Pour ce nouveau Track-by-track, mon album préféré de Genesis, j'ai nommé Wind & Wuthering, sorti en 1977, et deuxième album du groupe avec Phil Collins au chant. C'est aussi le dernier album studio avec le guitariste Steve Hackett, qui partira peu après. Le groupe sera réduit à trois membres (Tony Banks - claviers - et Mike Rutherford - guitare et basse -, n'oubluons pas, évidemment Phil Collins au chant et à la batterie) dès l'album suivant, qui marquera aussi les débuts de leur période pop. En attendant, sous sa pochette glaciale et hivernale (et sublime) et son titre en allusion au roman Les Hauts De Hurle-Vent d'Emily Brontë (Wuthering Heights en anglais), Wind & Wuthering est le pendant hivernal du précédent album, A Trick Of The Tail (qui en est son pendant ensoleillé, estival, rien que par sa pochette, en fait).
Eleventh Earl Of Mar : Magnifique (et longue : 7 minutes, mais ce n'est pas la plus longue de l'album) chanson qui raconte l'histoire, narrée à un enfant par son père, du Onzième Comte de Mar (traduction du titre), qui a apparemment eu une vie mouvementée. On imagine la scène, l'enfant allongé dans son lit, les yeux ensuqués de sommeil, et demandant la suite de l'histoire à son père assis sur le rebord du lit... Je ne sais pas si ce onzième Comte de Mar a existé, mais en tout cas, cette chanson est remarquable, bien dans le style de l'album !
One For The Vine : 10 minutes tout rond, pas une seconde de plus ou de moins, pour le morceau le plus long de l'album, et aussi un des plus exceptionnels, non seulement de l'album, mais aussi et surtout de Genesis tout court. Vous vous souvenez, amateurs de Genesis ou de rock progressif, de The Knife, longue pièce finale de l'album Trespass de 1970 ? La chanson, violente, parlait d'un seigneur qui envoyait ses soldats à la guerre, ordonnant le massacre, demandant à ses hommes se donner leurs vies pour son royaume. One For The Vine, c'est un peu un remake, ou une suite, à The Knife, mais en version calme. Ici, on suit un homme qui envoie ses soldats à la mort, au combat, tout en y allant aussi (le passage Follow me est éloquent). Pas de violence ici (ou alors certaines envolées de claviers de Banks, très présent sur le disque), mais une profonde mélancolie. Ce morceau me laisse toujours assez sous le choc, émotionnellement parlant...
Your Own Special Way : Premier vrai slow, si on peut dire, de Genesis, ce Your Own Special Way magnifique, mais au final assez mal aimé des fans. Il faut dire, et c'est vrai, que le morceau fait un peu soupasse commerciale, même si on n'en est pas encore à faire des chansons telles que Follow You Follow Me (ça, ça sera un an plus tard...) ou Throwing It All Away (ceci dit, j'aime cette dernière, de 1986). Avec 6 minutes, le morceau est sans doute un poil trop long, mais on ne saurait nier que Phil y chante superbement bien, et que le morceau, n'en déplaise à certains, est joli, musicalement parlant.
Wot Gorilla ? : Un instrumental assez amusant (enfin...) achevant la face A. Le titre est loufoque ('Quel gorille ?'), et s'explique par une anecdote rigolote et connue des fanatiques et de Genesis, et de Frank Zappa. En 1975, Zappa sort One Size Fits All, album sur lequel Chester Thompson, batteur, joue, et est crédité, aussi, en tant que 'victime du gorille' (on reconnaît là le sens de l'humour bien tapé de Zappa). Or, Thompson, dès 1977, sera aussi le batteur de Genesis pour leurs concerts, et il le restera définitivement, travaillant aussi avec Phil Collins solo en live. Le groupe a sûrement du se demander pourquoi leur batteur de concert était crédité ainsi sur l'album de Zappa, et a répondu en nommant cet instrumental Wot Gorilla ?. A noter, Thompson ne joue sur aucun album studio de Genesis. Musicalement, ce n'est pas le meilleur morceau de l'album (trop de claviers, sans doute, pour une fois), mais c'est quand même sympa. Redondant, mais sympa.
All In A Mouse's Night : Petite (enfin, petite...pas par la durée, car elle dure presque 7 minutes !) chanson sur les (mes)aventures nocturnes d'une petite souris, perturbée par un chat qui aimerait bien se la farcir. Arrivera-t-il à se la taper, arrivera-t-il pas ? Pour le savoir, écoutez le morceau ! Un morceau qui aurait pu se trouver sur un album de la période Peter Gabriel, sans doute le morceau le plus proche, sur l'album, des anciens albums. Probablement aussi le morceau qui me plaît le moins, mais tout est relatif, je n'ai jamais dit qu'il était raté, bien au contraire. Le final n'énerve un petit peu...
Blood On The Rooftops : Là, par contre, c'est le sommet absolu, presque 6 minutes de bonheur, très mélancoliques, sombres, tristes, mais ô combien admirables. Une chanson quasiment engagée, on y parle politique, chose assez rare pour Genesis. Phil Collins a rarement aussi bien chanté qu'ici (sauf sur Heathaze de 1980, Entangled, Dance On A Volcano et, dans l'ensemble, tout le disque précédent). Je ne vois rien d'autre à dire, si ce n'est que c'est le sommet de l'album. Grandiose, à filer le frisson !
'Unquiet Slumbers For The Sleepers... : Magnifique, mais court (2 minutes et des poussières) instrumental dont le titre, et celui de l'instrumental suivant, forment la dernière phrase du roman Les Hauts De Hurle-Vent d'Emily Brontë, autre allusion au roman avec le titre de l'album. Cette première partie du triptyque final est à l'image de la pochette de Wind & Wuthering, à savoir hivernale, venteuse, froide, glaciale. On entend un mellotron, on entend du vent, on a l'impression d'être sur la pochette, un sentiment de désolation et, en même temps, d'apaisement, car ce morceau n'est pas oppressant pour un sou. On sent, quand même, qu'il va y avoir du mouvement, bientôt, comme une tension latente, prête à exploser...
...In That Quiet Earth' : Et justement, dès les premières secondes de ...In That Quiet Earth', seconde partie du triptyque et dernier instrumental de l'album, la tension se relâche : roulement de batterie... Et ça explose. Pas du metal, hein, évidemment... Mais entre la guitare de Hackett et les ruades de batterie de Collins (un grand batteur, qu'on se le dise !), cet instrumental de presque 5 minutes est un grand moment d'énergie. Un des meilleurs instrumentaux que je connaisse, personnellement !
Afterglow : Enfin, le final, apaisant, apaisé, doux et, également, chanté. Afterglow, qui a souvent été joué live (mon bonheur, de l'entendre au Parc des Princes, en juin 2007...), est la conclusion admirable non seulement du triptyque final, mais de l'album, tout simplement. Une manière élégante de prendre congé des auditeurs, avec mélancolie (le morceau est assez mélancolique) et douceur. On n'a qu'une seule envie, une fois les 4 minutes achevées : remettre ça ! Et c'est reparti pour 50 minutes de bonheur, donc !
En résumé, on a donc un disque admirable, assez complexe et froid, mais parfait, rempli de grands morceaux, qu'ils soient instrumentaux ou chantés. Grande participation de Tony Banks ici, certains trouvent même qu'il est un poil trop présent sur l'album. Mais, tout du long de ses 50 minutes, l'album n'a, selon moi, aucun défaut. Un grand disque de rock progressif !