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Nouveau Track-by-track (le 39ème !), et c'est un live (double à l'époque de sa sortie) que j'ai décidé d'aborder : le At Fillmore East du Allman Brothers Band, sorti en 1971. Le groupe, un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) groupes de rock sudiste (par conséquent, des américains) de l'histoire, était constitué du guitariste Duane Allman, de son frangin Gregg (chant, claviers), du guitariste Dicky Betts, du bassistes Berry Oakley, et des batteurs Butch Trucks et Jaimoe (le Black). L'album est désormais disponible dans une édition double CD DeLuxe proposant plusieurs bonus-tracks (dont Mountain Jam, de 33 minutes, originellement présente sur le double Eat A Peach de 1972), mais la version de base ne proposait que 7 titres, tout en étant double (78 minutes environ), et c'est cette version que je vais aborder, et qui est très facilement trouvable dans le commerce aussi !

Statesboro Blues : Quoi de mieux, pour ouvrir le bal, que cette chanson ? Un blues, comme son titre l'indique, et une reprise de Blind Willie McTell (le premier disque initial n'est constitué que de reprises, tandis que le deuxième est constitué d'originaux), tout simplement somptueuse. Guitare slide, harmonica, voix parfaite du blondinet Gregg Allman, cette chanson met le paquet, en seulement 4,15 minutes, et s'impose comme un grand moment de blues-rock !

Done Somebody Wrong : Reprise de Elmore James, Done Somebody Wrong, avec la participation de Thom Doucette à l'harmonica, est une splendeur bluesy elle aussi, et je la préfère même de peu à Statesboro Blues, pour dire. Très courte elle aussi (4,33 minutes, ce qui, comparé au reste du live, est franchement court !), elle s'impose dès la première écoute, grâce à la voix chaude, concernée de Gregg Allman et à plusieurs soli, divers (guitare, claviers). Admirable, mais le meilleur reste définitivement à venir !

Stormy Monday : 8,45 minutes au Paradis... Voilà ce qu'est Stormy Monday, reprise admirable d'un standard de T. Bone Walker. Concernant At Fillmore East, excepté Whipping Post (morceau final), aucun titre du live n'est plus bluesy que Stormy Monday, c'est une féérie douce-amère, lente et triste, mélancolique, qui marque la fin de la face A (et l'achève à merveille, c'est le meilleur morceau de cette première face). Gregg Allman est déchirant, les soli de son frangin et de Dickey Betts sont renversants, et le morceau, malgré quasiment 9 minutes (à lui tout seul, il fait le double des deux précédents morceaux, et donc la moitié de la face A), n'est jamais chiant. Immense !

You Don't Love Me : Unique morceau de la face B, avec 19 minutes au compteur, You Don't Love Me, reprise de Willie Cobbs, est une pure folie furieuse de rock sudiste. Pas moins de cinq ou six soli divers (guitare, principalement, mais aussi claviers, et un peu de batterie), pour un morceau endiablé, jamais longuet malgré ses presque 20 minutes (et ce n'est pas le plus long du live !). Vers la fin, on entend, faiblement mais quand même, dans le public, un type gueuler Duane, play all night ! Et effectivement, le Duane, ce chien fou de blues-rock qui venait de participer au double albulm de Derek & The Dominoes, semble prêt à jouer toute la nuit... Bref, vous l'aurez compris, on tient ici un grand moment d'intensité.

Hot'lanta : Le deuxième disque initial (pour la version soft, tout tient sur un seul CD désormais) s'ouvrait sur les 5,15 minutes de Hot'lanta, un instrumental signé du groupe, et dédié en majeure partie à la basse de Berry Oakley, ici en grande forme (même s'il n'offre aucun solo, les laissant aux gratteux, Oakley est quand même très présent sur ce titre, à la fin duquel on entend, dans le public, une clameur d'étonnement, une seconde avant un torrent d'applaudissements). Un excellent titre à la fois bluesy et rock, avec des incartades...jazzy et country. Excellentissime ! 

In Memory Of Elizabeth Reed : Autre instrumental, cette fois de 13 minutes, ce morceau est issu du deuxième album (Idlewild South) du groupe, et est un des grands, grands moments de l'album et du groupe, tout simplement. Pour beaucoup, Duane Allman livre ici sa plus grande prestation (une prestation tardive, car les premiers soli sont de Betts ; mais le solo de Duane est très reconnaissable et remarquable). Incontestablement, avec Stormy Monday, mon passage préféré du double live, une performance incroyable, jubilatoire, mélodique...parfaite ! A noter que In Memory Of Elizabeth Reed (je ne sais pas qui est cette femme) est une composition de Dickey Betts.

Whipping Post : Enfin, le final, occupant toute la dernière face, avec 23 minutes, j'ai nommé Whipping Post, composition de Gregg Allman. Lequel chante, sur ce morceau, comme un vrai moribond, voix touchante, déchirée, anéantie, voix d'un vieillard chantant le blues comme s'il devait en crever juste après. Que ce soit Duane ou Dickey, les soli sont admirables, les deux guitaristes se répondent, croisent le fer comme rarement ça a été entendu. Sur la version DeLuxe, juste après ce morceau, et en fait, totalement collé à ce morceau, se trouvent les 33 minutes de Mountain Jam, qui fut jouée directement après en concert, soit presque une heure de musique non stop, en deux titres ! L'écoute de la version DeLuxe, à cause de ça, en est quelque peu difficile, il le faut vraiment, écouter 56 minutes d'affilée de soli blues-rock ! Achevant l'album vinyle initial, Whipping Post est un pur bonheur pour fans du genre (mais les non-fans trouveront sans aucun doute ça trop long) ! 

A l'arrivée, on l'aura compris, on tient, avec At Fillmore East, enregistré au fameux Fillmore East de New York en l'espace d'une poignée de concerts, un des meilleurs albums live au monde. 7 magistrales interprétations, que ce soit des reprises ou des originaux, des chansons ou des instrumentaux. Quand on pense que Duane Allman périra dans un stupide accident de moto quelques mois (ou semaines) plus tard, et que Berry Oakley, un an après environ, subira le même tragique sort...L'Âge d'Or du Allman Brothers Band est là, sur ce live. Pour toujours.