prestation tout du long des 3 minutes de cette remarquable reprise du classique des Them, indéniablement une de mes chansons préférées sur l'album. Géniallissime, tout simplement.
I Wish You Would : Première reprise des Yardbirds, avec I Wish You Would, chanson durant 2,50 minutes et étant aussi efficace que simpliste. Saxophone remarquable, riff tenace de Ronson, tempo efficace et allant à 100 à l'heure, cette reprise d'un des plus fameux groupes de l'ère Swinging London (ils apparaissent même dans le film Blow Up d'Antonioni, qui se passe à Londres et symbolise totalement cette période des mid-60's !) est une chanson franchement réussie, agréable, sympathique comme tout, un bon moment de glam-rock décomplexé mais, en même temps, très respectueux du son original. Excellent.
See Emily Play : Reprise des Pink Floyd (de Syd Barrett, Bowie précise-t-il sur la pochette), c'est la chanson la plus longue de Pin Ups avec 4,10 minutes. See Emily Play est une magnifique chanson à la base, et mis à part des choeurs chelous dans les refrains (Freeeeeeee gaaaaaames for Maaaaaayyyy, seeeeeeee Emily plaaaaayyyy), qui ne sont pas grandioses (je parle des choeurs), cette reprise est franchement sublime. Un grand moment psychédélique et glam en même temps, une reprise aussi fidèle qu'infidèle, Bowie en a fait sa chose tout en respectant la mélodie. Riff de guitare bien saignant de Ronson, chant parfait, cette chanson est une pure merveille, mais elle est controversée, entre ceux qui estiment que c'est une superbe reprise (comme moi) et ceux qui estiment que Bowie a massacré See Emily Play.
Everything's Alright : Reprise des peu connus Mojos, Everything's Alright est une chanson bien efficace et nerveuse, bien rock, courte (2,30 minutes), après les 4 minutes planantes et space de la chanson du Floyd. Les Mojos sont un groupe franchement peu connu, j'imagine que le nombre de leurs tubes est assez faiblard, sans doute ne sont-ils qu'un de ces groupes n'ayant eu qu'un seul succès et puis basta, au revoir, place aux autres. N'ayant jamais entendu la version initiale (c'est d'ailleurs la seule des 12 chansons de l'album que je ne connais que par la reprise uniquement), je ne sais pas si c'est une reprise correcte, nulle ou meilleure que l'original. En tout cas, sans être ma préférée, Everything's Alright est franchement pas mal !
I Can't Explain : Première des deux reprises des Who, I Can't Explain dure 2,10 minutes, c'est un des morceaux les plus courts de l'album, et il achevait la première face. Pour tout dire, cette reprise est probablement la moins bonne de l'album. Elle n'est pas catastrophique, mais elle n'a plus rien de ce qui fait la force de la chanson des Who, de 1967 (album The Who Sell Out). Ce n'est pas le chant de Bowie qui est à mettre en cause, car, franchement, il chante aussi bien, ici, que sur le reste de Pin Ups. Mais les arrangements ne sont pas terribles ici, entre le saxophone (de Bowie), le piano, et la guitare de Ronson. La chanson est heureusement courte, car c'est vraiment médiocre. Il fallait bien un ratage (mot un peu fort, mais qu'importe) sur l'album, et le voici. Dommage, surtout que la chanson de base est immense.
Friday On My Mind : Reprise du fameux tube des Easybeats, groupe australien composé entre autres de George Young et Harry Vanda, qui créeront par la suite AC/DC (George est le grand frère d'Angus et Malcolm). Friday On My Mind, qui ouvrait la face B, est une pure réussite pop/glam, interprétée par un Bowie utilisant une voix nasillarde et aiguë, qu'il reprendra dans Shapes Of Things, sur l'album. La chanson, à la base, est fantastique, et cette reprise est, ma foi, bien que moins grandiose que l'original, franchement excellente. A écouter, donc ! 2,55 minutes remarquables.
Sorrow : Assurément la plus connue des 12 chansons de Pin Ups : on la retrouve sur les best-ofs de Bowie, et elle est sortie en single (avec, en face B, une reprise du Amsterdam de Brel, chanson absente de l'album car Pin Ups n'aborde que des chansons rock anglaises). Avec son allusion au It's All Too Much des Beatles (With your long blonde hair and your eyes of blue), paroles ayant été rajoutées par Bowie, Sorrow est mis à part ça une reprise des Merseys, un groupe connu pour cette chanson, laquelle est plus connue sous cette reprise bowienne par ailleurs. Une chanson admirable, magnifique, tendre et reposante (courte aussi : 2,55 minutes), avec ses arrangements de cordes et ces voix entrelacées, toutes de Bowie d'ailleurs. Un des sommets de l'album, ce Sorrow !
Don't Bring Me Down : Retour des Pretty Things avec cette courte (2,05 minutes) reprise de leur classique Don't Bring Me Down. C'est le morceau le plus court de l'album, et c'est aussi un des plus rock pur. Halètements de Bowie, guitares en fusion, rythmique haletante, notamment la batterie de Dunbar, Don't Bring Me Down est également rythmée par une partition remarquable de piano de Mike Garson. Personnellement, je préfère la première reprise des Pretty Things, Rosalyn, mais celle-ci est franchement excellente, trop courte, mais nerveuse et efficace.
Shapes Of Things : Yardbirds, à nouveau, après I Wish You Would. Ici, c'est le légendaire Shapes Of Things qui est repris, une exceptionnelle chanson à la base, transformée en pur bonheur glam par Bowie. 2,55 minutes franchement excellentes permettant à Ronson de briller avec un excellentissime et court solo. Le chant de Bowie est, ici, nasillard et aigu, un peu comme sur Friday On My Mind. Dans l'ensemble, cette reprise est une petite réussite, une chanson remarquable et plutôt bien adaptée à la sauce Spiders From Mars. On est en droit de préférer la version rock pur des Yardbirds, groupe ayant accueilli Eric Clapton, Jeff Beck et Jimmy Page, mais cette reprise assure.
Anyway, Anyhow, Anywhere : Les Who, deuxième. Intro légendaire qui, semble-t-il, aurait servi, à égalité avec l'album The Dark Side Of The Moon de Pink Floyd, de musique de test pour les vendeurs de chaînes hi-fi de l'époque (il faut dire que les ruades de batterie de Aynsley Dunbar et les giclées de guitare de Ronson, dans cette intro, butent pas mal). Anyway, Anyhow, Anywhere est une très bonne reprise, pas la meilleure de l'album (les deux reprises des Who ne sont pas parmi les meilleures, sans doute est-ce en partie ça qui a rendu Townshend énervé à la sortie de l'album), mais meilleure que celle de I Can't Explain, et dans l'ensemble, ses 3 minutes et 5 secondes sont bien efficaces et sympathiques.
Where Have All The Good Times Gone : Reprise d'une chanson des Kinks. A noter que c'est la seule chanson pour laquelle, dans le livret CD, on a les paroles ! Je ne sais pas trop pourquoi, d'ailleurs, sans doute des histoires de droits... Enfin bref. Cette reprise de Where Have All The Good Times Gone achève très très bien l'album, il s'agit encore une fois d'une excellente reprise de la chanson signée Ray Davies, le chant est excellent, le saxophone de Bowie rugit dès les premières notes, excellente guitare de Ronson... Une chanson encore une fois courte (2,40 minutes), mais franchement excellente, une des meilleures reprises de l'album probablement !
Alors, que dire au sujet de Pin Ups ? Un disque souvent mal aimé, on le considère comme un Bowie mineur sous prétexte qu'il s'agit d'un disque de reprises, et que les disques de reprises sont souvent considérés comme des oeuvres de fainéants, paresseuses. Mais Pin Ups est assurément un des meilleurs albums de la sorte, il est franchement remarquable. Bowie a réussi à adapter 12 classiques du Swinging London en les faisant siennes, et le résultat est un glam-rock absolument remarquable. Il y à un parfum d'au revoir sur ce disque, vu que les Spiders From Mars cesseront d'exister après l'enregistrement. Bowie passera à autre chose, et en guise de cadeau de départ, il offre ce disque qui rend hommage aux anciens (dont certains sont toujours parmi nous, comme les notes de pochette signées Bowie, de son écriture manuscrite, le disent) tout en dépoussiérant leurs classiques. Il paraît que Pete Townshend, guitariste des Who (dont deux chansons sont présentes), n'appréciera pas du tout. La critique non plus, en général, ainsi que le public, qui fera de cet album un bide. Mais bien des années après, il faut se rendre à l'évidence : cet album-concept sur le rock 60's est bel et bien un des meilleurs Bowie.