Attention, chef d'oeuvre (comme souvent pour la cétégorie Track-by-track, en même temps), j'ai nommé Bleu Pétrole, dernier album studio d'Alain Bashung, sorti en 2008, un petit an environ avant la mort, des suites d'un putain de crabe, du chanteur. L'album, qui recevra plusieurs Victoires de la Musique, est un des meilleurs de Bashung, et ce n'est pas parce que c'est son ultime que je dis ça ! Il a été écrit et composé principalement par Gaëtan Roussel, qui joue dessus, mais aussi par Arman Méliès, Joseph D'Anvers, Gérard Manset et Bashung lui-même, même si Bashung est plus interprète qu'auteur ici, tout compte fait. Le disque a été enregistré avec Marc Ribot, Simon Edwards, Martyn Barker, Mark Plati...
Je T'Ai Manqué : Ca démarre direct, la voix du Bash' disant Je t'ai manqué/Pourquoi tu me visais ?, et belles envolées de guitare. Un morceau très country/folk, qui ouvre à merveille l'album. Les paroles sont juste sublimes, le refrain assure, rarement la voix de Bashung aura été aussi posée, aussi marquante, sauf peut-être sur La Nuit Je Mens ou Madame Rêve. Cette chanson, comme beaucoup d'autres sur Bleu Pétrole, c'est du pur caviar.
Résidents De La République : A l'écoute des paroles (signées Roussel, comme la musique) de cette chanson sortie en single promotionnel en 2008 (avant, donc, la mort de Bashung, et avant même qu'on apprenne sa putain de maladie), on sent comme un malaise, une prémonition. Si Bashung savait, au moment où Roussel a composé cette chanson admirable mais trop courte (3 minutes), qu'il était condamné, et qu'il en a parlé à Roussel, alors OK (même si ça m'étonnerait franchement beaucoup). Sinon, c'est une grosse coïncidence, ce Un jour, je parlerais moins/Jusqu'au jour où je ne parlerai plus, non ? Musicalement, c'est Byzance, mélange entre country/folk et lyrique, avec orchestre de cordes. Les paroles sont excellentes. La chanson est juste superbe, une des meilleures de l'album, qui n'est pas avare en classiques de cet acabit, de toute façon.
Tant De Nuits : Mon ange, je t'ai haï... La voix de Bashung, sur ce titre, est juste tuante. Si ce n'est pas ma préférée de l'album, Tant De Nuits est une chanson, quand même, franchement excellente, encore une fois très soignée, avec textes parfaits (signés Joseph D'Anvers, et musique signée Arman Méliès et Bashung, une des trois chansons, avec Je Tuerai La Pianiste et Le Secret Des Banquises, bénéficiant de la participation active de Bashung à la composition) et, musicalement, une pure merveille. On ne s'en lasse pas.
Hier A Sousse : Alors là...alors là, je vais être clair, franc, honnête, brut : Hier A Sousse est ma préférée de l'album. Voilà. Rien que ça. Musique un petit peu industrielle/électro, très rock (ce morceau, s'il avait été interprété par Roussel, qui l'a écrit et composé, aurait pu se trouver, deux ans plus tard, sur son Ginger), et textes saccadés, avec jeux de mots à la Bergman (A nous Paris, A nous Delhi) et final dantesque, montée en puissance admirable...En fait, je ne sais pas quoi dire face à ce titre trop court (moins de 4 minutes). C'est un morceau qui, dès la première écoute, s'est immédiatement placé en bonne position dans mon Top 5 des chansons que je préfère de Bashung, et il y est resté. Et il y restera longtemps. J'ai pu lire parfois que cette chanson n'était pas spécialement adorée. Je ne pige pas pourquoi !
Vénus : Ecrite par Manset et Arman Méliès, cette chanson aurait pu se trouver sur L'Imprudence, le très symphonique, sombre et complexe précédent album de Bashung. J'ai commencé par ne pas l'aimer, ce Vénus assez sombre et lent, déclamé plus que chanté par un Bashung cependant très inspiré. Ode à la déesse, à la planète aussi et surtout, cette chanson rythmée par un orchestre de cordes est un des OVNIS de l'album, une des réussites les plus éclatantes de Bleu Pétrole, mais il faut le temps de l'écouter, la patience aussi. Première à éclairer la nuit...
Comme Un Légo : Là, on touche au sublime. Tu rentres dans le légendaire, comme Bashung le chantait dans Volontaire (1982). 9 minutes incroyables, en spoken-word quasiment (comme Vénus), entièrement signées de la main d'un Gérard Manset décidement très inspiré, Comme Un Légo est une chanson juste immense, malgré un titre assez bof. Inutile de trop en parler, il suffit d'écouter et l'évidence se fait, ce titre est grandiose. Le pivot central de l'album, et en plus, il est pile poil au centre, 6ème titre sur 11. Oui, c'est fait exprès. Je sais. Mais, hé. N'empêche.
Sur Un Trapèze : Sortie en single, passée à la TV (en clip), mais après la mort de Bashung, cette chanson est juste magnifique. Une sorte de répit folk après les 9 minutes intenses de Comme Un Légo ! Certaines tournures de phrases me font penser au style de La Nuit Je Mens, la voix, elle, enfin la manière de déclamer le texte (de Roussel), fait penser à Résidents De La République. Dans l'ensemble, Sur Un Trapèze est, encore une fois, une grande chanson.
Je Tuerai La Pianiste : Etonnante chanson écrite par Manset, Roussel et Bashung (textes de Manset). Malgré des paroles un peu limite parfois (Je suis un Indien, je suis un Apache, ça le fait moyennement), Je Tuerai La Pianiste, c'est 6 minutes incroyables, assez violentes (les paroles, bien amères), une des meilleures de l'album, même si ce n'est pas une de mes préférées. Mais c'est, je le reconnais, parfait !
Suzanne : En tant que tel, Suzanne n'est pas mauvaise. Mais il faut bien avouer que cette reprise, adaptée en français par Graeme Allwright, est la chanson la moins réussie et intéressante de Bleu Pétrole. C'est, comme je viens de le dire, une adaptation en français de Suzanne, laquelle est, à la base, une chanson de Leonard Cohen, comme chacun le sait (enfin, les plus anciens et les amateurs de folk, car Cohen n'est pas/plus écouté des plus jeunes, hélas). A la base, ce n'est pas ma chanson préférée de Cohen, en plus. Bon, Bashung la chante bien, mais on sent que ce n'est pas forcément sa came. On s'emmerde un petit peu, quoi !
Le Secret Des Banquises : Excellente, mais étrange chanson ; le genre de chanson qui, une fois l'album écouté, ne reste pas forcément en mémoire, et ce, bien qu'elle fasse partie des dernières écoutées (car placée en fin d'album). Mais Le Secret Des Banquises bénéficie de superbes paroles, et est, dans l'ensemble, une très belle chanson. De toute façon, la seule déception de l'album réside dans le morceau précédent...
Il Voyage En Solitaire : Magnifique, intense reprise d'une des plus belles chansons de l'histoire de la chanson française, signée Gérard Manset. Bashung la chante-t-il mieux que Manset, la question est un peu stupide, les deux versions étant bien distinctes ; mais cette version de Il Voyage En Solitaire, n'empêche, et surtout en tant que bouquet final de l'album (lequel est, mais Bashung ne le savait pas à l'époque, son bouquet final à lui), est juste immense.
Pour finir, ce Bleu Pétrole au titre étrange est donc une fantastique livraison de la part de Bashung, son meilleur album depuis Fantaisie Militaire, et je le préfère même à l'album mythique de 1998 que je viens de citer, c'est dire ! AA la fois chanson française et folk, avec des notes légèrement country parfois, ce disque n'est, de plus, pas trop long. Il n'est pas à 100% parfait (Suzanne), mais on ne saurait s'en passer, ou l'ignorer plus longtemps si on ne l'a pas encore écouté !