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260ème Track-by-track ! Et pour l'occasion, mon album préféré au monde (oui, définitivement, c'est bien lui, je me suis même payé l'édition ultra collector des 40 ans comprenant notamment le vinyle et un DVD live de l'époque, mais je me suis aussi payé le long-box de 1998) : Bitches Brew, sorti en 1970, enregistré en 1969, chef d'oeuvre absolu de Miles Davis. Un double album (toujours en CD), 94 minutes puissantes en seulement 6 titres. Enregistré après que Miles ait assisté à la performance de Hendriw à Woodstock, Bitches Brew est une oeuvre incroyable, mythique, grandiose, insurpassable, le sommet du jazz-rock, sous une pochette inoubliable signée du grand Abdul Mati Klarwein (qui signera aussi celle du Live-Evil de Miles, ainsi que celle du Abraxas de Santana, dont un détail est issu de la pochette de Bitches Brew). Un disque immense, que voici :

CD 1 :

Pharaoh's Dance : Basse fantastique (de Harvey Brooks), piano électrique de Joe Zawinul (qui, par ailleurs, a écrit ce morceau), inutile de dire que Pharaoh's Dance, 20 minutes occupant toute la face A, démarre magnifiquement, créant immédiatement une atmosphère quasiment palpable, qui restera tout du long non pas du morceau, mais de l'album. L'arrivée de la trompette de Miles Davis, très peu de temps après l'intro, est inoubliable. Assez laconique, Miles le surjoue pas, n'envahit pas le morceau avec sa trompette. Ses interventions sont évidemment légion (après tout, c'est un album de Miles Davis, hein !), mais savamment orchestrées, mesurées. Que dire aussi de la guitare de John McLaughlin (un dieu de la guitare, celui-là !), de la batterie, aussi (Lenny White à gauche, Jack DeJohnette à droite) ? Pharaoh's Dance est une pièce maîtresse de Bitches Brew, un morceau faisant partie des plus longs (c'est le deuxième plus long) et des plus remarquables de ce double album définitivement immense.

Bitches Brew : Quasiment 27 minutes (c'est le morceau le plus long, il occupe évidemment toute la face B et, tout aussi évidemment, achève le premier disque) pour Bitches Brew, morceau éponyme, absolument quintessentiel. Que dire face à ce morceau totalement hypnotique ? La trompette de Miles, comme surgissant du néant, par à-coups, par saccades, ta-ta ta-ta ta-ta ta-ta ta-ta... puis explosant avec l'orchestre, taaaaaaaaaaaa, c'est inoubliable. Ce thème revient par à coups, notamment dans le final, et reste un des moments les plus enivrants, les plus mythiques, les plus immenses, de Bitches Brew. Concernant la durée pharaonique du morceau, c'est peu dire que, malgré les quasi 27 minutes (ça se joue à trois-quatre secondes), Bitches Brew est un morceau colossal qui jamais le laisse poindre le moindre soupçon d'ennui. Littéralement indescriptible, ce morceau se pose là comme étant le sommet de l'album, n'en déplaise aux cinq autres titres, qui sont immenses malgré tout.

CD 2 :

Spanish Key : 17,30 minutes haletantes pour ouvrir les festivités du deuxième disque de Bitches Brew, plus généreux en nombre de titres, mais tout aussi généreux que le premier en terme de contenu. Ce premier morceau du deuxième volume s'appelle donc Spanish Key. Le moins que l'on puisse dire, c'est que malgré qu'il soit nettement plus court que les deux précédents morceaux, Spanish Key envoie la patate avec la même force. Il est de toute façon difficile de dire lequel des quatre morceaux du deuxième volume (lequel, en CD classique, contient un bonus-track de quasiment 12 minutes, le remarquable Feio, en bout de CD) est le meilleur. En fait, ils sont tous le meilleur pour différentes raisons ! L'ambiance générale, ici, est tellement bluffante, tellement enivrante, et pas espagnole pour un sou malgré son titre, que le morceau se classe haut, très haut, dans le Top des morceaux de l'album. Magnifique !

John McLaughlin : Seulement 4, 20 minutes pour John McLaughlin, morceau assez étonnant de part son titre : étonnant, d'appeler du nom du guitariste ce morceau ! Evidemment, on entend beaucoup McLaughlin ici, le contraire aurait été plus qu'étonnant... John McLaughlin est en grande forme sur ce John McLaughlin achevant la face C, morceau défiitivement trop court (c'est limite choquant de constater la durée de ce morceau, 4 minutes et des poussières, qui est vraiment une durée ridicule comparée à celle des 5 autres titres !). Mais sa courte durée n'empêche pas ce morceau d'être franchement grandiose, d'un niveau époustouflant. C'est même un des plus facilement retenables, rapport, justement, à sa durée rikiki. Bref, décevant de part sa durée, mais certainement pas de part son contenu ! A noter que, par la suite, Miles nommera d'autres morceaux d'autres albums du nom de musiciens, comme Billy Preston et Mtume, tous deux sur Get Up With It (1974), album sur lequel joue Mtume (et McLaughlin), mais pas Preston, en revanche.

Miles Runs The Voodoo Down : Long de 14 minutes, Miles Runs The Voodoo Down ouvrait la face D et dernière de Bitches Brew. Encore un morceau légendaire, qui mérite par ailleurs parfaitement bien son titre, tant il respire le vaudou. Clairement, ce Miles Runs The Voodoo Down dépote totalement, 14 minutes légendaires sur lesquelles Miles est en forme olympique. A noter que ce morceau, ainsi que Spanish Key, sortira en single dans une version largement éditée, car chacun des singles atteint la durée de 2,50 minutes. Oser faire de pièces musicales de 17 et 14 minutes des singles de même pas 3 minutes, il y à de quoi hurler au scandale, à l'hérésie (ces versions amputées sont sur l'édition 40th Anniversary) ! Mais les chefs d'oeuvre se reconnaissent au fait que même amputés, même malmenés, ils restent magnifiques, et immortels. Miles Run The Voodoo Down n'est cependant à écouter qu'en version album, quasiment un quart d'heure de puissance, atmosphère enivrante qui laisse rêveur, en transe. Grandiose.

Sanctuary : Et enfin (hélas, même) le final de Bitches Brew, avec Sanctuary, deuxième morceau le plus court avec 11 minutes. Achevant l'album sur une note de regrets (du style c'est déjà fini ? Oh non, merde...), Sanctuary est une pièce maîtresse, un morceau qui, malgré sa courte durée (11 minutes, comparé aux trois premiers titres, c'est rien), offre autant d'émotions, de grands moments, que Pharaoh's Dance ou Spanish Key, ou que le morceau-titre. Le final, sur lequel Miles se lâche une ultime fois, histoire d'achever en bouquet de feu d'artifices les 94 minutes de l'album, est inoubliable. L'effet ressenti à la fin de Sanctuary, quand on quitte ce sanctuaire sonore, est tel qu'il nous prend immédiatement l'envie, le besoin, même, de remettre le premier disque de Bitches Brew dans le lecteur ou sur la platine. Oui, ça rend accro !

 Que dire, donc ? Bitches Brew est clairement mon album préféré au monde, juste devant Tago Mago de Can (qui l'était, autrefois, mais je me suis rendu à l'évidence, si je révère Tago Mago, je révère encore plus Bitches Brew, que je possède en quatre exemplaires : le vinyle, le CD classique, l'édition monstrueusement collector des 40 ans, et le long-box de l'intégralité des sessions d'enregistrement). Pochette sensationnelle de Mati, morceaux légendaires, musiciens grandioses (McLaughlin, Shorter, DeJohnette, Maupin, Zawinul, Corea, White, Holland, Brooks, et évidemment Miles), production éblouissante de Teo Macero, Bitches Brew est une oeuvre incroyable. On est en transe du début à la fin de l'album, au point que c'est parfois difficile de sortir de sa torpeur pour retourner le disque (vinyle) ou le changer (vinyle et CD) ! En gros, de Pharaoh's Dance à Sanctuary, cet album est un truc de fou ! A noter, les bonus-tracks présents sur le long-box (Yaphet, Corrado, Guinnevere, Feio qui se trouve, lui, aussi sur le CD classique en bonus-track) sont également fantastiques. Un album essentiel, nom de Dieu ! Essentiel !