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S'il y à bien un chanteur français (bon, à la base, il ne l'était pas, il était de nationalité italienne, naturalisé français en 1989, mais il a toujours chanté en français et sa carrière était en France) que j'adore et que je pense être vraiment sous-estimé, c'est Nino Ferrer. Mort en 1998 (il s'est suicidé d'un coup de fusil dans un champ non loin de chez lui, à Montcuq, dans le Lot), il n'avait que 63 ans, Nino est né Agostino Ferrari, à Gênes, en Italie, et est arrivé en France, à Paris, avec ses parents (sa mère était originaire de Nouvelle-Calédonie), en 1947, il avait 13 ans. Il découvre le jazz, lui qui connaissait déjà l'opéra italien et les chanteurs populaires de son pays natal. Il s'essaie à la musique, fait de premières rencontres dans les années 50. Son petit groupe de jazz, les Dixie Cats, est mis à mal par l'arrivée du rock, il va se mettre au rhythm'n'blues et au blues. Il va sortir dans les années 60 quelques chansons qui ne marcheront pas, jusqu'au succès de Mirza en 1965. La suite, on la connaît, des chansons souvent amusantes, musicalement incroyables, des albums un peu anecdotiques (comme pas mal d'albums de cette époque, ils sont construits sur la base de singles, avec des chansons assez anecdotiques en remplissage), sauf le premier, considéré comme un des meilleurs du rock français de l'époque à maintenant. Après les années 60, la carrière de Nino va connaître un gros arrêt : il ne vendra plus ses albums, en fait, et si vous demandez à des gens, dans la rue, de citer des chansons de Ferrer, ils vous diront Le Sud, ou bien une de ses chansons rigolotes des débuts (Les Cornichons, Oh ! Hé ! Hein ! Bon !, Le Téléfon, Mirza, Mao Et Moa). A la rigueur, La Maison Près De La Fontaine. Ce qui est très réducteur. Pour une personne citant La Rua Madureira, combien citent Le Sud, sublime chanson il est vrai, mais ça devient saoûlant de n'entendre parler que de cette chanson, quand on aborde le cas Nino ?

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En 1970, il sort Rats And Rolls, album enregistré live en Italie, chanté principalement dans la langue de Dante, et qui, distribué discrètement par la filiale italienne de la maison de disques l'ayant signé (Riviera), ne se vendra pas, et est très très méconnu. Un an plus tard, Nino sort, en France, ce qui au final n'est ni plus ni moins qu'une version studio et française de Rats And Rolls : Métronomie. Ce disque court (30 minutes) sous magnifique pochette de Claude Verlinde qui fait très progressif (et ça tombe bien...) est généralement considéré comme étant un des sommets de la carrière du Génois. Il sera, cependant, comme tous les albums studio de Nino à compter de Rats And Rolls, un bide commercial, un disque négligé, méprisé par le grand public. Quand on invitait Nino sur un plateau de TV, c'était, peu importe l'album qu'il venait promouvoir, pour chanter Le Sud (plus une nouvelle chanson, obligatoire). Bon, pas à l'époque de Métronomie, qui a été fait avant. C'est sur cet album que l'on trouve La Maison Près De La Fontaine, cité plus haut, magnifique chanson sur le progrès, le passé que l'on regrette. C'est aussi sur cet album que se trouve Les Enfants De La Patrie, chanson construite en partie sur la mélodie de l'hymne national italien, et qui cite un peu les paroles de La Marseillaise, Nino ne semble pas faire un choix entre son pays natal et celui de sa vie depuis 1947. C'est sur cet album que se trouve une nouvelle version (l'originale date du début des années 60) de sa chanson bluesy Pour Oublier Qu'On S'Est Aimés, magistrale. C'est enfin sur ce disque que l'on trouve le très amusant et controversé Cannabis, qui parle de...mais vous savez bien de quoi ça parle. 

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Métronomie offre aussi et surtout les deux parties (une de 9 minutes, une de 2 minutes) du morceau-titre, bordél sonore expérimental et progressif qui laisse pantois et qui montre bien que Nino Ferrer avait envie de casser son image de chanteur populaire incapable de faire autre chose que des chansonnettes rigolotes à la Téléfon. Rien ne semble plus éloigné de son répertoire 60's (que je ne méprise absolument pas, mais je le reconnais, ce n'est pas ma période préférée chez Nino) que ce doublé d'instrumentaux (avec Les Enfants De La Patrie, une chanson assez étonnante même de sa part, pour l'époque, entre les deux) qui, en plus, ouvre le disque, occupe quasiment toute une face. Et sur la face B, entre Cannabis le polémique et le court instrumental Freak qui mérite bien son titre, c'est peu dire que Métronomie, malgré La Maison Près De La Fontaine, ne s'embarrasse pas de prétentions commerciales. Totalement réussi, enregistré avec notamment Slim Pezin (guitare), Bernard Estardy (claviers) et Giorgio Giombolini (orgue), Métronomie, version française de Rats And Rolls donc (Cannabis, c'est Canapa Indiana ; Les Enfants De La Patrie, c'est Fratelli E Cosi' Sia ; Métronomie, c'est Reminiscenza ; La Maison Près De La Fontaine, c'est Povero Cristo), sera un échec commercial cinglant, un vrai, un qui pue de la gueule. Meurtri sans doute par ce bide, Nino va, au Château d'Hérouville, enregistrer un album plutôt rock, avec un groupe accompagnateur anglophone (notamment le guitariste Micky Finn, qui va devenir son alter ego pendant quelques temps) : Nino Ferrer & Leggs, qui lui aussi sera un bide commercial. Mais ce n'est pas parce que ses albums ont été des bides commerciaux qu'il faut passer à côté, bien au contraire. Métronomie, premier d'une série d'albums remarquables (jusqu'à Blanat en 1979, sans doute le meilleur), n'est absolument pas à négliger. Nino n'est absolument pas à négliger. Tenez-le vous pour dit. 

FACE A

Métronomie

Les Enfants De La Patrie

Métronomie II

FACE B

Cannabis

La Maison Près De La Fontaine

Isabelle

Freak

Pour Oublier Qu'On S'Est Aimés