Après avoir, en 1969, sorti le double album Trout Mask Replica, vrai délire (et album grandiose, mais au succès très limité, on s'en doute) de 28 titres avant-gardistes, free-jazz et barrés produit par Zappa (son ami/ennemi), Captain Beefheart (et son Magic Band) sort, en 1970, un Lick My Decals Off, Baby qui, logiquement, aurait du sembler plus conventionnel. C'est mal connaître Beefheart que de penser qu'il reviendrait sur Terre après les dingueries de son double album. Beefheart est (ou plutôt, était, car s'il n'est pas mort, il est, en tout cas, totalement retraité du monde depuis un sacré bon bout de temps) un sacré malade. Avec une voix de dingue, toujours prêt à en découdre avec Howlin' Wolf et Screamin' Jay Hawkins (deux grosses références, il en est selon toute vraisemblance très fan) dans le registre du blues déchiré.
D'une durée de 39 minutes, Lick My Decals Off, Baby, sous sa pochette très classieuse (ça change de celle, assez barge, de Trout Mask Replica), offre 15 titres. Le plus long fait 4,15 minutes, le plus court en fait 1,40. Vrai bordel sonore enregistré avec son Magic Band (Zoot Horn Rollo, Rockette Morton, Drumbo, sous leurs vrais noms Bill Harkleroad, Mark Boston et John French, respectivement guitariste, bassiste et batteur) et avec le percussionniste Ed Marimba. Beefheart, en plus du chant, tient des cuivres (saxo, clarinette). Il suffit de lire les titres des morceaux pour se rendre compte de la dinguerie totalement assumée de l'ensemble (car Captain Beefheart, ou Don Van Vliet, ne les a pas nommés ainsi comme ça, ils sont aussi dingues musicalement parlant qu'au niveau de leurs titres).
Comme I Wanna Find A Woman That'll Hold My Big Toe Till I Have To Go, par exemple, ou Lick My Decals Off, Baby, ou encore Japan In A Dishpan, ou Flash Gordon's Ape. Impossible de retirer un titre sous prétexte qu'il est moins bon, ou meilleur. L'ensemble se percute d'un coup, 39 minutes de bargerie expérimentalo-free-jazz/avant-gardiste. Avec des touches rock pur et, naturellement, références Howlin' Wolf oblige, bluesy. Si vous avez aimé (ou adoré, comme c'est mon cas) l'expérience ultime Trout Mask Replica, alors vous devriez écouter Lick My Decals Off, Baby : c'est quasiment aussi dingue, mais avec une durée plus courte. Beefheart, en 1970, ne s'est pas calmé (il le fera par la suite). Inutile de dire que si Trout Mask Replica vous a semblé trop bargé et inaudible, vous feriez mieux d'oublier Beefheart, ou alors d'essayer The Spotlight Kid (1972, autre grand disque, mais très conventionnel)...
FACE A
Lick My Decals Off, Baby
Doctor Dark
I Love You, You Big Dummy
Peon
Bellerin's Plain
Woe-is-uh-Me-Bop
Japan In A Dishpan
FACE B
I Wanna Find A Woman That'll Hold My Big Toe Till I Have To Go
Petrified Forest
One Red Rose That I Mean
The Buggy Boogie Woogie
The Smithsonian Institute (Or The Big Dig)
Space-Age Couple
The Clouds Are Full Of Wine (Not Whiskey Or Rye)
Flash Gordon's Ape