199ème Track-by-track, déjà ! Bientôt (demain) le 200ème ! Avant de vous proposer, en 200ème volet, un disque immense, voici un disque que j'adore, qui n'est pas immense à proprement parler, mais qui est franchement excellent : Obscured By Clouds, sorti en 1972, disque de Pink Floyd. C'est le deuxième album de musique de film signé du Floyd après More en 1969. Comme More, le film en question (La Vallée) est un film de Barbet Schroeder. Ce n'est pas la deuxième musique de film que signe le groupe (ils feront des morceaux, en 1970, pour Zabriskie Point d'Antonioni, notamment), mais c'est donc la deuxième qu'ils font eux seuls. Les détracteurs disent au sujet du film qu'il a eu la bande-son qu'il méritait, autrement dit, rien. Obscured By Clouds est considéré comme un Floyd mineur. N'empêche, je l'ai toujours adoré, et je trouve ce disque remarquable (et pas mineur, juste sous-estimé et un peu négligé). Le voici, ce disque, qui a été enregistré en France, au Château d'Hérouville :
Obscured By Clouds : 3,05 minutes instrumentales pour ouvrir le bal. Le morceau-titre est un morceau assez efficace qui offre une atmosphère assez planante, et, en même temps, quelque peu inquiétante, oppressante. Une guitare agressive, quasiment frippienne, est entendue tout du long, avec des synthés et claviers divers pour offrir une atmosphère aussi lugubre que vaporeuse, embrumée. Impossible, pour ceux qui ont vu le film, de ne pas penser à la vision de ces montagnes embrumées de Nouvelle-Guinée (lieu de l'action du film : une bande de baba-cools sur le retour partent à la recherche d'une vallée mystérieuse, cachée par les nuages et les brumes vu du ciel, où l'Homme n'aurait encore jamais été, qui serait le lieu de résidence des divinités des tribues de Papouasie ; ce pitch sera repris et modifié pour le roman et le film La Plage). Un morceau très efficace qui offre une ambiance prenante.
When You're In : Deuxième instrumental de 'l'album, When You're In est aussi le morceau le plus court avec 2,30 minutes. Dans un sens, tant mieux, car c'est aussi le morceau le moins réussi de l'album. C'est un morceau assez énergique, même rock, avec une mélodie très vive jouée de manière très répétitive. Le morceau, en plus, se finit vraiment tôt (un long fade-up, et quand je dis long, je ne plaisante pas : le morceau commence à baisser, niveau puissance de son, à partir d'environ 1 minute avant la fin). La dernière minute est donc un long fade, interminable, sans intérêt. Déjà que le morceau n'est pas passionnant (la mélodie rock est pas mal, mais répétée de la sorte, ça en devient rapidement usant et ennuyant). Au final, pour moi, c'est un des morceaux les moins réussis du répertoire floydien, tout simplement. Oui, je suis vache, mais, aussi, je pense être juste sur ce coup.
Burning Bridges : Première chanson de l'album, Burning Bridges est une chanson très planante, interprétée d'abord par David Gilmour, puis, ensuite, par Roger Waters. Le final permet d'entendre également Rick Wright, faisant de cette chanson une des plus démocratiques du groupe. Une chanson qui distille une atmosphère réellement vaporeuse, éthérée, planante, somptueuse et comme arrêtée dans le temps. Je ne sais pas pour vous, mais j'adore ce son d'orgue électrique, c'est surtout cet instrument qui offre cette ambiance planante et embrumée. Un excellent morceau, lent et magnifique.
The Gold It's In The... : Un morceau assez rock (non, pas assez : il est rock, tout simplement !) et court, sans grand répit. The Gold It's In The... (titre étrange : 'L'or est dans le...') Dure 3 minutes et 10 secondes et permet à Gilmour (qui chante) d'offrir un très beau et bon solo de guitare, bien nerveux et vif, dans le final (il se finit en fade, ce final, comme pas mal de morceaux de l'album, c'est même selon moi le défaut majeur et principal de l'album). Mis à part ça, c'est sympa, mais pas original, et pas très floydien. Je ne vais pas dire que The Gold It's In The... est sans intérêt (ce n'est pas le cas : rien que le solo sauve le morceau...), mais c'est clairement un morceau mineur, bien que sympa.
Wot's...Uh The Deal : 5,10 minutes, le deuxième titre le plus long de l'album. Wot's...Uh The Deal ('Quel est..euh, le marché', encore un titre étrange) apparait, dans le film, dans la scène d'amour entre Bulle Ogier et Michael Gothard (autre acteurs du film : Jean-Pierre Kalfon et Valérie Lagrange). C'est une chanson suave, douce, qui a tout du tube de l'été, du moins, en ce qui concerne les slows. Car c'est un slow, un pur, un dur, un vrai. Interprété par Gilmour, le morceau est reposant, doux, aérien, planant, mais, comme le précédent, pas très floydien dans l'âme. Il est cependant sublime, avec notamment ces parties de piano, toujours parfaites, signées Wright, que tout le monde regrette depuis son décès en 2008. Au final, une de mes chansons préférées de l'album (hé oui), mais ça ne plaira pas à tout le monde. C'est vraiment un slow, avec tout ce que ça implique.
Mudmen : Troisième instrumental de l'album, Mudmen achevait la face A sur une note connue : ce morceau, sensationnel, n'est autre qu'une reprise instrumentale et très planante de Burning Bridges. Je préfère cet instrumental à la chanson initiale. Ici, entre l'orgue de Wright et la guitare de Gilmour, c'est à se demander quel instrument est le plus grandiose, et le plus marquant, quant à l'ambiance. Mudmen, vraiment, offre une atmosphère vaporeuse, aérienne de toute beauté, et une fois ce morceau achevé, impossible, pour les détenteurs du vinyle, de ne pas retourner illico presto la galette pour savourer la suite et fin de cet Obscured By Clouds décidément excellent.
Childhood's End : Morceau très rock de 4,35 ouvrant la face B sur un long tunnel sonore assez space et silencieux, comme pour Quicksilver (de l'album More Soundtrack de 1969). Au bout d'une minute trente environ, le morceau démarre vraiment : guitare acérée, orgue sublime et vaporeux, chant parfait de Gilmour, Childhood's End est une réussite absolue qui compte parmi les morceaux les plus rock du groupe. Le solo de guitare est tout simplement exceptionnel, il prouve vraiment, s'il fallait le prouver, que Gilmour est un grand guitariste. Vous l'aurez compris, une des meilleures chansons de l'album, et une de mes préférées.
Free Four : Interprétée en totalité par Waters, Free Four sortira en single, et est une chanson remarquable qui parle aussi bien de la tournée américaine du groupe que du décès du père de Waters, un soldat mort au feu à Anzio, pendant la Seconde Guerre Mondiale, Waters ne l'a jamais connu car sa mère était enceinte de lui alors que son père était à la guerre. Une chanson, en fait, sur la mort, ce qui ne l'empêche pas d'être assez trépidante (chant enlevé, solo de guitare excellentissime en final, ambiance remuante, un peu boogie). Un morceau qu'il faut écouter plusieurs fois pour bien l'apprécier, mais au final un des meilleurs de Obscured By Clouds.
Stay : Chanson importante que ce Stay, car il faudra, après cette chanson, attendre 18 ans pour que Rick Wright rechante au sein du Floyd. Car, vous l'aurez compris, c'est Wright qui chante (et a écrit) Stay, chanson douce, calme, superbe et nocturne (l'ambiance est nocturne, tristounette, mélancolique). Par la suite, dans le groupe, Wright offrira The Great Gig In The Sky sur The Dark Side Of The Moon (un instrumental avec vocalises féminines), mais ne rechantera plus, dans le groupe, jusqu'à Wearing The Inside Out, en 1994, sur The Division Bell. Stay est donc un peu marquante à cause de ça, c'est la dernière participation active, vocale, de Wright pour 18 ans, lui qui avait l'habitude de chanter une chanson par album, ou, du moins, d'offrir un morceau par album... Une bien belle chanson, en plus, ce qui ne gâche rien !
Absolutely Curtains : Ce dernier morceau est instrumental, et aussi le plus long de l'album, avec 5,50 minutes (un disque du Floyd avec un morceau de même pas 6 minutes et cependant le plus long ? Voilà qui est rare !). Comme le reste, Absolutely Curtains a été enregistré en France, mais le final, qui met en scène des choeurs d'une tribu papoue, n'a vraisemblablement pas été enregistré à Hérouville : on imagine mal le groupe ou EMI faire venir de Nouvelle-Guinée une tribu papoue pour leur faire chanter ce chant rituel ! Surtout que, dans le film, on entend, à un moment donné, un chant rituel, traditionnel, qui y ressemble fortement. Le final est donc assez ethnographique, world, avec ces chants très jolis et étranges, qui achèvent le disque sur une note assez particulière. Le reste du morceau est très planant et même un peu oppressant inquiétant, flippant, on retrouve bien la patte floydienne de la période 1968/1970 ici. Au final, un excellent morceau.
Au final, certes, Obscured By Clouds (le titre, au fait, est le titre d'exploitation anglais du film, qui est 100% français) n'est pas le meilleur album du Floyd. Et le fait qu'il soit un des moins connus, aussi, fait que le disque met parfois du temps à être découvert par les gens découvrant la musique du groupe. Mais il n'empêche que ce disque court (40 minutes, 10 titres) recèle bien des trésors, et est, dans l'ensemble, très très bon. On a même droit à 5 chefs d'oeuvre sur les 10 titres, ce qui est franchement une bonne moyenne. Un disque réservé aux fans de musiques de films et aux fans du Floyd. Même si, pour découvrir la musique du groupe, c'est un album assez conseillé, car facile d'accès tout en offrant un bon condensé du son floydien de l'époque. Le disque sera totalement annihilé, commercialement parlant, par le bide commercial du film (qui n'est pas un mauvais film, mais un peu longuet) et surtout par le fait qu'un an plus tard à peine sortira The Dark Side Of The Moon...