Pour ce nouveau Track-by-track, place à Patti Smith, une des plus grandes voix de l'histoire du rock, une poétesse punk (enfin, proto-punk) ayant livré quelques albums légendaires. Celui que je vais aborder date de 1978 et est son troisième, Easter, une pure merveille, une réussite absolue qui est indéniablement mon grand préféré d'elle (Horses, son premier album, est aussi bon, mais je préfère Easter de peu). Allez hop, on y va ! :
Till Victory : Court (moins de 3 minutes) et très énergique morceau d'ouverture, sur lequel Patti Smith est en ultra grande forme. La chanson a quelque chose de victorieux, justement, comme son titre ('jusqu'à la victoire') le proclame fièrement en étendard. Sans doute la voix de Patti, ou les choeurs dans les refrains... En tout cas, un morceau qui met la patate d'enfer, et qui a totalement sa place en tant que morceau d'ouverture ; on ne saurait l'imaginer ailleurs sur le disque, pour tout dire !
Space Monkeys : J'ignore pourquoi Richard Sohl, pianiste du Patti Smith Group sur les deux premiers albums (Horses et Radio Ethiopia) et sur les suivants (Wave...), ne joue pas sur Easter, étant remplacé par Bruce Brody...enfin, sauf sur ce titre, Space Monkey, sur lequel, avec Allen Lanier du Blue Öyster Cult (ancien amant de Patti), il tient les claviers en guest-star ! Une chanson plus lente que la précédente, plus longue aussi, et se finissant sur des cris (des rires, on dirait) de singes. La chanson a beau être plus lente que la précédente (et que certaines des suivantes !), elle demeure très rock dans son genre, et c'est aussi une totale réussite. Patti est en forme, encore une fois !
Because The Night : Que dire ? Co-écrite par Patti et Bruce Springsteen (qui, de son côté, l'interprètera très souvent en live, et magnifiquement bien à chaque fois - il n'a, en revanche, jamais enregistré cette chanson en studio pour un de ses albums), Because The Night, en plus d'être un immense tube (ne me dites pas que vous ne l'avez jamais entendu, vous mentirez (ou alors, vous êtes très jeunes) ! Cette chanson est vraiment connue !) et d'avoir propulsé l'album dans les charts, est une féérie musicale inoubliable. Là, les mots me manquent. Inutile que je vous dise, donc, que cette chanson hélas trop courte (3,30 minutes) est ma préférée de l'album, non ? Non, il est en effet inutile que je le précise. Ah merde, je l'ai fait.
Ghost Dance : Après Birdland sur Horses, après Radio Ethiopia/Abyssinia sur Radio Ethiopia, Ghost Dance est le moment poétique et chamanique sur Easter. Passage apparemment obligé, mais on ne s'en serait passé pour rien au monde, tant il est magnifique. De la voix langoureuse de Patti aux paroles (We shall live again, we shall live again en mantra repris par le groupe), cette chanson est juste admirable. Lente, certes, mais hypnotique. A noter, la ghost dance (dont le titre inspirera les Simple Minds pour leur Ghostdancing de 1985) est un mouvement religieux des Indiens d'Amérique du Nord. Beaucoup d'allusions aux religions dans l'album, rien que son titre (la fête de Pâques en anglais) est éloquent.
Babelogue : Un monologue enregistré live en concert, politiquement engagé (I haven't fucked much with the past, but I've fucked plenty with the future...In heart I am Moslem, in heart I'm an American artist, and I have no guilt. I seek pleasure), accompagné, vers le milieu (le morceau est très court, 1,30 minute) par le Group, et servant à introduire le morceau suivant, tout simplement. Un grand moment intense, qui n'a cependant peu d'intérêt si on l'écoute séparé de...
Rock'n'Roll Nigger : Immense. Une chanson teigneuse, engagée politiquement contre le racisme et l'exclusion (Outside of society, they're waiting for me/Outside of society, That's where I wanna be). Lenny Kaye interprète le premier couplet, à la suite de Patti, une fois le premier refrain effectué (on entend Patti dire Lenny ! comme pour l'encourager). Le morceau est, je pense, interprété live, même si aucun applaudissement n'est audible. C'est, en tout cas, une chargé féroce et bien rock, virulente, violente, qui montre toute l'étendue du talent et de l'engagement de Patti Smith (Jimi Hendrix was a nigger/Jesus-Christ and GrandMa too). La face A ne pouvait mieux s'achever qu'avec Rock'n'Roll Nigger.
Privilege (Set Me Free) : En partie basé par le Psaume 23 de la Bible et par le scandaleux film Privilège de Peter Watkins (film anti-religieux qui, en 1967, sera retiré des écrans rapidement après sa sortie, et qui choquera pas mal), ce titre efficace qu'est Privilege (Set Me Free), s'achevant en fanfare par Patti et Ivan Kral hurlant Set me free !, est le morceau qui ouvrait, avec force, la face B de l'album. Le morceau est d'autant plus jouissif dans son final qu'il est on ne peut plus calme dans son intro. Une belle montée en puissance qui est un de mes chouchous de l'album, et de Patti Smith tout court.
We Three : Une petite douceur absolue, piano et chant principalement, le genre de chanson qui rend immédiatement accro celui ou celle qui l'écoute. En strict terme de mélodie, We Three est probablement, avec Because The Night, la plus belle de tout Easter. L'album est principalement très rock, ce que n'est pas We Three, donc on peut dire sans se tromper qu'elle détonne un peu dans l'ensemble, mais ce n'est pas un mal, bien au contraire. La chanson est franchement magnifique, une des plus belles de Patti, qui n'a quasiment jamais aussi bien chanté qu'ici.
25th Floor : Un riff tueur et des choeurs très réussis (signés Kral et Kaye, je présume) ouvrent ce 25th Floor remarquable, chanson bien rock et teigneuse, poursuivie sur le disque par High On Rebellion, qui a malheureusement été séparée du morceau, placée sur une autre plage audio (la suivante, évidemment), comme je le dis plus bas. Mais revenons à 25th Floor, juste pour dire que ce morceau est saignant comme il faut, rempli de riffs efficaces, et qu'il s'impose comme une des meilleures chansons de ce si remarquable album !
High On Rebellion : Rien de moins que la suite directe de 25th Floor, qui démarre là où l'autre se finit, sans interruption. En fait, il ne s'agit que d'un seul et même morceau qui a été connement scindé en deux parties en CD (en vinyle, la précision est donnée que le morceau s'appelle 25th Floor/High On Rebellion, mais on se rend moins compte de la séparation sur un vinyle). C'est court, énergique, violent, tribal, mais séparé de 25th Floor (écouté séparément, je veux dire), ça n'a que peu d'intérêt. Ecouté à la suite du précédent morceau, au contraire...
Easter : Chanson douce et étrange, remplie de sons (cloches, échos...), six minutes paradisiaques après la virulence des précédents titres. La voix de Patti, sur Easter, est juste sublime, et les paroles sont à tomber par terre. Il se dégage de ce morceau achevant magnifiquement l'album une atmosphère onirique, étrange, irréelle, notamment dans son final, qui aurait très bien pu sembler cacophonique s'il n'avait pas été aussi bien orchestré et écrit. Une des meilleures chansons de l'album, mais il faut probablement quelques écoutes pour s'en rendre compte !
Easter est donc une réussite totale, un disque rock interprété par un Group en forme olympique (Lenny Kaye à la guitare, Ivan Kral à la guitare et basse, Jay Dee Daugherty à la batterie, Patti Smith donc au chant et un peu guitare, et le petit nouveau Bruce Brody, qui remplace Richard Sohl aux claviers). Indéniablement le dernier sommet d'une artiste engagée et qui en a dans la tête, et qui livrera cependant d'autres bons disques par la suite (Wave, Trampin'), sans toutefois atteindre à nouveau la force de Horses ou Easter. Mythique !