Pendant longtemps, je n'ai pas trop aimé Depeche Mode, je supportais certains albums, en détestait d'autres, et ceux que je ne connaissais pas, je n'avais pas envie de les connaître. Et je tenais pour sommet absolu du groupe Violator, de 1990, album mégavendu avec les tubes Enjoy The Silence et Personal Jesus. Quant à Music For The Masses, leur précédent album studio, de 1987, je le tenais pour le deuxième meilleur album. Maintenant, ça a changé. Je tiens Violator comme leur second meilleur album, et Music For The Masses comme leur sommet absolu ! Il faut dire que ce disque de 1987 est celui qui a littéralement, et durablement, assuré la postérité à Depeche Mode. Il y à clairement un 'avant' et un 'après' ce disque enregistré en France (studios Guillaume Tell, à Suresnes, aux portes de Paris ; le seul album enregistré en France, pour le groupe) et offrant pas moins de six ou sept grands classiques. Sous une pochette minimaliste montrant des sirènes d'alarme. L'album possède un son remarquable, qui a super bien vieilli, c'est probablement un des albums les mieux produits du groupe, et leur mieux produit pour l'époque. Clairement, la grande aventure Depeche Mode démarre là, malgré que le précédent opus, le très sombre (et enregistré dans la douleur) Black Celebration de 1986 soit parfait de bout en bout. C'était encore de la new-wave (teintée de cold-wave), tandis qu'avec Music For The Masses, le son devient plus pop/rock. Le titre de l'album vient d'une blagounette de Martin Gore (claviers, composition, leadership du groupe, chanteur occasionnel) sur le fait que Depeche Mode ne serait sans doute jamais un groupe ultra commercial. Le titre est ironique, mais, au final, c'est bien ce qui est arrivé avec l'album et le groupe, il est devenu un album ultra vendu et Depeche Mode, un groupe aimé des masses populaires (et c'est toujours le cas) !
L'album aligne les merveilles, en 44 minutes environ (10 titres ; certaines éditions CD proposent des bonus-tracks comme Pleasure, Little Treasure ou Agent Orange), et se paie le luxe de s'ouvrir sur une chanson démentielle. On le sait, Dave Gahan a eu pendant longtemps des soucis de drogue (la période 1993/1997 fut notamment impayable de ce côté, il était shooté à mort et le groupe en a pâti grave), et apparemment, il commençait déjà à en prendre en 1987, ou s'il n'en prenait pas encore, il envisageait de s'y coller. En effet, Never Let Me Down Again, la chanson qui ouvre le bal, parle ni plus ni moins de l'addiction à la came. Quand Gahan chante qu'il est (traduit en français) avec son meilleur ami, qu'il espère que ce meilleur ami ne le lâchera plus jamais, et qu'avec lui, il ne touche plus le sol, qu'il s'envole très haut, difficile de ne pas voir en ces paroles une allusion métaphorique aux trips consécutifs à la prise de drogue. Son ami ne le lâchera pas pendant une dizaine d'années, hélas pour lui (mais certains des meilleurs albums du groupe en sortiront, Songs Of Faith And Devotion, Ultra). Sinon, la chanson, sortie en single, n'ayant pas été un succès fou, mais étant devenue un essentiel absolu depechemodien, est tout simplement ma préférée du groupe, et un sommet total. J'adore le mix de voix entre Gahan et Gore dans les refrain (We're flying high, we're watching the world pass us by...). La chanson se fond dans un titre chanté par Gore, The Things You Said, sublime et mélancolique. Puis deux hits très dansants, Strangelove et le plus sombre Sacred. Et la face A se finissait en beauté sur le glauquissime (musicalement parlant, c'est très oppressant) et sublime Little 15. Que dire ? La B s'ouvrait sur un autre hit, Behind The Wheel, génial, et ensuite, on passe à du sombre, très sombre, via deux morceaux étranges : I Want You Now et ses bruitages bizarres (souffle épuisé, gémissements féminins ou masculins, ambiance sexuelle, mais aussi très oppressante), qui est clairement le morceau me plaisant le moins ici (il n'est pas mauvais, cependant) et To Have And To Hold, oppressant aussi, une déclamation (en vers qui riment) plus qu'autre chose. Nothing suit, ça redevient un peu plus pop, quelque part. Et c'est fantastique. Et enfin, on achève le disque sur un instrumental, Pimpf. Ah, Pimpf, Pimpf, Pimpf... Comment un morceau avec un titre aussi ridicule, risible, rigolo, peut-il être aussi terrifiant (je n'exagère pas) ? Ca démarre calmement, avec du piano égrénant un thème assez bizarre, et ensuite, des choeurs vaguement staliniens surgissent, on dirait les Choeurs de l'Armée Rouge sous PCP, c'est indescriptible. Le morceau se finit brutalement, on a ensuite un retour du thème pianistique et c'est over. Difficile de se remettre de Pimpf, clairement la meilleure fin d'album pour le groupe, devant Clean, Higher Love et Blasphemous Rumours.
Voilà pour Music For The Masses, disque essentiel, un chef d'oeuvre absolu (une chanson que je n'aime pas trop, mais c'est pas grave), rempli de hits et de classiques encore souvent joués live. A propos de lives, l'album sera l'écrin d'une tournée mondiale immortalisée par un double live (et concert filmé) sorti en 1988, à l'occasion du 101ème et ultime concert de la tournée, le live 101, lequel est totalement immense et contient 6 morceaux de Music For The Masses (enfin, 7, car Pimpf y est présent en intro, version courte d'une minute). A partir de ce disque de 1987, le groupe devient vraiment quelque chose. Quand ils sortiront leur album suivant, Violator (1990), l'accueil sera totalement fou (un attroupement de fans devant un magasin où le groupe viendra présenter le disque entraînera une petite émeute, et des blessés), et dès lors, Depeche Mode, littéralement, deviendra un groupe culte. Pour découvrir le groupe, c'est probablement par là qu'il faut commencer, par là ou par Violator (ou par le live 101, beau résumé de la première partie de la carrière du groupe, 1981/1987). Grandiose !!
Never Let Me Down Again
The Things You Said
Strangelove
Sacred
Little 15
FACE B
Behind The Wheel
I Want You Now
To Have And To Hold
Nothing
Pimpf