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Attention, album difficile, pour ce 157ème Track-by-track. Sorti en 1970, enregistré en 1969, Lorca est le cinquième album de Tim Buckley. C'est un disque complexe, folk et avant-gardiste, à peu près 40 minutes pour seulement 5 titres, et c'est, avec l'album suivant (Starsailor, déjà abordé ici), l'album le plus bizarre et difficile d'accès de ce remarquable chanteur folk mort par overdose en 1975 (et père de Jeff, lequel tenait Lorca comme son préféré des albums faits par son père, qu'il n'a quasiment pas connu). L'album doit son titre à Federico Garcia Lorca, fameux poète espagnol fusillé par les franquistes pendant la guerre civile espagnole. Lorca a été enregistré en même temps que Blue Afternoon, qui, lui, est sorti en 1969. C'est un disque contesté, controversé, qui sera un bide (seul Goodbye And Hello a marché, dans les albums de Buckley, de toute façon), et est aujourd'hui encore difficile à écouter et à juger. Personnellement, mon préféré avec Starsailor (qui est supérieur, mais pas de beaucoup), mais si vous n'aimez pas, je ne vous en voudrai pas, parce que c'est vraiment spécial. Voici le disque :

Lorca : 9,55 minutes assez flippantes pour ouvrir le bal. Lorca est la pièce maîtresse de l'album du même nom (et ce, même si c'est Anonymous Proposition que Buckley pensait être plus intéressante). Que dire ? La musique est oppressante, cheloue, bizarre, entre le piano électrique du vieux comparse de Buckley, Lee Underwood, les parties de guitare (Buckley, Underwood) également étranges, et surtout, surtout, la voix chevrotante, bizarre, de Tim, qui te vous te pousse de ces vocalises à faire pâlir d'envie tous les loups à la pleine lune. EXTRÊMEMENT difficile d'accès, ce morceau-titre, le plus long de l'album, est un vrai truc de malade, qui fera dire aux rock-critics de l'époque que Buckley faisait volontairement égarer ses fans, qu'il les aliénait avec cet album. Un truc de fou, donc, mais c'est, en même temps que dingue, franchement incroyable.

Anonymous Proposition : 7,45 minutes achevant la face A (oui, déjà ! Mais bon, seulement 5 titres sur l'album, je le rappelle...). Désirez-vous être rassurés, désirez-vous qu'on vous dise que cet Anonymous Proposition est plus facile d'accès que Lorca ? Alors, vous allez être un peu déçus : si ce morceau est en effet un peu plus facile d'accès que Lorca, s'il est plus musicalement proche du son folk que Lorca, il n'en demeure pas moins très avant-gardiste. Oui, Buckley Sr était vraiment dans une phase très avant-gardiste, free-jazz, inclassable ; est-ce rapport à la drogue, dont il devait déjà user et abuser ? Toujours est-il que cette chanson est magnifiquement interprétée (toujours ce chant de muezzin décalé), et musicalement assez étrange, tout en étant moins flippante que le précédent titre. C'est de la folk, mais clairement pas du même ordre que du Dylan, du Donovan, du Leonard Cohen ou du Joni Mitchell ! Mais si vous avez survécu au morceau-titre, vous survivre à Anonymous Proposition et au reste de l'album. Perso, je trouve ça superbe, Lorca étant mon préféré de Buckley Sr avec Starsailor.

I Had A Talk With My Woman : C'est le morceau le plus court de l'album, et il en ouvre la face B. I Had A Talk With My Woman (titre de chanson le plus long de l'album, pour l'info à la con) dure 5,55 minutes, tout de même. Presque 6 minutes, c'est pas rien ! Encore plus facile d'accès que le précédent morceau (c'est tout juste s'il ne faudrait pas, pour les néophytes, écouter l'album en commençant par le dernier titre, puis l'avant-dernier, puis, etc... !). Musicalement, plus de guitare sèche typiquement folk (de l'électrique aussi) que précédemment, l'orgue étrange et oppressant de Lee Underwood est ici en mode 'repos du guerrier après une belle baston'. Dans l'ensemble, un morceau presque (presque !) conventionnel, s'il n'y avait, tout de même, le chant de Buckley (plus posé, mais tout de même assez lyrique) et une ambiance toujours un peu étrange, de ci de là... Pas mon préféré de l'album, mais I Had A Talk With My Woman est vraiment beau.

Driftin' : 8 minutes et 10 secondes, telle est la durée, assez imposante car c'est le deuxième plus long morceau de Lorca, de ce Driftin'. Lequel morceau marque le retour à un son plus proche de Anonymous Proposition (autrement dit, avant-gardiste, barge, mais pas trop non plus) après un troisième morceau plutôt conventionnel dans l'ensemble. Driftin' est sans doute un poil trop long, reproche que je ne fais à aucun des autres titres de Lorca. Mais c'est quand même un excellent morceau sur lequel, encore une fois, Buckley chante superbement bien, de ce chant si particulier qu'il prend sur l'album.

Nobody Walkin' : Et le final de Lorca fait la bagatelle de 7,30 minutes. Pour la dernière fois, du moins, en attendant Starsailor, on entendra ici le fameux et étonnant chant lyrique, empesé, de Buckley. Nobody Walkin' est une chanson assez avant-gardiste et spéciale, encore une (I Had A  Talk With My Woman est donc définitivement le morceau le plus classique de l'abum), mais musicalement, on est ici plus proche du blues ou du jazz que de la folk et de l'avant-garde. Musicalement, c'est quasiment conventionnel, mais c'est le chant de Buckley qui fait tout ici, et c'est, comment dire, aussi dingue que fantastique. Vraiment une conclusion parfaite pour un disque exigeant et complexe, mais vraiment magnifique !

 Lorca est donc une oeuvre inclassable, avant-gardiste et folk, pas vraiment rock, très portée sur les ambiances oppressantes et décalées. Bide retentissant à sa sortie, mal accueilli par les fans et les critiques, ce disque sorti, de plus, sous une pochette assez bof (enfin, pas la pire pour Buckley Sr : je trouve la photo de pochette de Sefronia franchement mauvaise, ainsi que la peinture illustrant Look At The Fool), offre 39,40 minutes et 5 titres totalement étranges et, en majeure partie, envoûtants, hypnotiques. A écouter avant d'écouter Starsailor, l'album suivant, qui est également très barge, mais un petit peu moins que Lorca. L'album le plus polémique de la discographie de Tim Buckley, et le préféré de son fiston Jeff, comme je l'ai dit plus haut déjà).