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Vous le savez peut-être, mais je suis un grand fan de Stephen King, et de cinéma, et parmi mes réalisateurs préférés, Stanley Kubrick est incontestablement celui que je place en premier. Kubrick, en 1980, a réalisé une adaptation de King, Shining, film que le romancier dit détester depuis toujours (car il faut bien le dire, l'adaptation, je parle du scénario adapté et pas du film en tant que tel, est rigoureusement calamiteuse, Kubrick et la scénariste Diane Johnson ont mal adapté le roman, ont viré des tas d'éléments cruciaux, ont modifié d'autres choses qui ne s'imposaient pas, etc... King a tellement été écoeuré par le film qu'il en fera un remake télévisuel en 1997, mieux adapté, mais moins réussi que le Kubrick, qui est, il faut le dire, malgré la déception consécutive à l'adaptation, un des plus authentiquement flippants films d'épouvante qui soient, et un monument du genre. Sa bande-son, comme toujours avec Kubrick (disons, comme toujours depuis 1968, précisément), est au diapason du film : flippante, angoissante à souhait. C'est donc de l'album de la bande-son du film que je vais parler ici, ou plutôt reparler, car j'avais déjà parlé, il y à 10 ans, de cet album ici dans une précédente chronique, effacée depuis, qui était vraiment nulle, je n'ai pas peur de le dire. The Shining OST (pour Original Sound Track, évidemment) est sorti en 1980, parallèlement au film, sous une pochette jaune qui reprend une des affiches originales américaines du film. C'est un album assez généreux, il dure dans les 48 minutes (pour seulement 8 morceaux !). 

 

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Pour une raison que j'ignore, cet album est, aujourd'hui, et depuis en fait de nombreuses années, difficile à se procurer. Il n'a pour ainsi dire jamais été édité en CD, sauf au Japon et sans doute aux USA, mais il y à longtemps. Se procurer un CD de cet album est une gageure, et il faudra y mettre le prix. Pour un vinyle aussi, il faudra patienter et payer le prix, je l'ai eu pour 40 €, un petit peu plus même il me semble, et en état très bon, mais pas exceptionnel (je l'ai eu en état VG+ pour la pochette, et VG- pour le disque, les collectionneurs sauront de quoi je veux parler ici).  Pourquoi cet album est-il si rare, si difficile à se procurer, je ne sais pas. Inutile de dire que pendant des années (jusqu'à 2017, année où j'ai enfin pu me le choper pas trop cher), j'ai bataillé sévère. Je sais, il existe des sites tels que Discogs ou EBay où on peut sans aucun doute le trouver facilement (surtout le premier cité), mais EBay est un site de ventes aux enchères, et je déteste ça, tandis que Discogs est un site qui privilégie souvent Paypal (mode de paiement en lequel je n'ai aucune confiance) et les transactions en dollars. Bref. Cet album de bande originale est, autant le dire, un modèle du genre et contient quasiment tout ce que l'on entend dans le film sauf la chanson rétro du final. Si le film est flippant, il l'est en partie grâce à elle. Le film serait tout de même angoissant même sans musique (rien que la scène des petites filles jumelles dans le couloir est un moment de tension ultime), mais ça y contribue tout de même beaucoup. Ici, on a essentiellement de la musique contemporaine, avec tout de même, en final, Home, morceau de Henry Hall & The Gleanagles Hotel Band, on morceau très ancien (sans doute enregistré dans les années 30 ou 40, peut-être même avant), avec une qualité audio assez moyenne, fine, grésillante. Un morceau kitschissime au possible, audible dans la scène du bal de l'Overlook. C'est le morceau le moins bon, de loin (le seul à ne pas être terrible en fait), il fait un peu tache ici, surtout en final, mais ce n'est pas grave.

 

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Rachel Elkind et Wendy Carlos

 

Le reste...Oh putain, le reste... On a d'abord deux morceaux signés Wendy (anciennement Walter, c'était, en effet, autrefois, un homme, il était derrière la bande-son d'Orange Mécanique en 1971) Carlos et Rachel Elkind. Le premier, Main Title, est inspiré par le Dies Irae, un hymne religieux sinistre.  C'est la musique du générique, pesante, glauque, inoubliable. Et Rocky Mountains (audible quand la famille Torrance arrive à l'Overlook, dans les plans du film où on voit l'hôtel et les montagnes Rocheuses), aussi glauque, hypnotique, glaçant et insidieux. Deux morceaux assez courts, les seuls composés pour le film. Le reste de l'album est constitué de morceaux de Ligeti (compositeur roumain de musique contemporaine, qui avait déjà vu sa musique utilisée par Kubrick pour 2001 : L'Odyssée De L'Espace et le sera aussi pour Eyes Wide Shut), de Penderecki (compositeur polonais de ce même genre de musique, mort fin mars dernier) et de Bela Bartok (compositeur hongrois du XIXème siècle). Pour Ligeti, c'est Lontano, morceau de 10 minutes assez terrifiant. Pour Bartok, Music For  Strings, Percussion And Celesta, audible notamment dans la scène du labyrinthe de buis (pas dans le final, mais au début du film, quand Wendy et Danny s'y promènent paisiblement tandis que Jack, seul, regarde la maquette du labyrinthe dans le lobby de l'hôtel). Aussi bien le morceau de Ligeti que ceux de Penderecki (la face B lui est quasi totalement consacrée) sont bien audibles dans le film, mais ne me demandez pas où précisément. Chez Penderecki, on a un extrait de son Utrenja, on a les terrifiants The Awakening Of Jakob et De Natura Sonoris N°2 (on trouve aussi, dans le film, Polymorphia, absent de l'album pour des raisons de place, et que l'on trouve aussi dans la bande-son de L'Exorciste...et par ailleurs sur l'album de la bande-son du film de Friedkin). Tous ces morceaux sont dissonnants, glaçants, flippants, inhumains, pas destinés aux oreilles fragiles et aux amateurs de variétoche. Mais si vous avez vu le film, vous voyez de quoi je veux parler, cette bande-son est imparable dans son genre, elle fout les jetons comme le film dont elle est l'illustratrice sonore. Dans le genre, c'est aussi radical qu'inusable, et aussi totalement parfait (sauf Home, donc). 

FACE A

Main Title "The Shining"

Rocky Mountains

Lontano

Music For Strings, Percussion And Celesta

FACE B

Utrenja (Excerpt)

The Awakening Of Jacob

De Natura Sonoris, N°2

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