Pour ce nouveau Track-by-track, un disque intense et puissant, que j'ai personnellement mis un certain temps avant de l'apprécier à sa très juste valeur : Strange Days, deuxième album des Doors, sorti, comme leur premier album éponyme, en 1967. 1967, année importante pour le rock, année de sortie de bon nombre de grands disques. Strange Days, indéniablement, fait partie des sommets de cette année, un disque magistral malgré sa trop courte durée de 35 minutes. Tout détonne, sur ce disque, qui possède une ambiance à nulle autre pareille. De sa pochette (qui est étrange, quelque peu inquiétante comme ce nain au sourire assez obséquieux, narquois, du moins, selon moi) qui aurait pu servir pour l'album The Soft Parade (rapport à la petite fanfare) aux morceaux, baignant quasiment tous dans une atmosphère indescriptible. Ce disque, le voili, le voilou :
Strange Days : Il existe un clip officiel, fait dans les années 80, et montrant une sorte de version filmée de la pochette, avec acteurs reprenant les poses, costumes, etc, et on y voit même les Doors survivants. Mais c'était pour l'anecdote. Sinon, avec son ambiance assez trouble, étrange et onirique, Strange Days symbolise bien l'atmosphère globale de l'album qui lui doit son titre. Assurément un des sommets du groupe ! Difficile d'en parler, aussi, elle est vraiment indescriptible (la voix de Morrison...).
You're Lost, Little Girl : Anecdote : pendant l'enregistrement de cette chanson, dans la cabine d'enregistrement des voix, il semblerait que Jim Morrison se faisait flûter par une groupie (à moins que ça ne soit pas sa petite amie Pamela Courson). Est-ce pour ça qu'il chante You're Lost, Little Girl d'une voix si...rêveuse, légère ? Chanson assez sombre, étrange, climat assez lent et inquiétant, une atmosphère indescriptible en fait. Une des meilleures de l'album, une de celles pour lesquelles l'ambiance fait quasiment tout, et quelle ambiance !
Love Me Two Times : Le tube de l'album, l'équivalent, pour cet album, du Light My Fire du précédent. Love Me Two Times est le genre de chanson qui se retient facilement, reste en mémoire toute la journée et devient rapidement essentielle, indispensable. D'abord assez calme, la chanson devient rapidement plus trépidante, et se finit en apothéose, avec les désormais sempiternels cris de Morrison, ce psychopathe (car ce mec en était un, un vrai psychotique, un fou furieux). Immense chanson, une des meilleures de l'album et, donc, du groupe.
Unhappy Girl : 2 petites minutes faussement gaies. La mélodie est un peu légère, guillerette, avec cette guitare assez chaloupée, amusante, légère. Mais Unhappy Girl possède des paroles plus ou moins sombres (You are lost in a prison of your own device). Une de mes préférées de l'album, malgré qu'elle soit trop courte et un peu redondante. Mais elle est quand même franchement belle !
Horse Lattitudes : Le passage le plus cintré de l'album, et probablement le moment que je préfère sur tout Strange Days. Musicalement, c'est zéro, mais Horse Lattitudes est en fait un poème de Morrison, déclamé par le principal intéressé, avec des effets sonores oppressant derrière. Une histoire tragique et flippante de chevaux qu'on doit foutre par dessus bord d'un bateau pour empêcher celui-ci de sombrer. Awkward instant, and the first animal is jettisoned... La voix de Morrison, d'abord inquiétante, devient terrifiante, et il finit sa déclamation avec une voix hurlante. 1,30 minute de terreur psychotique reflètant bien la folie de Morrison. Et le pire (ou le mieux), c'est qu'en plus d'être étrange et flippant, Horse Lattitudes est magnifique, dans son genre. Immense.
Moonlight Drive : Excellente chanson pour achever l'album. Un classique des Doors, un de plus, une chanson bénéficiant encore une fois d'une superbe et étonnante ambiance onirique et nocturne. Le son de guitare de Krieger, dans le final, est juste parfait. Le refrain aussi (superbe voix de Morrison). Moonlight Drive est dans l'ensemble absolument parfaite.
People Are Strange : La face A, ne contenant que quatre titres, s'ouvrait sur une chanson aussi courte (2 minutes et des poussières) que fantastique tellement culte qu'un film-documentaire sur le groupe, sorti l'an dernier, When You're Strange, tire son nom du refrain. People are strange, when you're a stranger... Une chanson remarquable, douceâtre, mélodique, sur laquelle Manzarek est en état de grâce, niveau orgue. Franchement, un des sommets absolus de Strange Days et des Portes.
My Eyes Have Seen You : Bon...On va se la jouer honnête, les gars, cette chanson, bien que pas honteuse du tout, est indéniablement la moins réussie de Strange Days. Il y à de bons moments (personnellement, j'aime beaucoup le final, où Morrison se lâche un peu, ainsi que la guitare de Robbie Krieger, comme le riff d'intro), mais la gaieté apparente, même si elle est peut-être trompeuse et passagère, de la chanson, gaieté totalement opposée à l'ambiance générale de l'album, rend My Eyes Have Seen You un peu à part et intruse sur le disque. Elle n'y à pas tout à fait sa place, ça fait un peu désordre, coincée entre des chansons assez sombres ou bénéficiant d'atmosphères oniriques et étranges. C'est trop pop et mainstream, ça aurait dans un sens eu plus sa place sur l'album suivant, Waiting For The Sun ! Mais en tant que tel, ce n'est pas honteux, pas nul.
I Can't See Your Face In My Mind : Contrepoint total de la précédente chanson, de son titre qui y fait penser (on passe de 'Mes yeux te voient' à 'Je ne vois plus ton visage dans mon esprit' !) à son ambiance, ici assez sombre, lente, crépusculaire, totalement opposée à la gaieté apparente du précédent titre (lequel, on l'a vu, est probablement le moins réussi des 10 de l'album). I Can't See Your Face In My Mind n'est pas ma préférée de l'album, mais c'est une chanson vraiment belle, bien que très sombre et lente. Encore une fois, l'ambiance, ici, fait tout, et elle est fantastique.
When The Music's Over : 11 minutes parfaite, même si le fait que l'intro de cette chanson soit la même que celle du Soul Kitchen de l'album précédent m'a toujours un peu gêné (si c'est Soul Kitchen qui a été écrit après When The Music's Over, ça va, mais comme Soul Kitchen a été commercialisée avant, ça fait vraiment redite ici). Sinon, comme pour The End de l'album précédent, ce morceau est le grand final dantesque et apocalyptique, avec passages poétiques beat, ambiance de folie, moments cultes, breaks de fou et longueur épique. Un des très grands morceaux doorsiens. Le passage We want the world and we want it...now...now...now... NOW !!! est juste indescriptible. Grandiose. Long, mais grandiose.
Avec son ambiance étrange comme les jours du titre de l'album, ambiance qui fera qu'on la comparera à celle du Carmina Burana de Carl Orff, Strange Days se paie donc le luxe d'être largement supérieur au premier album du groupe, lequel premier album squatte quand même tout le temps une place de choix dans les listes du style 'meilleurs albums de tous les temps'. Pour ma part, c'est clair et net, cet album est supérieur au premier, supérieur en fait à tous les autres albums des Portes, excepté L.A. Woman qui reste le sommet définitif. Malgré une chanson un peu moyenne dans la face B, rien à dire sur ce disque intense, un peu oppressant quelquefois, et ne cherchant pas la facilité. Un grand cru des Doors, même s'il ma fallu quelques écoutes pour enfin accéder à son très noir, très sombre coeur. Immense !