167ème Track-by-track, et pour ce faire, un grand, grand disque : Caravanserai, quatrième album de Santana, sorti en 1972 sous une magnifique pochette basée sur une photo de Joan Chase datant de plusieurs années avant l'album. Caravanserai est le premier album de la période mystique de Santana, après trois disques formant une trilogie fusion latino/rock, les remarquables Santana, Abraxas et Santana III (1969 à 1971), qui étaient riches en classiques tels Evil Ways, Jingo, Waiting, Oye Como Va ou Black Magic Woman/Gypsy Queen. Sur Caravanserai, pas autant de classiques absolus (du moins, pas de classiques immédiats), mais une collection de 10 morceaux, instrumentaux ou (plus rarement) chantés, qui sont tous sensationnels. L'album, qui sera surnommé l'album du suicide commercial chez Columbia (maison de disques de Santana, qui n'appréciera pas trop le côté mystique de cet album après trois disques aussi cartonneurs et accessibles), sera cependant un beau succès, et il est encore aujourd'hui très très estimé. C'est le premier album du groupe avec des musiciens tels que Tom Rutley (basse), Armando Peraza (bongos, percussions), Tom Coster (claviers, futur habitué) ou Douglas Rauch (basse), c'est aussi le dernier avec le guitariste Neal Schon et le claviériste Gregg Rolie. On notera encore la présence d'habitués : José Chepito Areas (percussions), Mike Shrieve (batterie)... L'album, que voici, est donc remarquable :
Eternal Caravan Of Reincarnation : Instrumental remarquable de 4,30 minutes, idéal pour ouvrir les festivités de Caravanserai. Eternal Caravan Of Reincarnation est un des...6 morceaux de l'album à ne pas avoir de crédits d'écriture/composition pour Carlos Santana, lequel est quand même pourtant le leader du groupe, vu que le groupe porte, en plus, son nom ! C'est pour dire à quel point le groupe était démocratique, tout le monde allait de son morceau à composer, et du moment que le morceau était bon, Carlos le conservait... En fait, Eternal Caravan Of Reincarnation est même un des deux morceaux, avec Future Primitive, sur lesquels Carlos ne joue pas du tout ! Enfin, si, rectification, in joue un petit, petit peu de percussions ici, mais çane doit pas aller bien loin, et ça ne compte pas trop... Bon, allez, que dire au sujet de ce morceau ? Il offre une ambiance désertique et nocturne remarquable, on s'imagine parfaitement (il suffit de fermer les yeux, et même, pour accentuer encore le tout, d'écouter l'album dans le noir) en pleine nuit et en plein air, autour d'un feu de camp. Une introduction au saxophone, joué par Hadley Caliman (pas un membre du groupe), absolument sublime, mais le reste n'est que percussions discrètes, basse gironde, guitare acoustique (Neal Schon) et piano (de Wendy Haas, pas membre du groupe elle aussi) sublime. Dans l'ensemble, inoubliable en tant que morceau d'intro.
Waves Within : Ca devient plus sérieux. Déjà, Carlos a empoigné sa guitare (Doug Rauch, pourtant crédité aussi à la basse, et un certain Douglas Rodrigues, en jouent aussi, mais la lead est de Carlos), et le son est plus rock (même si Waves Within est très planant). C'est un instrumental remarquable, écrit par Doug Rauch et Gregg Rolie, et distillant une ambiance admirable, très nocturne (je ne vais plus le rappeler par la suite, car c'est tout Caravanserai qui possède cette ambiance), ambiance, aussi, plus orientalisante que latino, est-ce le titre de l'album et sa pochette qui font penser à ça, aussi ? Mais ce morceau, au son assez saturé (comme l'album : la production est excellente, mais, aussi, un peu grasse, je ne sais comment mieux le décrire, mais on sent bien que les amplis transpirent de notes de musique), est une superbe réussite (de plus). Presque 4 minutes de bonheur.
Look Up (To See What's Coming Down) : Morceau nettement plus court (presque 3 minutes) que ce Look Up (To Se What's Coming Down), lequel est encore une fois un instrumental (décidément ! Mais je vous ai prévenus plus haut, Caravanserai est majoritairement instrumental). Le morceau, encore plus enlevé que le précédent (en fait, ici, c'est nettement groovy, funky, dansant, entraînant, disco avant l'heure), est signé Carlos Santana, Rauch et Rolie, et sans être le sommet absolu de l'album (sa trop courte durée l'en empêche probablement, ce morceau se finit trop vite), il est franchement excellent. Difficile de parler de ce morceau, car il faut vraiment l'écouter. C'est radicalement différent des deux précédents morceaux, et plus proche du style des autres (et précédents) albums !
Just In Time To See The Sun : Morceau le plus court de Caravanserai avec 2,15 minutes seulement, et Just In Time To See The Sun, co-écrit par Mike Shrieve, Rolie et Carlos, est aussi...le premier morceau chanté de l'album m Hallelujah !! Amusant, d'ailleurs : le crédit de chant n'est pas indiqué sur la pochette (contrairement aux autres morceaux chantés, où il est précisé qui chante...enfin, pas pour Stone Flower, mea culpa...). Jimagine que c'est Carlos, personnellement. Un morceau remarquable et très rock, plus rock que Look Up (To See What's Coming Down) qui était, lui, très latino dans l'âme. Just In Time To See The Sun, hélas, se finit trop tôt, et je dis ça avec d'autant plus de tristesse que c'est un de mes grands morceaux préférés de l'album (guitares en fusion, final remarquable). Mais la suite de l'album sera tellement immense qu'on s'en remet rapidement, de cette frustration !
Song Of The Wind : Instrumental (on reprend les vieilles habitudes, Carlos ?) absolument superbe. Song Of The Wind, d'une durée de 6 minutes (ça devient plus imposant), et écrit par Rolie, Carlos et Neal Schon, est une pure merveille permettant à Carlos de briller, encore une fois (car tout le monde sait que le Mexicain est un tueur, niveau guitare, pas vrai ?), à la guitare. Un solo juste sublime, aérien, venteux (le titre du morceau ne ment pas), planant et, en même temps, très rock, avec une touche de latino pas mal venue du tout, au contraire. Le genre de morceau qui rend accro nimporte qui à Caravanserai, voire même à Santana, tout simplement. Juste immense, et le meilleur reste à venir avec...
All The Love Of The Universe : ...avec All The Love Of The Universe, morceau admirable qui achevait la face A sur 7,40 minutes de bonheur, écrites par Santana et Schon, qui s'y livrent un duel de guitares absolument sensationnel, baignés qu'ils sont par l'orgue de Rolie, la batterie de Shrieve, la basse de Rauch... C'est le deuxième morceau chanté de l'album, et là, on a les crédits de voix : Santana, James Mingo Lewis et Rico Reyes. Les deux derniers en choeurs, essentiellement. Que dire ? All The Love Of The Universe, qui commence et se finit d'une manière assez planante et obscure (le reste du morceau est bien plus énergique, à la limite du débridé), est un sommet absolu de rock latino, une performance haletante jamais longue malgré sa durée. Inoubliable.
Future Primitive : La face B s'ouvrait sur Future Primitive, pour le coup le seul morceau de l'album sur lequel Carlos Santana ne fait rien. C'est un instrumental écrit par José Chepito Areas et James Mingo Lewis, qui jouent tous deux, ici, des congas (Mingo Lewis joue aussi du bongo, et Areas, des timbales ; Mike Shrieve accompagne le duo de percussionnistes, qui sont le noyau de ce morceau assez atmosphérique baigné d'orgue (vu que ni Coster, ni Rolie ne sont crédités, j'en conclue que c'est Shrieve qui en joue, ce qui, pour un batteur, est assez inhabituel). Un très bon morceau, 4,10 minutes assez atmosphériques qui se fondent totalement dans le suivant. Future Primitive n'est pas mon préféré de Caravanserai, mais il offre une ambiance parfaite, il faut bien l'avouer !
Stone Flower : Reprise admirable et longue de 6,15 minutes d'un morceau de Antonio Carlos Jobim. Le texte (car Stone Flower est chanté, c'est même le dernier morceau chanté de l'album) est en anglais, et écrit par Santana et Shrieve. Adaptation du texte original, si Stone Flower était chanté (honnêtement, je l'ignore) ? Toujours est-il qu'entre l'orgue de Rolie, le piano de Haas, et le jeu de guitare sensationnel de Carlos (Schon à la guitare rythmique), ce morceau est juste inoubliable, il offre une ambiance latino tout simplement sensationnelle, à écouter à tout prix.
La Fuente Del Ritmo : 4,35 minutes. 'La fièvre du rythme' (du moins, je pense que ça veut dire ça, j'ai un doute avec le mot 'fuente'), instrumental grandiose composé par James Mingo Lewis, permet à Tom Coster de participer pour la première fois à l'album, et, donc, à Santana (il sera un habitué pour la période à venir). Le morceau est vibrant, énergique, latino à mort, le genre de truc idéal pour faire danser, il y à un groove haletant, fantastique... Bref, si le morceau, comme Look Up (To See What's Coming Down) en version rock électrique, est trop à part du reste de l'album, il n'en demeure pas moins une pure réussite absolue, à écouter absolument...comme tout Caravanserai ! La Fuente Del Ritmo, ça déchire, quoi !
Every Step Of The Way : 9 minutes tout rond, pas une secondes de plus ni de moins, pour Every Step Of The Way. C'est le morceau le plus long de Caravanserai, et assurément un des plus remarquables (sa longue durée y est pour quelque chose, mais pas seulement). Il est composé en totalité par Mike Shrieve (batteur). Comment décrire ce long instrumental saisissant, commençant un peu en oppression (ambiance pesante, nocturne et agressive, le riff de guitare est lourd, étendu, répétitif, la rythmique est pesante, on sent une explosion à venir), pour finir dans une ambiance débridée, riff bien plus light, orgue en folie, rythmique de feu ? Arrivé au centre du morceau, un cri étrange, plus un feulement rauque qu'autre chose (qui pousse tel cri ? Santana ? Un de ses musikos ?) vient faire basculer le morceau dans cette ambiance de feu. Mais, quelques temps auparavant, l'explosion avait en fait déjà eu lieu. Un très très grand morceau dont la version live, sur le triple Lotus de 1974 (depuis double CD), plus longue de 2 minutes, sera tout aussi efficace (et même un peu trop pour les oreilles, à vrai dire) !
Au final, Caravanserai est un grand, grand disque de fusion rock/latino, avec d'éminentes touches progressives de ci de là. Le meilleur album de Santana, même si Moonflower (1977), Abraxas (1970) et Welcome (1973) assurent totalement eux aussi. Caravanserai est aussi, comme je l'ai dit plus haut, le premier album de la période mystique du guitariste mexicain, qui n'allait pas tarder à rencontrer le gourou Sri Chinmoy (et un autre adepte de Sri Chinmoy, le guitariste anglais John McLaughlin), et à changer denom pour devenir, le temps de cette période mystique qui durera quand même quelques années, Devadip Carlos Santana. Morceaux inoubliables, ambiance nocturne parfaite, pochette sublime, musicalité immense, cet album est un joyau du rock !