Pour ce 253ème Track-by-track, un disque mythique. Et pour cause, c'est Abbey Road, dernier album enregistré (mais pas le dernier sorti : Let It Be, enregistré juste avant, est sorti en 1970, alors que le groupe était officiellement mort) par les Beatles, sorti sous une cultissime pochette (qui possède son lot de soit-disantes preuves de la 'mort de Macca', légende urbaine bien ridicule) représentant les Fab Four traversant le passage piétons situé à proximité des studios d'Abbey Road, leur sanctuaire (sur la photo, les studios se trouvent dos au groupe). En 47 minutes pour 17 titres (chapeau !), Abbey Road marque le chant du cygne du groupe. Ils ne s'entendaient plus du tout entre eux (surtout Lennon et McCartney), mais ont réussi à tenir le temps de l'enregistrement, à oublier leurs rancoeurs pour tout donner pour un ultime baroud d'honneur, ce disque. On y trouve de tout, du rock, de la pop, de la musique folk, et même le seul et unique solo de batterie de la carrière de Ringo ! Ce disque, le voici :
Come Together : Plagiat éhonté du You Can't Catch Me de Chuck Berry, dont Lennon a carrément repris des paroles (Here come old flattop...). Il aurait oublié de citer Berry dans les crédits, dans les interviews, bref, il aurait omis de préciser que Come Together (créditée Lennon/McCartney, mais, chez les Beatles, quand Lennon chante, c'est Lennon qui a écrit, et pareil pour Macca), immense chanson de rock bluesy par ailleurs, était donc une reprise déguisée (et pas autorisée) de Berry, ce qui lui apportera bien des emmerdes. En 1975, Lennon sortira un disque de reprises de chansons de rock'n'roll, intitulé Rock'n'Roll (album médiocre), et parmi ces chansons se trouve You Can't Catch Me, qu'il reprendra, là, après s'être assuré d'en avoir le droit ! Pour en revenir à Come Together, cette chanson dont certaines paroles apporteront de l'eau au moulin de cette fameuse légende urbaine de la mort de Macca (One and one and one is three alors que le groupe était au nombre de 4) est tout simplement immense, cultissime, grandiose. Sortira en single, et quel succès !
Something : Magnifique ! 3 minutes magnifiques ! Something sera la première chanson de George Harrison à sortir en face A de single, et sera un succès monstrueux. Frank Sinatra, pas un fanatique des Beatles à la base, la reprendra même (en omettant de préciser que c'est signé Harrison, car il la créditera à Lennon/Macca...). Une chanson tellement magnifique (sublime solo de guitare, ambiance enivrante, chant parfait, une vraie douceur que cette chanson) qu'elle en est indescriptible. Sensationnel.
Maxwell's Silver Hammer : Après deux chansons aussi grandioses, malheureusement, le niveau baisse avec cette tentative (partiellement ratée) de conte pataphysique qu'est Maxwell's Silver Hammer, chantée (et signée, donc) par Paul McCartney. Rythme pataud, chanson assez idiote sur un tueur au marteau d'argent, Maxwell's Silver Hammer est une chanson assez moyenne, mauvaise même, qui ne vient pas gâcher l'album (elle n'est pas mauvaise à ce point), mais on ne peut s'empêcher, quand même, de se dire que sans elle, Abbey Road serait probablement meilleur. Rendons justice à Lennon qui trouvait cette chanson complètement conne, et combien il avait raison, pour une fois, au sujet de McCartney (car son aversion pour ce que faisait Macca était aveuglante, il critiquait tout ce que Paul faisait, le plus souvent à tort) !
Oh ! Darling : Re-Macca pour Oh ! Darling, mais cette fois-ci, c'est une pure merveille bluesy, interprétée avec force, talent, efficacité. Oh ! Darling prouve que McCartney savait pousser des cris de bluesman (Helter Skelter le prouvait aussi). La chanson est juste remarquable, entre les hurlements de McCartney (When you told me, whoooooooo, you'll never leave me anymore...), la musique bluesy et rock, la rythmique...Une chanson franchement excellente au sujet de laquelle il n'y à pas grand chose à dire. C'est juste franchement bon et efficace !
Octopus's Garden : Ahem. Deuxième (après Don't Pass Me By) et dernière chanson de Ringo Starr (faite par Ringo, je veux dire) dans le répertoire des Beatles, Octopus's Garden possède un superbe solo de guitare de George Harrison, et des bruitages subaquatiques (bloup bloup bloup) assez drôles, mais est, dans l'ensemble, une plaisanteria franchement risible. Une chanson sur un jardin au fond de la mer, avec une pieuvre dedans, un conte rigolo mais mineur, assez ridicule et niais, même si, musicalement, le solo vaut vraiment le coup d'oreille. Le No one there to tell us what to do ('Personne ici pour nous dire ce qu'il faut faire') vient d'un coup de sang que Ringo avait eu en 1968, quittant le groupe, momentanément, et se réfugiant en Sardaigne, pour se ressourcer quelques jours. Il est revenu apparemment avec les paroles de cette chanson. Mineur, mais amusant. Un peu énervant à la longue.
I Want You (She's So Heavy) : 7,44 minutes précisément, qui achèvent la face A, qui ne contient donc que 6 titres (et 11 sur la B !). I Want You (She's So Heavy), signée et interprétée par Lennon, avec la participation de Billy Preston à l'orgue (non crédité), est aussi et surtout la toute dernière chanson enregistrée pour le disque, et par conséquent, la dernière chanson faite par les Beatles au complet. Tout un symbole résumé par la fin du morceau, voulue par Lennon, une nette et brutale fin, en pleine expérimentation, en plein riff. Lennon dira, à 7,44 minutes, à l'ingénieur du son Geoff Emerick, tu coupes là !, histoire d'accentuer le côte brutal de la séparation du groupe. C'est tellement brutal que, pour le vinyle, une fois le morceau fini, hop, le bras du lecteur se lève ! Sinon, c'est un blues-rock ne comportant que, comme paroles, I Want you, I Want you so bad, it's driving me mad, it's driving me mad et She's so heavy. Lourde (surtout dans sa deuxième partie, instrumentale, avec ce riff monumental répété tout du long, riff faisant penser à celui du In The Flesh ? de Pink Floyd (The Wall, fait 10 ans plus tard), violente, sèche, bluesy, cette chanson qui parle de Yoko Ono est une réussite, et le deuxième morceau le plus long du groupe après Revolution 9, et c'est aussi un des morceaux les plus à part du répertoire beatlesien. On adore ou on déteste. Perso, j'adore !
Here Comes The Sun : La face B s'ouvrait sur la deuxième chanson de Harrison pour l'album, Here Comes The Sun, composée, selon la légende, dans le jardin de la propriété (un manoir) de Clapton, un jour de blues, par Georgie Boy. Une chanson qui sera qualifiée d'antidote au coup de blues, d'alternative au Prozac. Il faut dire que cette chanson ensoleillée est aussi belle que pleine d'espoir et de bonne humeur, on se sent bien à l'écouter, c'est zen, relaxant, touchant, sobre et enjoué. Après, c'est vrai que si on l'écoute trop souvent sur un laps de temps trop restreint, on s'en lassera vite, et ça n'a jamais été ma préférée de l'album, mais Here Comes The Sun, vraiment, assure
Because : Lennon, Macca et Harrison au chant, harmonies vocales enregistrées et mixées trois fois, pour donner ce Because sublime inspiré par la Sonate au Clair de Lune de Beethoven, que Lennon entendra jouée au piano par Yoko. Sublime claveçin, sublimes harmonies, ce morceau, le dernier avant le medley (car, bien que plus longues que les autres chansons du medley, les deux chansons suivantes en font partie). Une pure merveille qui, sur l'album Love (sorti en 2006), se trouvera dans une version totalement a capella (sans musique) encore plus belle, car plus sobre. Magnifique, quoi !
You Never Give Me Your Money : Officiellement, le medley commence là (et se finit avec l'album). En effet, non seulement ce You Never Give Me Your Money de Paul McCartney, bien que long (4 minutes, ce qui, comparé aux autres titres du medley, est éléphantesque) se fond totalement dans le morceau suivant, mais il possède un thème de guitare (excellent), un riff, que l'on réentendra dans Carry That Weight. Une chanson franchement remarquable, qui parle des ennuis financiers du groupe à cause de leur label Apple Corps (le groupe avait ouvert un boutique, qu'ils devront fermer avec perte et fracas), plus le nouveau management d'Allen Klein, avec qui McCartney ne s'entendra pas. Une chanson, malgré ces frustrations au centre du sujet, assez mélancolique et douce, et se finissant par un riff franchement grandiose.
Sun King : Lennon au chant pour ce Sun King sublimissime, dont le titre initial devait être Los Paranoias, puis Here Comes The Sun King, mais que Lennon rebaptisera Sun King pour ne pas faire d'amalgame avec Here Comes The Sun. Chanson aérienne, vaporeuse, climatique, s'achevant sur des paroles nonsensiques en italien, portuguais et espagnol. Selon Harrison, l'instrumental Albatross de Fleetwood Mac serait une source d'inspiration de Lennon, lequel dira, lui, que la chanson lui est venue en rêve. C'est une chanson bien plus longue que les 6 suivantes, elle dure 2,25 minutes. C'est sublime.
Mean Mr. Mustard : 1,05 minute signée Lennon, interprétée par Lennon. Mean Mr. Mustard parle d'un homme un peu salace un peu méchant, monsieur Mustard, qui crie des obscénités à la Reine d'Angleterre pendant un défilé, s'est glissé un billet roulé dans la narine (pour sniffer, probablement)... Une chanson pop/rock très courte, qui va très vite, ce n'est pas un sommet absolu, mais, franchement, c'est pas mal !
Polythene Pam : 1,10 minute encore une fois interprétée par Lennon, c'est même sa dernière participation au medley (le reste du medley est chanté par McCartney). Polythene Pam est une chanson très speedée, rythmée, commençant par un riff bien saississant. La chanson s'inspirerait d'une femme, Pat Hodgett, fan des Beatles, qui se surnommait Polythene Pat, car elle avait pour habitude de bouffer du polyéthylène. Very strange, comme dit dans Penny Lane. Une chanson très rock, amusante, qui va très vite, d'autant plus qu'elle est très courte. Comme Mean Mr. Mustard, c'est aussi efficace et sympathique, agréable, qu'un peu trop vite expédié. Il y à vraiment du matériau pour des chansons plus longues, dans ce medley !
She Came In Through The Bathroom Window : A partir de cette chanson, c'est Paul McCartney au chant (et à l'écriture). She Came In Through The Bathroom Window, reprise par Joe Cocker en 1970 sur son double live Mad Dogs & Englishmen, est une chanson, encore une fois, trop courte (1,57 minutes, c'est quand même plus long que les deux précédentes) et vraiment réussie. Très rock, totalement réussie, cultissime, cette chanson amusante parle d'une histoire vraie, un groupe de fans, les fameux Apple Scruffs qui donneront leur nom à une chanson de Harrison (en 1970 sur All Things Must Pass) qui a pénétré dans la maison de Paul, en passant par la fenêtre de sa salle de bains, qui était entrouverte. Une chanson mémorable, au riff parfait, une des meilleures du medley, et d'Abbey Road.
Golden Slumbers : Une berceuse (le titre signifie 'sommeils dorés') absolument magnifique, 1,30 minute reposante et enchanteresse, aux paroles tout simplement mythiques : Once was the way to get back home/Sleep little darling, do not cry, and I will sing you a lullaby. La fin des Beatles est plus que proche, malgré tout, cette chanson est totalement rêveuse. Le chant de Macca est sublime, les arrangements sont un peu kitsch, mais vraiment sublimes quand même. Une excellente chanson.
Carry That Weight : 1,35 minute pour Carry That Weight, chanson à la base prévue pour être un single. Une chanson assez sympathique, mais un peu énervante parfois, franchement pas la meilleure du medley. On entend, dans son centre, un couplet construit sur le même modèle que la chanson You Never Give Me Your Money (de nouvelles paroles, mais la même mélodie et le même chant), et à propos de cette chanson, son riff est entendu dans le final, avant de laisser la place au dernier titre, qui est...
The End : Le bien-nommé. 2,05 minutes. The End, avec son petit rappel de Carry That Weight et ses multiples soli (un de guitare, un de basse, et un de batterie, le seul et unique solo de batterie de Ringo au sein du groupe !), est une chanson mémorable qui achève l'album sur une note aussi mélancolique que puissante, et des paroles tout simplement inoubliables : And in the end the love you take is equal to the love you make. Voilà, c'est fini, l'aventure Beatles prend fin. Avec efficacité et émotion.
Her Majesty : 23 secondes cachées (la chanson est créditée sur l'étiquette vinyle de la face B, et a droit à une plage audio indépendante, et officiellement créditée, sur le CD, mais n'est pas créditée sur la pochette vinyle initiale). Her Majesty est une chanson acoustique, Macca et une guitare, 23 secondes survenant après plusieurs secondes de silence suivant The End. Un des premiers, si ce n'est même le premier morceau caché de l'histoire, un procédé qui sera ensuite une habitude dans les années 90, des groupes tels que Nirvana, Placebo, entre autres, feront de même, parfois après des silences de 15-20 minutes après le dernier titre, sur la dernière plage audio (je n'ai jamais aimé cette pratique, mais pour Abbey Road, vu la courte durée et la réussite de Her Majesty, rien à dire). Un morceau certes minuscule, mais charmant.
Alors, au final, que dire ? Chef d'oeuvre absolu et triomphe de la volonté (comment réussir à s'entendre, temporairement, pour faire un grand disque, quand quasiment tous les membres du groupe se tirent la tronche et que le groupe est quasiment mort), Abbey Road est un joyau de rock, un disque tout simplement essentiel, quintessentiel, génial, rempli de trouvailles, comme ce fameux et fabuleux medley de la face B, une idée, surtout, de Macca (Lennon, dans sa période fuck McCartney, qui n'allait pas tarder à débuter, ne se gênera pas pour le dire : il n'aime pas ce medley, et en filera tous les crédits d'idées à Macca, histoire de dire non, c'était pas mon idée ; alors que le medley a été fait à deux, en fait vu que Lennon chante sur trois des titres). Au final, ce disque, c'est 47 minutes bouleversantes, grandioses, immortelles, qui achèvent avec réussite la carrière du groupe (rappelons que Let It Be, sorti en 1970, a été enregistré avant Abbey Road).