Pour ce 231ème Track-by-track, un disque monumental. Sorti en 1977, c'est le premier et unique album des Heartbreakers, groupe de punk-rock américain fondé en 1975/76 par Johnny Thunders, guitariste des New York Dolls. A la base, le groupe bénéficiait de la présence de Richard Hell (basse), ancien membre de Television (groupe punk américain crée en même temps), mais Hell partira rapidement fonder ses Voivoids, et le groupe se stabilisera avec Jerry Nolan (batteur, ancien des Dolls aussi), Billy Rath (basse) et Walter Lure (guitare et chant sur un titre). L.A.M.F., ce premier album (le titre signifie Like A Mother Fucker, et est une contraction d'un sigle que Thunders, adolescent, taguait sur les murs du Queens, à New York, D.T.K.L.A.M.F., Down To Kill Like A Mother Fucker), est sorti sur le label Track Records (label qui hébergeait les Who, crée par Kit Lambert, manager des Who) en une version de 12 titres. Le CD le plus facilement trouvable ('The Lost '77 mixes') offre deux bonus-tracks immenses que j'ai toujours cru faire partie de l'album initial. L'album est sans doute le meilleur disque de l'histoire du punk-rock, mais il est malheureusement victime d'une production totalement désastreuse, à peine améliorée en CD dans sa version The lost '77 mixes. Le son est boueux, un peu pourri (mais c'est ça, être punk, aussi), et ça en ajoute au charme de l'album, même si on aurait préféré un meilleur son. Enfin, ce disque, 40 minutes avec les deux bonus-tracks et 34 sans eux, le voici :
Born To Lose : Un riff montrueux en intro, et la chanson déboule. Born To Lose est une des chansons les plus mythiques et du groupe, et du punk-rock en général. I say hey ! Born to lose, baby we're born to lose. On sent bien la rage de Thunders dans cette chanson, la rage d'être né sous une mauvaise étoile, d'avoir une vie de merde, des ennuis à la pelle, etc... La chanson est tout simplement bluffante et est, évidemment, une des toutes meilleures de l'album. Difficile d'en parler, je préfère en rester là !
Baby Talk : Encore une introduction à base d'un riff de malade pour cette deuxième chanson qui fait elle aussi partie de mes grandes préférées de l'album : Baby Talk. Chanson ultra courte (2,20 minutes) et totalement réjouissante. Le chant de Thunders est ici fantastique de cynisme, le refrain, typique du punk-rock (Well I dont mind, I dont mind, I don't mind, I don't mind...) est aussi simpliste qu'efficace... La chanson est franchement excellentissime, malgré une production, comme le reste de l'album, assez mauvaise. Mais ça, vous le savez déjà, je l'ai dit plus haut !
All By Myself : Unique chanson interprétée par Walter Lure au lieu de Johnny Thunders, All By Myself n'est pas une reprise de la fameuse chanson d'Eric Carmen que Céline Dion reprendra, elle, par la suite, mais une chanson écrite par Lure. Et c'est une des toutes meilleures chansons de L.A.M.F., malgré deux choses : la voix de Lure, pas aussi bonne et efficace que celle de Thunders ; et la production qui, en plus, masque pas mal, de par son côté pourri, la voix de Lure, par moments. C'est par moments difficile de bien entendre la voix (on la distingue, mais par moments c'est difficile), même si l'édition CD 'The lost '77 mixes' éditée par Jungle Records améliore quelque peu le son (par rapport au vinyle, c'est le jour et la nuit, mais ça reste assez boueux, comme son). Mis à part ça, excellente chanson, le riff assure à donf'.
I Wanna Be Loved : Chanson aussi énergique et bourrine que très amusante, qui raconte apparemment les déboires d'un mec en rade, en manque de fille, excité sexuellement et à la recherche d'un coup à tirer pour soulager sa crampe mal placée. I Wanna Be Loved est franchement excellent, le riff assure. Il y à juste la voix de Thunders dans les refrains (I wanna be loved, loved by yooouuu) qui m'énerve un petit peu, mais rien de grave. Dans l'ensemble, on a ici une chanson aussi teigneuse et efficace que foutralement réussie !
It's Not Enough : Aaah, ma préférée de l'album. La plus longue, aussi (4,10 minutes !!!). It's Not Enough est une chanson assez lente et plus rock que punk-rock en fin de compte. Guitare sensationnelle et très mélodique, chant épuisé de Thunders (voix narquoise, mais éreintée, un peu), une histoire d'un junkie qui n'a pas assez de sa dose et en veut plus, il lui faut sa dose, etc... C'est dommage que la production soit moyenne (pléonasme), car cette chanson est vraiment immense, magnifique, limite déchirante par moments, et offrant un solo de guitare sublimissime en final. Un joyau absolu.
Chinese Rocks : Chanson mémorable qui achevait la face A originale. Chinese Rocks, chanson qui parle de came, est une chanson qui fut composée par les Ramones, qui l'offrirent aux Heartbreakers de Johnny Thunders parce que le manager des Ramones ne voulait pas que le groupe chante une chanson aussi cynique et crue sur la came (les Ramones étant un groupe de punk-rock assez rigolo, fendard). Les Ramones ont donc filé la chanson aux Heartbreakers, qui en ont fait ce monstre de punk-rock (riff bien lourd). En 1980, les Ramones interpréteront enfin cette chanson, qui est à eux après tout, sur leur End Of The Century produit par Phil Spector. On est en droit de préférer la version Heartbreakers, bien définitive dans le genre !
Get Off The Phone : La face B ne pouvait mieux commencer qu'avec cette chanson courte et très agressive ('Raccroche'), bénéficiant d'un rythme à peu près aussi rapide qu'une dragster sur une ligne droite de plusieurs kilomètres. Get Off The Phone est une chanson pleine de rancoeur, d'amertume, de colère, de rage même, et une des meilleures de L.A.M.F. au final. Vous voulez du pur punk-rock bien sanglant ? Ecoutez cette chanson, ça le fait bien !!!
Pirate Love : Une chanson plus bluesy que punk dans l'ensemble, malgré qu'elle soit très nerveuse et bourrine. Pirate Love assure totalement, le chant de Thunders, les guitares de Thunders et Lure, la basse (pourtant difficilement audible par moments, putain de production) de Rath, la batterie de Nolan... Dans l'ensemble, c'est sans surprise, mais franchement efficace, et à vrai dire, on ne s'en lasse pas !
One Track Mind : Composée par Lure et le batteur Jerry Nolan, One Track Mind bénéficie d'une intro tout simplement légendaire (la meilleure de l'album avec It's Not Enough). Meilleure encore que les trois précédentes chansons (fallait le faire, ils l'ont fait), One Track Mind est une chanson mythique, inlassable, un chef d'oeuvre (de plus) pour les Heartbreakers et le punk-rock pur et dur. Hey, les gars, quand je vous disais que ce disque, dans le genre, est un authentique trésor, un joyau, un diamant brut...
I Love You : Chanson assez simpliste et au titre plutôt étonnant : I Love You, inutile de dire ce que ça signifie. Une chanson d'amour ? Dans un sens oui, et dans un sens, non. Musique sauvagement punk, comme d'habitude, et chant aussi narquois, cynique que d'ordinaire, la fameuse voix nasillarde du regretté (mort en 1991, il n'avait pas 40 ans) Johnny Thunders. Pas ma préférée de l'album, mais une des meilleures non plus, mais tout de même sacrément efficace, I Love You est très réussie.
Goin' Steady : Une chanson franchement pas mal que ce Goin' Steady, mais c'est quand même la chanson la moins marquante de tout L.A.M.F. selon moi. C'est assez peu original (en même temps, c'est du pur punk-rock sans concessions), comme la majorité des autres titres de l'album, mais il y à un je-ne-sais-quoi qui me plaît moins, sur cette chanson, que sur le reste. Elle reste franchement pas mal du tout (surtout la guitare), mais c'est la moins réussie, voilà tout.
Let Go : Une chanson mémorable (surtout après un Goin' Steady très bon mais pas du même niveau que les autres chansons) que ce Let Go très rapide et énergique, dans laquelle Thunders hurle aux auditeurs de se laisser aller, let go, let gooooooo, let goooo, I don't know why you just don't gooooooooooo. La chanson parle-t-elle d'éjaculation ? En tout cas, elle est aussi courte (2,20 minutes) que furieuse et achève à la perfection l'album initial. Assurément une de mes préférées de l'album. La voix de Thunders, les guitares saturées, tout concourt à faire de cette chanson un modèle de punk-rock.
Can't Keep My Eyes On You : Premier bonus-track, le morceau était déjà joué par les Heartbreakers sur scène avant l'album, alors que Richard Hell faisait encore partie du groupe. Can't Keep My Eyes On You est une chanson mémorable au rythme férocement bluesy plus que punk-rock. Le chant de Thunders assure totalement, la chanson est vraiment une réussite totale qui n'aurait pas dépareillé sur l'album initial plutôt qu'en bonus-track CD.
Do You Love Me : Deuxième bonus-track, c'est l'unique vraie reprise de L.A.M.F. (même si elle ne fait pas partie de l'album de base), car Do You Love Me est une reprise d'une chanson Motown des Contours, signée Berry Gordy (patron de Motown). Une très efficace et sympathique reprise par ailleurs ; on notera un son un peu meilleur pour ce titre que pour les autres, ou alors c'est parce que l'oreille s'est habituée à la production rocailleuse ! En tout cas, comme le précédent morceau, il aurait mérité de se trouver sur l'album initial.
Voilà donc ce qu'est L.A.M.F. : un authentique trésor, un grand disque de punk-rock. Desservi par une production franchement ratée (selon le groupe, ça sonnait bien en studio, mais une fois mis sur les bandes, ça devenait pourri, boueux, niveau son), cet album est malgré tout absolument monstrueux. Les deux bonus-tracks (deux derniers titres de cet article) sont tellement remarquables qu'ils auraient mérité de se trouver sur l'album initial (j'ai longtemps cru que c'était le cas). Interprétation remarquable (dans le registre punk), guitares saturées, batterie monstrueuse, chansons imparables, ce disque est à l'image de sa pochette : trash, punk. Un album qui sonne comme un emblème absolu du son punk-rock américain, et même du son punk-rock tout court. Un de mes disques de chevet, je me demande même pourquoi ça m'a pris autant de temps avant de l'aborder dans cette catégorie !