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42ème Track-by-track, et pour l'occasion, un disque au demeurant assez méconnu (sauf des amateurs du groupe), j'ai nommé Animals, sorti en 1977. C'est le 10ème album studio de Pink Floyd (je compte Ummagumma dedans, mais pas Relics), et c'est un des albums les plus étranges du groupe. Il est sorti en une année difficile pour le groupe, et pour le rock progressif en général : 1977 est en effet l'année punk. Or, les punks crachaient considérablement sur le rock 'à la papa', sur le rock progressif et/ou jazzy, sur le hard-rock pur et dur. Pink Floyd n'était pas épargné, au contraire (on se souvient du T-shirt "I hate Pink Floyd" que Johnny Rotten, leader/chanteur des Sex Pistols, arborait en concert), et le groupe essuyait des critiques méchantes. Animals, pourtant, est un disque qui, si on met de côté le son floydien, est assez punk dans l'âme ! Il ne contient que 5 titres, que voici :

Pigs On The Wing (1) : 1,25 minute en tout, et avec uniquement une guitare sèche et la voix de Roger Waters (ce dernier a tout fait ici, niveau chansons, sauf Dogs qui est en collaboration avec Gilmour), qui nous interprète des paroles assez sombres. Musicalement, c'est très sympathique, ça passe tout seul. Et ça passe vraiment trop vite. Le contraste, niveau durée, avec les trois chansons suivantes, est limite choquant !

Dogs : L'album est inspiré par le roman La Ferme Des Animaux de George Orwell (enfin, selon la thématique du roman : assimiler les catégories sociales en animaux, et non pas selon l'histoire du roman). Dogs, long de 17 minutes, occupant toute la face A si on excepte Pigs On The Wings (1), est une diatribe horriblement virulente sur (ou plutôt, contre !) les businessmen, les golden boys/yuppies, les hommes d'affaires intraitables, sans scrupules, cyniques, ne reculant devant rien. La chanson est longue, mais incroyable, jamais chiante. Le passage final Who was... (plusieurs variations sur cette phrase) est très agressif. Allusion comme prémonitoire, en jeu de mots aussi, à un incident qui arrivera pendant la tournée de l'album (Waters, excédé par un spectateur, lui crachera dessus, et se sentira immédiatement honteux de ce geste, qui lui inspirera The Wall) : Who was trained not to spit in the fan. 'fan', ici, veut dire 'ventilateur', mais 'fan', inutile de le préciser, vaut aussi dire 'admirateur'... La chanson existait déjà au moins deux ans avant Animals, sous un autre nom, et jouée live : You Gotta Be Crazy.

Pigs (Three Different Ones) : Si Animals avait été un album français, cette chanson ne se serait pas appelée Cochons, mais Poulets. En effet, cette chanson parle de la police, du gouvernement. Or, un flic, en anglais et en argot, c'est un 'pig' ! 11 minutes parfois longuettes (honnêtement, c'est la moins exceptionnelle chanson du disque), mais au demeurant très virulentes et sympathiques, qui dénoncent le gouvernement Thatcher (qui en prendra encore plein la gueule en 1983 sur The Final Cut). A un moment donné, on y parle d'un certain (ou plutôt, d'une certaine) Whitehouse. Cette femme était, il me semble, au gouvernement, et était très critiquée pour des positions assez réactionnaires sur l'éducation, du moins, il me semble. Très bonne chanson, bonne mélodie, mais les Ah ah, charade you are des couplets sont, à la longue, irritants.

Sheep : Le 'tube' de l'album, un peu plus de 10 minutes infernales, très rock (final d'enfer, riff de guitare remarquable, chant très furieux, vraiment punk). Si ce n'est son intro douceâtre et son bridge progressif (avec voix synthétique citant une prière, The Lord is my Shepherd, I shall not want...), Sheep, qui dénonce la société de consommation et assimile les consommateurs lambda à des moutons (de Panurge), est très violente. Etonnant, de la part du Floyd. Mais tout Animals est de cet acabit, et est, vraiment, un des albums les plus atypiques (si ce n'est le plus atypique) du groupe. En résumé, une chanson immense, comme l'album !

Pigs On The Wing (2) : 1;25 minute en tout, aussi long (ou plutôt, court !) que la première partie qui ouvrait l'album. Une conclusion dans le même ordre, acoustique, guitare sèche et la voix de Waters. Les paroles sont un peu plus optimistes (Now that I find somewhere safe to bury my bones), sans pour autant faire sauter de joie au plafond. Musicalement, c'est du même ordre que la première partie, donc, très réussi et frais !

Au final, l'album est, on vient de le voir, engagé, violent, virulent, sanguinaire, bien cynique, et très rock, plus rock que ne l'étaient les précédents opus du groupe (et que ne le seront les suivants). Chef d'oeuvre pas toujours très bien compris, Animals est un disque controversé chez les fans, pas autant que le sont The Final Cut ou Ummagumma, mais quand même. Entre les fanatiques estimant que c'est le sommet du groupe et ceux qui n'apprécient pas sa hargne tout sauf floydienne, il y à de la marge. Sans dire que c'est le sommet, en ce qui me concerne, j'adore vraiment l'album, indéniablement un des meilleurs. Indispensable !