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Nouveau Track-by-track, et un de mes albums préférés au monde, et je pèse mes mots, croyez-moi. C'est aussi mon grand préféré de Steely Dan (et leur cinquième album studio, et le deuxième album du groupe abordé dans la catégorie), et il date de 1976. Sorti sous une pochette que le groupe (Walter Becker : basse, guitare ; Donald Fagen : chant, claviers ; ces deux-là forment, depuis 1975, Steely Dan à eux seuls) juge immonde, mais que personnellement j'adore, l'album dure 41 minutes, offre 9 titres, et s'appelle The Royal Scam. C'est leur meilleur, qu'on se le dise ! Allez, on commence :

Kid Charlemagne : Un pur bonheur en guise d'ouverture. Kid Charlemagne, avec son intro grandiose et ses immenses soli de guitare de Larry Carlton (dans le genre 'complexe et chatoyant', on fera difficilement mieux que sur ce morceau), est une des plus grandes chansons et de l'album, et du groupe, et, tout simplement, des années 70. Il semblerait que la chanson parle, en tout cas vers la fin, d'un certain Oswald Stanley, un homme très connu (surtout du FBI et des hippies) dans les années 60, car un des rares producteurs de LSD, un fournisseur pour pas mal de groupes, de célébrités. Que la chanson parle ou non de lui, elle est tout simplement phénoménale. One saurait vivre sans la connaître et l'apprécier.

The Caves Of Altamira : Avec son titre en allusion caustique à l'univers d'H.P. Lovecraft (du moins, ça m'a toujours semblé être en rapport), cette chanson est la plus courte du disque, 3,33 minutes seulement, mais elle n'en demeure pas moins une réussite, dans le registre jazzy, avec cuivres en pagaille, refrain fédérateur, Donald Fagen en très grande forme (comme pour le reste du disque, de toute façon), ambiance admirable, paroles cryptiques et cyniques... Le Dan en grande forme, rien d'autre à dire ! J'adore !

Don't Take Me Alive : Nettement plus rock, avec, encore une fois, un régal auditif de tous les instants. Refrain parfait (I'm a bookkeeper son/I don't want to shoot no one/Well I crossed my old man back in Oregon, don't take me alive). La chanson semble parler d'un homme prenant en otage des gens, et s'étant barricadé, avec armes, dynamite, cerné par la police et refusant de se rendre, refusant de se laisser prendre vivant. Très rock, avec de beaux riffs, la chanson n'en demeure pas moins jazzy, et c'est une vraie splendeur. Une de plus !

Sign In Stranger : Excellente chanson assez jazzy (encore ! Hé oui, The Royal Scam est jazzy, mais les albums suivants du Dan le seront encore plus), qui contient quelques paroles en français (si peu, si peu...) et une ambiance assez particulière. J'ai toujours pensé, allez savoir pourquoi, au Festin Nu de Burroughs (d'ailleurs, le nom du groupe est issu de ce roman, dans lequel il désigne un...gode). Je ne sais pas pourquoi, mais une ridicule, une stupide association d'idée fait que, désormais, c'est dans ma tête ! Pas ma préférée de l'album, mais franchement, une excellente chanson.

The Fez : Petit délire sexuel (No I never do it without the fez on, oh no : 'non, je ne le ferai jamais sans avoir enfilé mon fez', le fez étant ici une image pour capote, évidemment), très jazzy et même limite lounge, avec pas mal de claviers, une ambiance indescriptible. Cette chanson achevant la face A est un pur bonheur, mais elle divise aussi les fans, entre les amateurs de la chanson et ceux qui estiment qu'elle est la moins bonne de l'album. Pour ma part, c'est une de mes préférées !

Green Earrings : La face B s'ouvrait sur une petite partition de claviers. Green Earrings, morceau admirable, est une autre réussite dans le registre de The Fez. Pas grand chose à dire, si ce n'est que c'est groovy, réussi de bout en bout ; une chanson entraînante, cynique, jouissive, avec une mélodie entêtante, vraiment entêtante. Parfait ! Mais ce n'est pas une de mes préférées ici, même si je l'aime vraiment beaucoup.

Haïtian Divorce : Presque 6 minutes pour une pure merveille, rythmique légèrement reggae, tout en étant très pop/jazz, et Fagen qui nous raconte une histoire d'amour qui, sous le soleil d'Haïti, se finit mal, par un divorce. Une des meilleures utilisations de pédale wah-wah de l'histoire du rock, une chanson à l'ambiance tout simplement majestueuse, à la fois chatoyante et un peu sinistre. Une des meilleures de l'album (pour pas mal de fans, le sommet de l'album, en fait ; mais je préfère Kid Charlemagne, personnellement) !

Everything You Did : Deuxième chanson la plus courte du disque, avec juste moins de 4 minutes, à 5 secondes près. Pendant un temps, ce fut la seule chanson de l'album qui ne me plaisait pas, mais j'ai fini par m'y faire, et aujourd'hui, je l'adore comme les 8 autres (même si, dans le cas où je devais classer les 9 chansons par ordre de préférence, elle serait neuvième). Avec son allusion caustique envers les Eagles (Turn up the Eagles, the neighbors are listening) - l'album est sorti l'année du Hotel California des Eagles, immense succès qui a fait de 1976 l'année Eagles, lesquels ont répondu à la pique de Steely Dan, sur la chanson Hotel California, par la phrase they stabbed it with their steely knives - , cette chanson est un petit régal pop/jazz, certes classique, mais tout de même superbement bien foutu.

The Royal Scam : Chanson imparable qui, avec 6,30 minutes au compteur, est la plus longue de l'album. The Royal Scam, pur bonheur jazzy avec choristes en forme et rythmique parfaite, est une chanson très cynique qui, il me semble, parle d'immigrés portoricains qui débarquent aux USA pour y trouver la richesse et une meilleure vie, mais ne seront pas, au final, gagnants, on s'en doute. See the glory of the royal scam. A noter que le titre de la chanson et de l'album signifie, à peu près, 'l'arnaque royale'. Autrement dit, le rêve américain n'est que de la poudre aux yeux, mais ça, on a fini par le savoir, avec tout ce temps ! Une immense chanson, un immense album.

En résumé, on a ici un disque, donc, parfait : aucune mauvaise chanson, aucune n'est moyenne aussi. Pire : le disque est même trop court, on aurait vraiment aimé des durées plus longues pour certaines des chansons (seules deux font plus de 5 minutes, les autres sont dans la tranche 4 minutes/4,40 minutes) ! Dans l'ensemble, un album très cynique, aussi, le plus cynique d'un groupe très cynique dans l'ensemble (c'est dire !), un disque rempli de paroles parfois cryptiques, mais ô combien remarquables, et musicalement, c'est Byzance, avec des guests fabuleux tels Larry Carlton, Victor Feldman, Chuck Rainey, Denny Dias (ancien du groupe quand Steely Dan en était encore un vrai) ou Rick Marotta, et ne parlons pas des choristes ! Bref, vous l'avez compris, cet album est GRANDIOSE !