Pour ce 165ème Track-by-track, un album live remarquable, sorti en 1974, un des plus grands lives au monde : Rock'N'Roll Animal, de Lou Reed. A la base sorti dans une version d'une quarantaine de minutes pour seulement 5 titres, il est désormais disponible en CD dans une version de 48 minutes, pour 7 titres, deux bonus-tracks ayant été rajoutés (et ce qui est bien, c'est que ces deux titres ont été rajoutés au centre du live, et non pas à la fin, et qu'ils ont été inclus dans le mix, sans pause brutale). Ce live a été enregistré le 21 décembre 1973, à l'Academy Of Music de New York, lieu désormais détruit, remplacé par un dortoir universitaire. Un an après cet album, RCA sortira Lou Reed Live, autre live dont les morceaux seront issus du même concert (voir dans deux heures, car ça sera le prochain article), mais, en attendant, concentrons-nous sur ce Rock'N'Roll Animal puissant, teigneux, métallique, issu d'un concert destroy et d'une tournée qui l'était tout autant :
Intro/Sweet Jane : 7,50 minutes au Paradis. Comment décrire la face A de ce live, qui est parfaite ? Intro/Sweet Jane, comme son nom l'indique, offre à la fois une reprise, immense et heavy, du Sweet Jane du Velvet (Loaded, 1970), avec, aussi, une longue intro instrumentale, très heavy. Dès le début, un riff parfait déboule, ainsi qu'un duel de guitare entre Hunter et Wagner (et une rythmique basse/batterie haletante). Au bout de 3 minutes et des poussières, un riff déboule, et se transforme, comme par magie (ce passage est inoubliable), en riff de Sweet Jane. Dès que le public le reconnaît, grosses clameurs. On imagine aussi et surtout que c'est à ce moment précis que le Lou entre en scène. De ce fait, il commence à chanter, voix narquoise, nasillarde, méprisante (comme on s'en doute, il était sans conteste défoncé et bourré, cette tournée était destroy), et Sweet Jane démarre. Le reste est au delà des mots tellement c'est fort. Après, c'est vrai que le côté champêtre de la version studio est loin...
Heroin : 13 minutes et autant de secondes, c'est le morceau le plus long de l'album (et du concert). Le classique du Velvet, du premier album, est ici donc dans une version deux fois plus longue ou presque (le morceau studio dure 7 minutes). Il faut imaginer Lou, tenue de cuir, cheveux au ras, maquillé de noir autour des yeux et des lèvres, collier de chien au cou, clous sur la tenue, émacié, blafard, hâve, blême (autres expressions ? Collez-les ici), avec ce qu'il faut de mépris dans la voix et le regard, agonisant son public, et traitant avec violence les chansons qu'il interprète. Sur scène, durant ce morceau, il simulera un shoot d'héroïne, ce qui scandalisera les bien-pensants. On décrira l'ambiance du concert, durant ce morceau surtout (light-shows aveuglants, fond de décor blanc), comme une messe noir, avec la came pour divinité à adorer. 13 minutes parfois lentes, hypnotiques, et parfois très métalliques. Et, toujours, épatantes. En fait, c'est indescriptible. Le sommet de l'album, et des deux albums live. Le sommet de Lou en live ? Pour moi, oui.
How Do You Think It Feels (bonus-track CD) : Ce qui est bien, avec les deux bonus-tracks de Rock'N'Roll Animal, c'est qu'ils ne sont pas placés en fin de disque, comme la quasi-totalité des bonus-tracks, mais dans l'album initial (plus précisément, entre les deux faces vinyle, la première face s'achevant avec Heroin). De plus, ces deux bonus-tracks sont excellents, aussi bien au niveau du son que de l'interprétation, et, encore mieux, sont issus du même show. Ce premier bonus-track est issu, dans sa version studio initiale, de Berlin. C'est How Do You Think It Feels, chanson imparable et glauque sur les effets nocifs des drogues dures, sujet que Lou connaissait alors comme sa poche. Voix méprisante, guitares en fusion, cette version live est moins oppressante que la studio (rythmique plus énergique), mais est franchement excellente.
Caroline Says, 1 (bonus-track CD) : Clameurs de la foule...un Shut up ! fort et méprisant du Lou qui s'adresse ainsi à son public... Ainsi démarre Caroline Says, 1, deuxième bonus-track CD, et chanson à la base issue de Berlin. Une très très bonne version, bien destroy, Lou braille à qui mieux mieux sur ce titre, notamment dans le final (Whoooooooo ! She's just a queen), ce hurlement de Lou(p), dans cette ligne de texte citée entre parenthèses, en est même flippante d'impétuosité. Le côté glam de la chanson y perd un peu dans cette version live qui n'est pas aussi chatoyante que la version studi (sur-)produite par Bob Ezrin, mais, franchement, c'est encore une fois excellent. Ces deux bonus-tracks ne gâchent en rien l'album, bien au contraire !
White Light/White Heat : Il est indiqué 5,40 minutes sur le CD, mais en fait, cette version du classique White Light/White Heat du Velvet Underground ne dure que 4,55 minutes, ce qui, en soit, est déjà pas mal. Ouvrant la face B, cette version est pas mal, mais le moins bon des titres de l'album. Là, le côté heavy metal est à son paroxysme, déjà que la chanson est assez bruitiste à la base... Enfin, bon, je trouve que cette reprise, bien que très correcte, est la moins convaincante, la moins exceptionnelle de Rock'N'Roll Animal, mais ce n'est qu'un avis personnel, hein. Ca reste assez bon.
Lady Day : Avant que le CD ne propose les deux bonus-tracks, Lady Day était l'unique titre de Berlin sur Rock'N'Roll Animal, ce qui est assez moyen, vu que le live était représentatif d'une tournée faite pour promouvoir Berlin, tenter de le sauver du marasme des bacs à soldes dans lequel il était tombé, tenter surtout de faire changer d'avis les masses populaires à son encontre. Cette version, dont l'intro tente de refaire l'effet chatoyant de la production de Bob Ezrin, est franchement excellente, 4 minutes et 5 secondes de folie qui font un peu oublier un White Light/White Heat très bon, mais trop cacophonique. Enfin bref, cette version de l'excellentissime Lady Day est vraiment superbe.
Rock'n'Roll : Cette version live du classique du Velvet Underground Rock'n'Roll (issu de Loaded, 1970, comme Sweet Jane, dernier album du Velvet avec Lou Reed), qui achève l'album, ne dure pas 9,30 minutes comme indiqué sur le CD (décidément...), mais...10,20 minutes. Là, si le timing est erronné, c'est en faveur du morceau, qui est plus long qu'indiqué. Une version tout simplement dantesque, autant le dire tout de suite, on a droit à un solo de guitare magistral dans le final, et Lou est encore une fois en forme olympique tout du long. Une explosion sonique qui rappelle le premier morceau du live. Fantastique.
Au final, Rock'N'Roll Animal est une tuerie, un live surpuissant, même si on regrettera un peu, dans un sens, que le charme des morceaux du Velvet s'amoindrisse, compte tenu du traitement metal que Lou leur a fait subir (une vraie décharge électrique !). Autre reproche, mais qui ne concerne que la version vinyle (5 titres) : un seul morceau issu de Berlin, album dont Lou faisait quand même la promotion par le biais de cette tournée destroy 1973/1974 (suite au succès de ce live, Berlin montera dans les charts, alors qu'il fut un bide cuisant à sa sortie). Mis à part ça, ce live est juste puissant. Les deux guitaristes, Steve Wagner et Dick Hunter, qui jouèrent sur Berlin, assurent le maximum, le son est immense, Lou est en forme et vitupère pas mal le public, c'est trash et heavy... Un grand live de rock, limite de hard-rock en fait ! Lou Reed Live, qui sortira un an plus tard, et sera abordé dans deux heures ici, est tout aussi parfait.