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Dans la discographie de Neil Young, cet album tient une place à part. Avec le double album Journey Through The Past (bande originale du film du même nom que Neil a réalisé en 1972), c'est le seul opus de Neil Young à ne pas avoir été édité en CD de façon officielle (possédant une édition CD de Journey Through The Past publiée par un label argentin du nom de Lost Diamonds, je sais qu'il existe, officieusement, en CD ; pour l'autre album, celui dont je vais parler maintenant, je l'ignore, en revanche, mais c'est peu probable, et en tout cas, pas de manière officielle). La raison en est simple, selon le Loner (surnom de Neil) : les techniques d'enregistrement de cet album, la manière dont il aurait été fait, empêcherait toute bonne remastérisation et, donc, toute édition CD. Mon cul, oui. Que le Loner dise plutôt la vérité, à savoir qu'il n'aime pas cet album, qu'il l'estime nul, qu'il pense qu'il s'agit de son pire album et qu'il se refuse, donc, à le sortir pour ça. Le problème, c'est que Time Fades Away (que je possède en vinyle d'occasion, pas évident à trouver, rarement à bon prix ; je l'ai eu à 25 euro) n'est absolument pas tout ce que Neil en pense. Cet album, le premier d'une trilogie dite du fossé (ditch trilogy en anglais) et constituée aussi de On The Beach et Tonight's The Night (ce dernier, enregistré avant On The Beach), trilogie d'albums d'une profonde noirceur, cet album, donc, sorti en 1973, est au contraire une des pièces maîtresses de l'oeuvre du Loner. Mais sa genèse est assez particulière (son contenu aussi !) et on peut, dans un sens, comprendre que le Loner n'en soit pas fan après toutes ces années.

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Poster dans l'album (pas une photo perso, comme les autres photos de l'article, d'ailleurs)

Enregistré live au cours de plusieurs concerts de la tournée Harvest, Time Fades Away est constitué de 8 titres (pour 34 minutes), aucun d'entre eux n'existe sous une forme studio, aucun d'entre eux ne se trouve, donc, sur un album studio du Loner. 8 morceaux inédits, l'un d'entre eux porte le même nom que le film que Neil a fait en 1972, mais qui ne se retrouvera pas sur sa bande-son éponyme : Journey Through The Past. Doté d'une qualité audio quelque peu boueuse, moyenne, digne d'un bootleg, Time Fades Away est un album écorché vif, il faut dire que le Loner n'était pas dans la meilleure de ses formes physique et psychologique durant ces concerts : il avait, quelques temps auparavant, au cours de l'année 1972, perdu deux de ses amis : Danny Whitten, guitariste de son groupe Crazy Horse, et Bruce Berry, un de ses roadies, tous deux morts d'overdose. Y étant pour beaucoup dans la mort de Whitten (ayant découvert son addiction, il l'a viré ; le lendemain ou presque, Whitten faisait une overdose avec la came qu'il s'était payée avec le pognon que Neil lui avait refilé pour solde de tout compte), Neil entre en dépression alcoolisée. Les concerts de l'époque étaient apparemment très trashs, incontrôlables, Neil bourré et enragé, etc... Une situation intenable, que le Loner n'aura bien évidemment plus jamais envie de revivre, d'où probablement sa haine et son mépris envers cet album borderline, vrai document-vérité de cette période dure. Dans la foulée, il enregistrera l'album studio Tonight's The Night, en 1973, disque noir comme la nuit, d'une profonde noirceur déprimante, enregistré dans un état second, et qui ne sortira qu'en 1975, sa maison de disques, Reprise, ayant peur qu'avec un tel disque, Neil ne se suicide, commercialement parlant. Avec le temps, c'est devenu le préféré de Neil. Neil enregistre, juste après les sessions de l'album, On The Beach, sorti en temps et en heure en 1974 (Neil attendra 2003 pour le sortir en CD !), disque lui aussi très sombre, triste. Un an après, Tonight's The Night sort enfin, suivi par le lumineux Zuma, et Neil est reparti sur de bonnes bases, il a repris goût à tout.

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Verso de pochette (au fait, l'ouverture se fait par le haut, et l'intérieur de la pochette non-ouvrante est noir)

Mais parvenir à oublier ces trois albums dantesques (ses meilleurs, selon moi, même si Everybody Knows This Is Nowhere en 1969, Zuma en 1975, Rust Never Sleeps en 1979, Ragged Glory en 1990, Sleeps With Angels - qui retrouve le côté crépusculaire de la ditch trilogy - en 1994 sont aussi immenses) est difficile, voire impossible. Time Fades Away en est le plus culte des trois, car le plus difficile à trouver, le seul difficile à trouver en fait. Depuis des années, depuis 2008, une pétition circule sur le Web, pour que l'album soit enfin édité en CD. J'ignore si la pétition est toujours active, mais Neil Young aurait annoncé que, quand il sortira le volume 2 de ses Archives, il mettra enfin l'album dedans (mais pas de sortie en-dehors du coffret). A sa sortie, l'album sera plutôt bien reçu par la presse, et si les fans seront déçus de ne pas trouver de morceaux connus sur ce live (car rappelons que, bien que constitué entièrement d'inédits, ce disque est live), d'autant plus que l'album Harvest, son plus récent d'alors, fut un triomphe commercial rempli de classiques, dans l'ensemble, ils (les fans) sauront assez rapidement trouver une bonne place pour cet album. Car bien que possédant une qualité sonore brutale, rendant l'album difficile à aimer au premier abord, Time Fades Away n'est constitué que de grandes chansons : L.A., la chanson-titre, Don't Be Denied, Journey Through The Past, le long (quasiment 9 minutes) Last Dance, Yonder Stands The Sinner... En fait, il faudrait tout citer. Performances arrachées, ambiance de dingue, un Neil Young dans un état souvent épouvantable (alcoolisé, etc ; un critique de l'époque dira que ses parties de guitare, sur le disque, sont ses pires de tous les temps !), mais morceaux cultes et géniaux, cet album mal-aimé de son créateur et adulé de ses fans est le Graal pour tout fan du Loner et du rock en général. Inoubliable et essentiel ; reste à le trouver, ce qui n'est pas toujours gagné. Mais toujours récompensé.

FACE A

Time Fades Away

Journey Through The Past

Yonder Stands The Sinner

L.A.

Love In Mind

FACE B

Don't Be Denied

The Bridge

Last Dance