Attention, gros délire. Ou plutôt, grand album insensé ! Double album (toujours en CD) sorti en 1972, entièrement composé par Vangelis Papathanassiou (le vrai nom de celui qui se fera par la suite uniquement appeler Vangelis) et écrit par Costas Ferris, 666 est le dernier album des Aphrodite's Child, groupe de pop grec qui a accueilli en son sein Vangelis (claviers) et Demis Roussos (basse, chant), pour les deux membres les plus connus (Costas Ferris, auteur des textes, n'était pas du groupe). L'album, inclassable, en grande partie instrumental, très hétéroclite, est conceptuel, et se base sur le 13ème et dernier livre de la Bible, l'Apocalypse. Il a été enregistré à Paris, par un groupe en perpétuelle crise, qui ne se parlait plus mais a trouvé la force de faire ce disque avant l'implosion (le groupe se séparera après). C'est, avant tout, l'oeuvre de Vangelis, mais c'est aussi une oeuvre commune des Childs, et un des plus grands disques de rock progressif au monde. Allez, hop, on commence, car ça va prendre du temps (24 titres !) :
CD 1 :
The Sytem : 23 secondes de délire vocal, on entend le groupe dire, assez rapidement, en boucle, We want the system to fuck the system. Certains diront que ça n'a aucun intérêt...Musicalement, c'est sûr, car il n'y à pas de mélodie ici. Mais bon, ces 23 secondes ouvrent juste le bal, dirons-nous. Oui, sans intérêt, mais marrant !
Babylon : Intro assez réussie, qui m'a toujours fait penser aux Who, personnellement, et une des preuves que Demis Roussos, non seulement sait bien chanter (il chante, au final, peu sur l'album), mais qu'il était aussi un très très bon bassiste. Babylon est un morceau qui, il me semble, sortira en single, et marchera assez bien. C'est un peu trop 'rock de stade', mais c'est très sympathique. Le riff de guitare, en final, fait quand même vachement caricature de rock de stade !
Loud, Loud, Loud : Une déclamation, il y en à beaucoup sur le disque. La majorité d'entre elles sont faites par un Anglais du nom de John Forst, mais pas là. Là, si je ne me trompe pas, c'est l'enfant d'un diplomate (c'est indiqué tel quel sur un site anglophone consacré à Vangelis et à ce disque), qui déclame un texte assez apocalyptique, d'une voix aussi atone que possible. Le groupe, derrière, pousse de lointains choeurs, répétant le titre du morceau. Court, étrange, pas du tout mauvais !
The Four Horsemen : Rien à voir, évidemment, avec la chanson du même nom que, 11 ans plus tard, feront les p'tits teigneux de Metallica. The Four Horsemen, interprétée par Roussos, est une des meilleures de l'album, un bonheur de...hard-rock (hé oui, c'est assez efficace, pas violent, mais rythmé, avec un excellent solo de guitare en final). Les paroles sont remarquables, sur les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, ceux qui brandissent une épée, une balance, un arc, ou le fléau de la peste. Biblique, donc, comme l'album, mais je pense que ça, vous l'avez bien pigé ! Remarquable, en un mot, cette chanson.
The Lamb : Instrumental très psychédélique et folklorique, avec ambiance très Katmandou par moments, et très grec dans d'autres... C'est excellent, mais il faut aimer, c'est aussi très spécial ! Pas grand chose à dire, si ce n'est que, musicalement, c'est réussi.
The Seventh Seal : Court (moins de 2 minutes), ce morceau achevait la première face avec talent. D'abord instrumental, avec ambiance très grecque (ou hippie, au choix !), il se poursuit par une déclamation, spoken-word, la première de l'album à être signée John Forst. Le texte, biblique, qui sera repris dans le morceau suivant, est à faire frémir. Magnifique !
Aegian Sea : Magnifique morceau, ce Aegian Sea, idéal, avec ses 5 minutes, pour ouvrir la face B. C'est une réussite absolue dans le registre du pur progressif, un peu ambient. Le texte déjà utilisé dans The Seventh Seal revient, déclamé par une voix assez glauque et déformée, l'effet est saisissant, tout simplement saisissant. Su-blimissime solo de guitare, très floydien, pour parachever le tout. Un des joyaux bruts de 666.
Seven Bowls : Un texte flippant, glauque, sur l'avênement du Mal sur Terre (l'eau se transforme en sang, l'air devient poison, etc). C'est court, sombre, déclamé par un choeur distant ; encore une fois, effet garanti, ça fout la chair de poule, et avec trois fois rien !
The Wakening Beast : Une petite minute instrumentale, assez sombre, qui se passe de commentaire, car c'est typiquement le genre de morceau indescriptible, ni réussi ni mauvais. Séparé de l'album, c'est sans intérêt. Dans l'ensemble, ça prend son sens.
Lament : Un texte déclamé par Demis Roussos, qui le chante façon muezzin. Attention, on l'entend au loin, difficilement ; le morceau est assez silencieux dans l'ensemble, difficile de le distinguer du précédent, en fait. C'est très réussi, mais à écouter attentivement, et fort.
The Marching Beast : Excellent instrumental faisant débuter la phase finale du premier disque : de courts instrumentaux qui, séparément, ne vont nulle part (mais, pris ensemble, forment un tout très réussi et efficace). Ambiance très psyché et folklorique ici.
The Battle Of The Locusts : D'emblée, une voix annonce le titre du morceau. Ensuite, c'est une minute de feedback de guitare, ça passe très vite...
Do It : D'emblée, une vois annonce le titre du morceau (et on l'entend encore, par la suite, durant les 1,44 minutes de cet instrumental, redire Do It). Encore un bel instrumental qui, séparé des autres morceaux, ne va nulle part. Ca fait partie de l'ensemble 666, tout simplement !
Tribulation : 32 secondes instrumentales purement jazzy. C'est excellent, mais, je me répête mais qu'importe, ça ne va nulle part si on l'écoute séparément de l'ensemble. Comme la quasi totalité del 'album, en tout cas de cette face B très réussie, mais aussi très spéciale.
The Beast : Hum. Le morceau qui ne me plaît pas sur 666. Chanté par Lucas Sideras (batteur), c'est une chanson pop assez rigolote (dans un sens), mais surtout, ridicule. Les Who can fight the beast ? suivis de She's big she's baaad... sont juste insupportables. Oui, The Beast est à chier. Il fallait bien au moins un titre à chier sur le disque, non ?
Ofis : 14 secondes de délire théâtral en grec, déclamé par un acteur grec de théâtre (je ne cite pas son nom, ça ne servirait à rien). Pas de musique, juste le texte, dit d'une voix outrageusement solennelle, et qui signifie, à peu près, un exorcisme sur un serpent (j'ai lu, une fois, une traduction anglaise du texte). C'est totalement inclassablen, ça passe très vite, mais c'est aussi et surtout hilarant (les cris de fin). Zarbi, quoi ! Perso, j'adore !
CD 2 :
Seven Trumpets : 35 secondes en spoken-word annonçant les sept trompettes de l'Apocalypse. Le texte est excellent, et le morceau, en fait, sert juste à introduire le disque 2 ! Musicalement, il n'y à rien, que de la voix.
Altamont : Morceau d'apparence assez jazzy et rock, au titre étonnant, car Altamont est le lieu du fameux concert des Stones, en 1969, au cours duquel des Hell's Angels chargés de la sécurité tuèrent par arme blanche un spectateur de couleur, et ce, quasiment devant des caméras qui filmaient le show (et devant la scène). Un nom assez obscur, donc, mais le placer dans un album sur l'Apocalypse biblique est étonnant. La chanson est assez efficace, même si les vocalises du chanteur sont, à la longue, saoûlantes.
The Wedding Of The Lamb : Un instrumental assez folklorique, achevé par une voix disant That was The Wedding Of The Lamb. La même voix annoncera le morceau suivant par la suite. Dans l'ensemble, ce titre est très réussi, on s'imagine vraiment dans un mariage à la méditérannéenne, avec musique folklo, percussions...C'est pas mal du tout !
The Capture Of The Beast : Now comes The Capture Of The Beast, telle est l'intro de ce morceau qui est donc la suite du précédent. Pas mal de percussions ici, pour un instrumental qui, tout comme les précédents, ne sert à rien si on l'écoute séparément de l'album. Musicalement, c'est excellent. Mais particulier, comme l'album !
∞ (infinity symbol) : Insensé. Incroyable. 5 minutes tirées d'une prise de 39 minutes (bonjour les coupes !), un morceau instrumental constitué de percussions et surtout, surtout, de la voix de l'actrice Irène Pappas, qui te vous pousse de ces hurlements et gémissements orgiaques, orgasmiques, à vous faire bander un escargot. Le morceau, sans titre (le symbole, celui de l'infini, est le titre), symbolise un exorcisme. A la fois flippant et excitant, il fera scandale, et il est déconseillé de l'écouter fort, chez vous, surtout si vous êtes en appartement ; faut de quoi, la brigade des moeurs passeront vous faire un petit bonjour, alertée par les voisins. Le mantra que l'actrice répète, I am, I was, I am to come I was, est inoubliable, comme le morceau en lui-même. ∞ est vraiment un truc de fou !
Hic And Nunc : Très pop, cette chanson interprétée par Roussos fait un peu penser à une de ces ritournelles hippies à la Hair. Les choeurs ressemblent à un chant de foule dans un stade, ça fait assez kitsch, mais bon, c'est aussi assez sympathique, on ne dira pas le contraire, et Roussos chante très bien !
All The Seats Were Occupied : 19 minutes ouvrant la face D, un instrumental remarquable mais également totalement frappé, car il ne s'agit, en fait, que d'une sorte de gigantesque medley de l'ensemble de 666. On y entend des bribes de ∞, de The Four Horsemen, d'Altamont, on y entend Ofis en intégralité au moins deux fois... Le titre, que l'on entend vers la fin, est issu d'une émission de la BBC, pour l'anecdote. C'est un medley qui résume tout le double album en 19 minutes, assez original et efficace. Mais long, aussi !
Break : Chanté par Lucas Sideras, c'est une merveille qui sortira en single (face B de Babylon, je crois), une chanson pop qui s'achève par un Do It ! retentissant et n'est minée que par des doubidoubidou vocaux de Vangelis, qui vient quelque peu parasiter le morceau. Sinon, c'est joli comme tout, assez mélancolique, ça sert à conclure le disque, et c'est une bien jolie conclusion.
Au final, on tient donc, avec 666, un pur bonheur pour amateur de musiques inclassables. Vrai bordel sonore mélangeant rock, pop, progressif, spoken-word, musiques folkloriques, jazz, expérimentations et ambient, l'album est riche en ambiances, en classiques, même s'il faut plusieurs écoutes pour s'y faire. Pour moi, clairement, ce disque est un chef d'oeuvre absolu, qui plus est scandaleusement oublié et sous-estimé !