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Récemment, MaxRSS a abordé ici quelques albums de Léo Ferré. Paname, L'Eté 68, le double (que je possède en deux vinyles séparés) Amour Anarchie, et, encore plus récemment, hier, Et...Basta !, incroyable album de 1973 entièrement constitué d'un spoken-word de 40 minutes. Max aura l'occasion, prochainement, dans quelques semaines, de reparler du vieux lion ici, mais je vais le remplacer le temps de trois albums, trois articles. Dont deux consacrés à des albums déjà abordés ici mais que je comptais réaborder. L'article suivant, et celui-ci. On va donc reparler, ici, d'un des meilleurs albums de Léo Ferré, un album sorti en 1971 sous une pochette photographique en noir & blanc le montrant, en train de fumer (une Celtique ?), l'air quelque peu exténué, ou bien méprisant, ou bien songeur, ou bien...bref, Léo Ferré, quoi. Ce mec était engagé comme rarement un chanteur l'aura été (à côté de son engagement très anar, Renaud semble être d'extrême-droite !), et ça nuira quelque peu à sa carrière, dans un sens. Ses albums se vendront, mais pas autant qu'ils le mériteraient. Et surtout, le pire, c'est que depuis sa mort en 1993 (un 14 juillet, en plus ! Il l'a peut-être fait exprès, mourir un jour de fête nationale, quand on est aussi anarchiste et anti-gouvernement que lui...), tout le monde semble s'en foutre, de lui. Je ne me souviens pas d'une émission TV spéciale pour commémorer les 10 ans de sa mort en 2003. Ni d'une en 2013. Et il n'y en aura certainement pas en 2023, vous verrez. Alors que, sincèrement, ce chanteur monégasque (hé oui !) et toscan de coeur (il est mort en Italie, il y vivait depuis de nombreuses années) a fait quelques uns des plus incroyables albums de la chanson française.

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Verso de pochette. Le jaune du lettrage est la seule et unique touhe de couleur de toute la pochette, intérieur et extérieur !

C'est bien simple, de 1968 à 1974, rien à dire, c'est parfait (même si Et...Basta ! n'est pas à conseiller à tout le monde, vu son contenu pour le moins abrupt et engagé, Max a super bien parlé de ce disque l'autre jour, au passage, j'aurais eu personnellement bien du mal à en faire autant). Avant 1968, je connais bien moins sa carrière. Après 1974, j'avoue ne pas trop bien connaître aussi. Mais les albums de cette période précise, excusez du peu. En 1971, donc, Ferré sort cet album, La Solitude, qui marchera fort et est considéré, à raison, comme un des meilleurs albums de rock français. Oui, de rock. Enfin, disons, de pop. Ce disque, Ferré l'a enregistré avec un groupe de rock français à tendance jazz/progressif (un peu les Chicago ou Blood, Sweat & Tears français, en plus expérimental), Zoo, avec qui il avait déjà collaboré via deux chansons sur Amour Anarchie, Le Chien et La "The" Nana. C'est la dernière fois que Ferré et Zoo (crédité au verso de pochette ouvrante, comme on le voit ci-dessus) collaborent. La Solitude est de toute façon le dernier album 'classique' de Ferré jusqu'en 1974. Zoo ne joue pas sur tout le disque : La Solitude, Tu Ne Dis Jamais Rien et Ton Style sont arrangés de manière orchestrale, classique, sans le groupe. Zoo est sur le reste de l'album. Un album qui, en 39 minutes, offre du grand, très grand Ferré. C'est presque son meilleur album. Presque parce que le suivant, que je réaborderai sans doute demain, est encore meilleur. Mais ici, sincèrement, c'est du grand art, en 9 morceaux exemplaires. On a Le Conditionnel De Variétés, dans lequel Ferré parle, prudemment, en utilisant le conditionnel pour faire style qu'il pourrait bien dénoncer quelque chose (Comme si je vous disais...), mais ne le fait pas vraiment, de l'interdiction d'un journal de gauche, La Cause Du Peuple. Ferré n'a cependant aucun lien politique avec ce journal, il est encore plus à gauche que ce journal, mais il fait comme Voltaire l'a dit : je ne suis pas d'accord avec vous, mais je me battrai jusqu'à la mort pour prouver que vous êtes dans votre droit

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On a Les Pop et Dans Les "Night", deux morceaux qui surfent sur les nouvelles modes musicales et culturelles. On a Ton Style, chanson langoureuse et en même temps cynique, sublime. A Mon Enterrement, remarquable. Les Albatros, écrit pour un film de Mocky si je ne m'abuse. Et le morceau-titre, légendaire, en partie en spoken-word. Rien que ce morceau (et Ton Style, aussi) fait de l'album un chef d'oeuvre à écouter. Concernant La Solitude, sincèrement, je ne sais quoi dire. C'est hors du temps, immortel. Les paroles sont, évidemment, très politiques (à noter que dans l'intérieur de pochette se trouve un extrait d'interview contemporaine de l'album). Si vous êtes d'un bord politique plutôt de droite, ou centriste, partisan de l'ordre établi, violemment anti-anar, alors Léo Ferré n'est pas fait pour vous, et vous aurez forcément du mal à encaisser sa musique. Mais un morceau comme La Solitude pourrait, toutefois, vous plaire, malgré les paroles bien senties, parfois. Les arrangements lyriques (qui, dès l'album suivant, prendront toute la place, et seront signés Ferré lui-même) sont d'une beauté à faire pleurer un caillou. Quand le vieux Léo s'emballe, et se met à crier mais la solitude, difficile de ne pas sentir un frisson vous parcourir la moelle épinière. C'est le premier morceau, et le meilleur, d'un album qui n'offre que des merveilles et est à découvrir, ou redécouvrir de toute urgence. C'est clairement un des sommets de la chanson française, et aussi étonnant que ça puisse paraître au premier abord, l'alchimie entre ce chanteur d'âge mûr (il avait, en 1971, 55 ans) et ce jeune groupe de jazz-rock (dont le premier album, éponyme, de 1969, pochette orange, est remarquable) est bluffante, totale. A noter que Zoo a aussi joué avec Eddy Mitchell sur Zig-Zag, la même année, ça ne donnera pas vraiment le même résultat, même si j'aime assez l'album de Mitchell, un de ses plus étranges (Magma joue aussi dessus). 

FACE A

La Solitude

Les Albatros

Ton Style

Faites L'Amour

A Mon Enterrement

FACE B

Les Pop

Tu Ne Dis Jamais Rien

Dans Les "Night"

Le Conditionnel De Variétés