Quand Eric Clapton a quitté Cream en 1968 (disons, quand le groupe s'est séparé, en fait), il a, presque tout de suite, fondé un autre groupe, Blind Faith, avec le batteur de Cream, Ginger Baker, et avec, aussi, au chant et à la seconde guitare (aussi aux claviers et un peu à la basse), Stevie Winwood, qui venait de quitter Traffic de son côté. Rejoints par un membre de Family (Ric Grech : basse, violon), ils enregistrent un album éponyme qui va très bien marcher (le bouche-à-oreille était du genre impatient à l'idée d'écouter pareil disque, d'un tel supergroupe), mais le groupe ne fait que quelques concerts avant de, finalement, se séparer. Winwood et Grech rejoignent le nouveau groupe de Baker, le Ginger Baker's Air Force, tandis que Clapton, à l'époque accro à la came (héroïne), fonde un nouveau groupe presque par hasard : il participe à une tournée britannique de Delaney And Bonnie & Friends (une formation folk/rock) et sympathise avec les musiciens, qu'il retrouve par la suite sur les sessions du All Things Must Pass de George Harrison, son ami (et mari de celle qu'il aime, Patti). Miné par son amour (partagé) pour la femme de son pote (qui finira par quitter Harrison, en 1974, pour vivre avec Clappy, leur mariage, quand il aura lieu, durera au final moins longtemps que celui de Patti et George), miné aussi par son addiction, il écrit une série de chansons sur le thème l'amour c'est compliqué. Il décide de faire un disque, et pour s'accompagner, débauche les musiciens de Delaney And Bonnie & Friends : Boby Whitlock (claviers), Jim Gordon (batterie), Carl Radle (basse). Qui ont aussi fait partie de la bande de musiciens de la tournée Mad Dogs & Englishmen de Joe Cocker et Leon Russell. Ils partent aux USA, Floride, faire l'album, embarquant aussi dans l'aventure Duane Allman, guitariste du Allman Brothers Band. L'album, double, sort en fin 1970, Layla And Other Assorted Love Songs, il sort sous un nom de groupe étrange : Derek & The Dominoes, qui aurait été choisi après une mauvaise prononciation, par un annonceur de concert, du nom initial, Eric & The Dynamos.
L'album, le seul du groupe, ne marche pas fort, à cause de sa pochette sans indication précise (au recto, en tout cas) que c'est un disque de Clapton, et puis c'est un double, et puis... et puis merde. Clappy en parle encore comme de son meilleur album, ce qui est le cas, et je ne suis pas là pour en parler, vu que cet article va parler (reparler, en fait, car c'est une réécriture d'une ancienne chronique vieille d'au moins 10 ans) d'un live du groupe. Car le groupe n'a certes fait qu'un seul album studio, il a aussi sorti un live. Enfin, le live du groupe, In Concert (un double), date de 1973, alors que Derek & The Dominoes a cessé d'exister depuis presque 3 ans... Car cet autre supergroupe n'a pas duré très longtemps aussi : Allman n'a participé qu'à l'album studio, retournant à son Allman Brothers Band (il est mort dans un accident de moto en 1971), Clapton, qui s'est lancé en solo juste avant les sessions de l'album de son supergroupe avec un premier opus éponyme très réussi dont Derek & The Dominoes interprétera quelques morceaux, va alors plonger dans la came, et ne fera plus que quelques apparitions (Concert For Bangladesh) avant de revenir en 1973 grâce notamment à un cocnert au Rainbow (que j'ai abordé récemment) organisé par ses potes musiciens. C'est en 1973 que sort In Concert, donc. En 1994, une version remastérisée et modifiée va sortir, proposant 6 des 9 titres de In Concert et des bonus-tracks, sous la forme d'un double album de deux heures, Live At The Fillmore, cet album-ci. Tout y a été enregistré au Fillmore East les 23 et 24 octobre 1970, au cours des seconds shows de chacun des deux soirs. Si on regarde la setlist et qu'on compare avec le double live sorti en 1973, on pourrait penser que tout In Concert a été proposé, plus 4 bonus-tracks, mais non : Tell The Truth, Let It Rain et Why Does Love Got To Be So Sad ? ne sont pas dans les mêmes versions.
D'une qualité remarquable, aussi bien audio que musicale, Live At The Fillmore montre un groupe, qui a déjà, en fin octobre 1970, au moment de ces concerts, achevé son double album studio, mais ne l'a pas encore publié (début novembre). Duane Allman, déjà, a regagné son propre groupe, on ne l'entendra donc pas ici, nulle part. Le reste du groupe est inchangé. On trouve ici des morceaux du futur album : le vieux blues Have You Ever Loved A Woman, Why Does Love Got To Be So Sad ?, ici long de 14 minutes, Key To The Highway (une autre reprise d'un vieux blues), Tell The Truth, Nobody Knows You When You're Down And Out (aussi une reprise d'un vieux blues) et la reprise du Little Wing d'Hendrix, conçue pour lui rendre hommage. On y trouve deux morceaux enregistrés par le groupe mais non placés sur l'album studio (Got To Get Better In A Little While, qui ouvre le bal sur 13 minutes de folie, et Roll It Over, sorti en face B d'un single), on y trouve aussi un extrait de l'unique album de Blind Faith (Presence Of The Lord) et des extraits du premier opus solo de Clapton : Let It Rain (long de 18 minutes !), Blues Power, Bottle Of Red Wine) et l'inévitable reprise du Crossroads de Robert Johnson qui accompagne Clapton depuis quasiment le début de sa carrière et donnera même son titre à plusieurs coffrets le concernant. Tout est absolument génial sur ce double live, encore plus réussi que le déjà excellent In Concert de 1973 qui est par ailleurs bien représenté ici (notons que deux morceaux, aussi, Crossroads et Key To The Highway, avaient été proposés en 1988 sur le longbox Crossroads). Fan de Clapton ? Fan de blues-rock ? Fan d'albums lives ? Ne passez pas à côté de ce disque !!
CD 1
Got To Get Better In a Little While
Why Does Love Got To Be So Sad ?
Key To The Highway
Blues Power
Have You Ever Loved A Woman
Bottle Of Red Wine
CD 2
Tell The Truth
Nobody Knows You When You're Down And Out
Roll It Over
Presence Of The Lord
Little Wing
Let It Rain
Crossroads