Aaaah, Emerson, Lake & Palmer... Mais revenez, les mecs, revenez ! Oui, c'est vrai qu'ELP (pour faire plus court) est vraiment un groupe clivant. On aime ou pas le rock progressif. Et parmi les fans de ce genre musical, on aime ou pas ELP. Et quand on n'aime pas, putain, on n'aime VRAIMENT pas. J'aime bien ce groupe, mais je ne le rangerai jamais parmi mes préférés du genre. King Crimson, Genesis, Van Der Graaf Generator et Yes sont bien loin devant. Tellement loin qu'ils ont en fait semé ELP sur la route. Mais quand ELP (dont seul le P est toujours en vie, désormais) était bon, putain, il l'était vraiment. La preuve ? La quasi totalité de leur Brain Salad Surgery de 1973 (une chanson épouvantable, Benny The Bouncer, mais le reste assure, même les très longues 29 minutes de Karn Evil 9), une bonne partie de leur Trilogy de 1972 (la suite The Endless Enigma, Hoedown, From The Beginning et Trilogy), une partie de leur premier album éponyme de 1970 (Take A Pebble, Lucky Man, Tank) et la face A de ce Tarkus de 1971, leur deuxième album. Le groupe s'est fondé en 1970 et fait partie des supergroupes mythiques (Blind Faith, Derek & The Dominoes, etc) de l'époque. Keith Emerson (claviers), un virtuose des touches d'ivoire, a quitté The Nice ; Greg Lake (basse, chant, mais aussi guitare) a quitté King Crimson ; Carl Palmer (batterie) a, lui, quitté Atomic Rooster. Tous trois virtuoses dans leurs matières, leur réunion ne pouvait être qu'explosive. Mais elle aboutira assez rapidement, après un premier album inégal mais prometteur, à une surenchère absolue.
Illustration de l'intérieur de pochette
Ils nous ont tout fait, ces trois mecs : triple live (avec un disque entier constitué d'un seul et unique morceau de 35 minutes ! Si !), double album et sa suite (en album simple), album conceptuel, live reprenant l'intégralité d'une pièce de musique classique à la sauce progressive, morceaux d'une face entière, morceaux tellement longs qu'ils prenaient plus qu'une face entière...Et toujours à trois, seulement à trois. Mais ils sonnaient comme douze. Et je ne parle pas des effets lumineux de leurs concerts, de la surenchère de matos qu'ils se trimbalaient (leurs roadies devaient les maudire à force de tout installer et désinstaller, de soir en soir, durant les tournées), et surtout, je ne parlerai pas de leur melon de compète, un sens de la suffisance et de la prétention typiquement anglo-brittanico-anglais qui ferait passer l'arrogance des Led Zeppelin et Rolling Stones pour de la timidité de jeune lycéenne catholique pratiquante encore pucelle (si les gens aiment notre version des Tableaux d'Une Exposition de Moussorgsky, c'est comme s'ils aimaient la version originale, ont-ils dit un jour en interview publiée, sous-entendu : leur version est selon eux - album Pictures At An Exhibition, un live de 1971 - aussi bien que l'originale...bande de cons !). En 1971, les ELP nous offrent deux albums. Le deuxième, c'est le live que je viens de citer, dont l'écoute, en 2018, comme elle le fut en 2017 et en 1992 (et aussi en 1984, 1997 et 2009, et globalement, toutes les années depuis 1971), est difficile (qualité sonore moyenne, et interprétation ahurissante de prétention, qui vient foutre en l'air la musique d'un compositeur bien plus Modeste qu'eux, vu que c'était, en plus, son prénom). L'autre album, sorti avant, c'est de Tarkus, 38 minutes et 7 titres, sous pochette bien amusante représentant un, euh...je ne veux pas le savoir. Un tarkus ? Un tatou à chenilles armé de canons et aux yeux rouges ? Mon Dieu.
Emerson, Palmer, Lake (ça aurait été trop facile de se mettre dans l'ordre, hein ?)
Je l'ai dit plus haut (vérifiez si vous ne me croyez pas), la face A de cet album est une des meilleures choses que le groupe a pondues. Elle n'est constituée que d'un seule morceau de presque 21 minutes, Tarkus, scindé (mais tout est sur une plage audio, et aucune séparation n'apparaît sur les sillons du vinyle) en 7 sous-parties titrées. On me crie dans l'oreillette gauche (ah non, pardon, c'était la droite) que ce morceau raconte une histoire, illustrée par les zolis dessins progressifs de l'intérieur de pochette. Le combat entre le Tarkus et une Manticore (à face de babouin), Manticore qui deviendra le nom du label crée par le groupe (et leur logo) par la suite. En live, sur le triple live caricatural (mais que, pour des raisons que je ne m'explique pas encore, j'aime assez) de 1974, ce morceau occupera toute la face B, et la moitié de la C, le temps de 26 minutes. C'est caricatural, plein de claviers pouetpouéttants et de paroles alambiquées, mais c'est quand même globalement une sacrée réussite dans le genre, à ranger tout près du Close To The Edge de Yes, du Lizard de King Crimson et du Supper's Ready de Genesis. On ne s'ennuie pas durant les 20 minutes, on ne peut pas en dire autant des 6 titres qui occupent les 18 minutes de la face B. Là, pardon, mais c'est épouvantable, tellement que j'ai failli mettre l'album dans les ratages. Je passe sur Are You Readdy Eddy ? (2 minutes achevant le disque dans une caricature de rockabilly et le Eddy du titre, c'est Eddie Offord, l'ingénieur du son ayant bossé sur le disque) qui ferait de la peine à n'importe qui tellement c'est nul, et sur la connerie boogie-woogie pianistique de circonstance (ils en collaient une par album environ : The Sheriff, Benny The Bouncer...) qu'est Jeremy Bender. Je ne sauve, sur cette face B indépendante de la suite Tarkus (ce n'est pas un album-concept, donc), qu'un seul titre, Bitches Crystal, et encore, c'est parce que je suis de bonne humeur aujourd'hui. Le reste ? Cat food, cat food, cat food again, comme le chantait Greg Lake au sein de King Crimson peu avant de quitter le groupe pour fonder le sien. J'adore le rock progressif, mais je ne comprendrai jamais comment cet album (malgré l'excellence de sa face A) peut être considéré comme un des jalons du genre. C'est surtout un album atrocement inégal !
FACE A
Tarkus
a) Eruption
b) Stones Of Years
c) Iconoclast
d) Mass
e) Manticore
f) Battlefield
g) Aquatarkus
FACE B
Jeremy Bender
Bitches Crystal
The Only Way (Hymn)
Infinite Space (Conclusion)
A Time And A Place
Are You Readdy Eddy ?
J'aime bien The Only Way (Hymn), piqué chez Bach et comme toi A Time And A Place. Mais le reste c'est vraiment pas bon à mon gout.
Quel dommage d'ailleurs d'avoir ainsi perdu une telle face A...