Troisième album des Doors que j'aborde dans cette catégorie, et aussi troisième album des Doors tout court, Waiting For The Sun date de 1968. C'est un disque à problèmes, autant le dire tout de suite. Pendant un bon moment, ce disque très court (33 minutes, 11 titres) fut mon album détesté des Doors. Depuis, et même s'il n'est pas devenu mon favori, j'ai appris à vraiment l'aimer, et considérons donc la présence de ce disque controversé et quelque peu mineur dans la catégorie Track-by-track comme une sorte de tentative de réhabilitation tardive mais sincère. L'album, qui a subi moult coups du sort, est meilleur que ce que l'on croit. Il devait à la base contenir une suite de morceaux (The Celebration Of The Lizard) sur une de ses faces, et s'appeler, aussi, du nom de cette suite, mais, au final, la suite sera abandonnée (sauf en live), excepté le morceau Not To Touch The Earth, et l'album sera renommé du nom d'une chanson composée pour le disque, mais qui, au final, sera écartée et ne se trouvera en albul que sur Morrison Hotel (1970). De plus, si la suite musicale a été abandonnée, il était trop tard, alors, pour changer la pochette, qui contient, dans son intérieur, les paroles de la suite !
Hello I Love You : Chansonnette pop, gentillette, chanson d'amour... Hou ! la, attendez, c'est bien des Doors qu'on parle, là, c'est à dire, du groupe de rock assez sombre, mené par un chanteur aussi charismatique que psychotique, et ayant offert des chansons aussi marquantes que Light My Fire, People Are Strange ou When The Music's Over ? Non, rassurez-moi (ou plutôt, ne me rassurez pas...), c'et bien le même groupe ? Hélas oui... Ce qui ne veut pas dire que cette chanson très courte (2,30 minutes) ouvrant l'album est mauvaise (en même temps, elle n'est pas grandiose, hein, loin de là), mais qu'elle détonne vraiment, et que c'est une bien mauvaise chanson pour ouvrir l'album. Ca donne une première impression assez bizarre et mauvaise. Sinon, une chanson qui, tout en se basant fortement sur une chanson des Kinks (All Of The Day, All Of The Night), possède un rythme sautillant assez sympa. Mais c'est mineur, aussi.
Love Street : Encore une chanson d'amoûûûr ? Mais merde ! Enfin, bon, Love Street, plus reposante que Hello I Love You, n'en demeure pas moins très très belle, et je l'aime beaucoup, mais c'est vrai que deux chansons possédant le mot 'love', sur un disque des Portes, et, en plus, deux chansons situées en ouverture d'album, ça coince un peu. Love Street est jolie comme un coeur, Morrison chante bien, et musicalement, c'est reposant, calme, zen presque. Malgré le fait que ça soit une chanson pour ménagères de moins de 50 ans, c'est très bon, donc.
Not To Touch The Earth : Unique chanson de la suite The Celebration Of The Lizard qui a survécu aux chambardements de la construction de l'album, Not To Touch The Earth est une réussite absolue, très sombre, emplie d'une violence latente qui, au fil du morceau, explose, jusqu'à un final apocalyptique. Après deux chansons aussi calmes et gentilles, ça choque pas mal ! Autant le dire tout de suite, c'est un des trois ou quatre vrais chefs d'oeuvre de l'album ; pour les autres, attendez que j'y arrive ! Une chanson puissante, Morrison en état de grâce (et en état second, aussi, voir troisième), le groupe assure, c'est du brutal... A l'écoute de ce titre rescapé, on regrette vraiment que l'album, sous sa forme initiale contenant la suite sur une de ses faces, n'existera jamais...
Summer's Almost Gone : Une complainte très jolie, mélancolique, nostalgique, remplie de spleen, qui ressemble étrangement à ce que l'on pense en regardant la pochette (recto ou verso, nimbée de rose avec les Doors en ombres chinoises, quittant les lieux) : l'été se finit, la journée aussi, un grand sentiment de spleen survient alors. Musicalement, c'est très joli. Les paroles sont sans aucun doute un petit peu moyennes, mais le chant de Morrison et l'excellence de la mélodie sauvent le tout. Dans l'ensemble, ce n'est pas du grandiose, mais c'est très très convenable !!
Wintertime Love : Chanson ultra-courte (même pas 2 minutes...) et qui fait un peu 'deuxième partie d'un cycle saisonnier', rapport à son titre qui fait allusion à l'hiver (et la chanson précédente, dont le titre faisait allusion à l'été). Wintertime Love est très courte, donc, et passe comme une lettre à la Poste. Une grande chanson ? Certainement pas, mais elle n'en demeure pas moins très très sympathique, fraîche, agréable. Comme la précédente, en fait, ou comme l'avant-dernière chanson de l'album. Un peu trop courte, quand même...
The Unknown Soldier : Inoubliable chanson. Cultissime, avec son passage 'exécution' repris à chaque concert, Robbie Krieger prenant sa guitare comme une fusil, braquant Morrison, qui s'écroule, avant de se relever pour entamer la fin du morceau (il faut l'avoir vu au moins une fois dans sa vie, ce passage obligé de la chanson !). Chanson antimilitariste, en faveur de la paix, à la mélodie imparable. Ambiance un peu étrange, onirique, chant concerné, mélodie de feu, The Unknown Soldier, gros succès commercial, est un des 10 meilleurs moments de la carrière des Doors, clairement. Make a grave for the unknown soldier...
Spanish Caravan : La face B s'ouvrait sur une merveille, Spanish Caravan (chanson à laquelle je pense souvent quand j'écoute la chanson Innuendo de Queen, le côté flamenco électrique y est pour beaucoup). La chanson, qui démarre lentement en flamenco, acoustique remarquable et ambiance feu de camp, se poursuit ensuite en mode électrique (le passage où la guitare acoustique se transforme en électrique est imparable). Chant parfait, musicalement inoubliable, cette chanson est une des meilleures de Waiting For The Sun, tout simplement.
My Wild Love : Pour être honnête, je déteste cette chanson. Voilà. Surtout les clap incessants, l'ambiance chamanique ratée (chez les Doors, ce genre d'ambiance a donné de bien meilleurs résultats : The W.A.S.P. (Texas Radio & The Big Beat), Shaman's Blues, The End, When The Music's Over, The Soft Parade, le poème Horse Latitudes...)... En gros, je ne trouve pas My Wild Love foirée, contrairement à une autre chanson de l'album qui arrive d'ailleurs juste après, mais le fait est que je la place en avant-dernière position sur le disque, en terme de préférence et même de niveau. Moyen surtout après deux chansons aussi puissantes !
We Could Be So Good Together : Indéniablement la pire chanson de l'album, une vraie daube qui fait partie des morceaux les plus ratés, nuls, atroces du groupe. Vraiment, désolé s'il y à des fans, mais en même temps, je vois mal comment être fan de cette chanson insupportable ! Tiens, c'est bien clair, même l'orgue de Manzarek semble poussif, même la voix de Morrison (pourtant, Morrison possédait une voix apte à transformer une daube musicale en chanson moyenne) est mauvaise ici. We Could Be So Good Together est un ratage, un vrai, un gros.
Yes, The River Knows : A la base, je n'aimais pas cette chanson, mais vraiment pas. Mais j'ai appris à l'apprivoiser, lentement, et si, aujourd'hui, je ne peux toujours pas dire que j'en raffole, je dois dire que je trouve Yes, The River Knows nettement plus convaincante et sympa qu'au départ. Je trouve toujours, cependant, son titre idiot ('Oui, la rivière sait'). Un Morrison comme apaisé, ce qui constitue un contraste violent avec la chanson suivante, par ailleurs. En plus, après deux chansons aussi décevantes que les précédentes (chansons 8 et 9), celle-ci est vraiment d'un tout autre niveau. Ah oui, encore une chanson d'amoûûûr, en même temps...
Five To One : Selon une légende urbaine assez répandue et sans doute vraie (des témoins le certifient), le jour de l'enregistrement de cette chanson aurait été mouvementé. Jim Morrison se serait ramené, en studio, avec un pote (qui, on ne sait pas) et une fille (idem), qu'ils auraient tronché ensemble, complètement bourrés et camés, et Morrison aurait même tenté, sans succès, de convier les trois autres Doors à ce que l'on appelera une partouze. Mais il fallait bien enregistrer, hein ? Et Jim, une fois ses ébats finis, se lève, titubant, dans un état proche du Colorado, et glapit, derrière le micro de la cabine d'enregistrement des voix, l'intégralité, en une prise, des paroles de Five To One, prise présente sur l'album final. Et ça s'entend : sa voix est rocailleuse, déglinguée, flippante de dinguerie alcoolisée, et il en marmonne même parfois plus qu'il ne chante ; à l'évidence, il était bourré, camé quand il a enregistré le titre. Pour les paroles, la signification du titre, merci de prendre rendez-vous, car j'ai plus le temps ici ! Je déconne, surtout que je n'en ai aucune vraie idée (c'est toujours resté un peu obscur, en plus). Mis à part ça, cette chanson est IMMENSE, une sommet de violence et de dinguerie doorsienne, et elle achève à la perfection un disque étrange et bancal, mais que j'aime assez désormais.
Constitué, donc, de morceaux parfois mineurs et de morceaux nettement plus imposants, mais sabré en deux par l'absence de sa suite monumentale (présente en live sur Absolutely Live ou en bonus-track sur la réédition CD la plus récente de l'album), Waiting For The Sun est un disque inégal, mais contenant quand même de purs trésors. On notera, de plus, enfin, c'est mon avis, une ambiance un peu 'fin de soirée' assez étrange, onirique (la pochette, très belle, en rajoute à cette impression), ainsi qu'un climat de violence latente, qui, parfois, explose. C'est le dernier album des Doors à posséder une pareille ambiance, que les deux précédents albums avaient aussi. Une ambiance qui joue beaucoup pour le charme de ce disque un peu bancal, mais très attachant toutefois.