3992193_224

Ayant énormément parle de Bob Dylan en fin d'année dernière, je ne vais pas refaire un long cycle maintenant (je l'ai pas déjà faite récemment en reparlant de Street-Legal, cette intro ? J'en ai bien peur...). Mais il y à pas mal d'albums de lui que j'avais abordés ici il y à longtemps, et comme le cycle de l'hiver dernier était surtout consacré à de l'inédit (j'ai cependant réabordé quelques albums, comme Together Through Life et Shot Of Love), c'est au compte-gouttes, de temps en temps, que je vous propose de nouvelles chroniques sur ses albums. Après Blonde On Blonde et Street-Legal, deux albums tellement différents que leur seul point commun est d'être des albums du Barde, place à Nashville Skyline. Un album qui compte parmi les plus particuliers de Dylan, et accessoirement, parmi mes préférés. Et j'aurais bien du mal à vous expliquer pourquoi, parce que cet album, il faut le savoir, est un disque, essentiellement, de country, et la country, franchement, dans l'ensemble, je n'en suis pas fan du tout. J'aime deux-trois albums de ci de là, de Willie Nelson ou Gram Parsons, mais c'est à peu près tout. En fait, si j'aime autant cet album de Dylan, c'est parce qu'il est vraiment bizarre. On a l'impression que Dylan a voulu niquer sa carrière, avec ce disque. Mais en fait, quelque part, c'est ce que Dylan tentait de faire depuis son précédent opus, John Wesley Harding, sorti en 1967. Cet album faisait suite au monumental Blonde On Blonde, premier double album de l'histoire du rock, un album très rock, baigné d'orgue électrique (Al Kooper) notamment, en partie enregistré à Nashville, mais ça ne se ressentait pas à l'écoute. Puis Dylan semble avoir eu un accident de moto, qui l'a laissé éloigné des studios pendant quelques temps, en convalescence. Se reposant à West Saugerties, dans l'Etat de New York, non loin de Woodstock, dans une maison rose, il enregistre, dans la cave de cette maison, avec le Band (son groupe accompagnateur pour les concerts de 1966), une enculade de chansons, plus d'une centaine : les Basement Tapes, qu'on ne présente plus.

BD2

Il enregistre John Wesley Harding, album de chansons folk mystiques (aucune des 12 chansons n'est une Basement Tape), qu'il sort en 1967. Après Blonde On Blonde, c'est un retour aux sources assez difficilement compris par le grand public, une sorte de retour en arrière assez mal apprécié, malgré que l'album soit une totale réussite. Puis Dylan se barre à Nashville. Là, il va enregistrer son nouvel album, Nashville Skyline. Là, il va surtout collaborer, le temps de sessions officiellement commercialisées sur le 15ème (et dernier à ce jour) Bootleg Series, Travelin' Thru, mais qui auparavant étaient vendues en bootlegs, avec Johnny Cash. Johnny Cash, l'homme en noir, celui qui, en 1968, a explosé à la face du monde avec son live At Folsom Prison, et qui, en 1969, récidive avec le tout aussi génial live At San Quentin, deux albums enregistrés en taule (il n'y était pas, mais se produisait souvent pour les taulards), deux pierres angulaires. Johnny Cash, le paradoxe vivant (accro à diverses drogues, ayant chanté dans Folsom Prison Blues avoir buté un mec à Reno rien que dans le but de voir quelqu'un mourir ; mais aussi un mec terriblement croyant, pieux). Il semblait obligatoire que tôt ou tard, les deux, le folkeux et le countryman, ne fassent un truc ensemble. Un album, un concert, un barbecue, quelque chose, peu importe quoi. Ca sera fromage et dessert : des sessions studio, et une participation de Dylan au "Johnny Cash Show", à la TV. Les sessions, au final, ne donneront, sur Nashville Skyline, qu'un morceau, qui ouvre magnifiquement le disque : une reprise de Girl From The North Country, chanson que Dylan avait faite en 1963 pour son deuxième album. Cash signe aussi les belles notes de pochette. Le reste de l'album est sans Cash, mais possède cette indubitable atmosphère country nashvillienne, et les musiciens sont notamment Pete Drake, Kenny Buttrey, Chalie McCoy, des pointures du genre et de Nashville.

BD3

 

L'album est sorti sous une pochete inhabituelle : Dylan sourit, gentiment, pris en contre-plongée sous un ciel hivernal, guitare acoustique en main et chapeau qu'il soulève en salutation. Dylan qui sourit, c'est limite choquant. Aussi choquant que la durée de l'album : 27 minutes. C'est, et de loin, le plus court des albums du Barde, il est aussi long que n'importe laquelle des deux faces de son album Desire de 1976. Je me souviens de ma réaction quand j'ai acheté le disque et glissé dans le lecteur CD (le minutage des morceaux n'apparaît nulle part sur le CD) : l'impression de me faire avoir. 27 minutes, c'est minable, comme durée. Mais au final, l'album semble  avoir la bonne durée, et ça rejoint ce que je disais plus haut : Dylan semblait vouloir s'autosaborder. Après un disque mystique, place à de la country, à un disque formaté à l'ancienne (27 minutes n'est pas une durée rare pour un album des années 50/60), et en plus, ici, Dylan intronise sa nouvelle voix, qu'il va conserver jusqu'à 1971 environ : une voix de crooner, roucoulante, maniérée, loin de sa voix râpeuse ou cynique. La voix qu'il aura sur son album suivant, le double Self Portrait de 1970, qui enfonce le clou, mais Nashville Skyline n'a pas seulement porté les premiers coups de marteau sur le clou, il a carrément été acheter le clou et le marteau au Bricorama du coin. Offrant le gros tube Lay, Lady, Lay, et le classique I Threw It All Away, l'album ne sera pas forcément super bien accueilli à sa sortie, les gens auront du mal à piger comment Dylan avait pu sombrer dans autant de facilité. C'est de la country nashvillienne de haute qualité, mais sans recherche, il est vrai. Chansons d'amour, chanson sur un amour en crise, les thèmes ne sont pas variés. Il est de prime aborde difficile d'aimer Peggy Day, Country Pie, Tell Me That Isn't True ou One More Night. Qui ne sont pas des miracles de chansons d'ailleurs. Mais Tonight I'll Be Staying Here With You est un monument, elle. Non, au final, c'est vraiment difficile d'expliquer pourquoi c'est un de mes préférés du Barde. Sans doute parce que sa courte durée le rend facile à écouter, une demi-heure de trou ? Hop, on pose le disque sur la platine, ça va le combler, ce trou, mieux qu'avec du Rubson. Et le côté un peu facile de l'album. Et la pochette, sublime. Et le son, génial. Et... Non, en fait, difficilement explicable. Nashville Skyline est peut-être un des meilleurs albums de Dylan, même s'il n'est pas si rare que ça de lire l'inverse à son sujet. 

FACE A

Girl From The North Country

Nashville Skyline Rag

To Be Alone With You

I Threw It All Away

Peggy Day

FACE B

Lay, Lady, Lay

One More Night

Tell Me That Isn't True

Country Pie

Tonight I'll Be Staying Here With You