J'avais abordé cet album en 2010, et depuis, plus rien concernant non seulement lui, mais Buffalo Springfield. Fallait remédier à celà. Autant je n'ai pas l'intention de réaborder leur premier opus (Buffalo Springfield, de 1966, avec le hit For What It's Worth), autant ce deuxième album, sorti en 1967, et intitulé sobrement Buffalo Springfield Again, j'avais envie de le remettre en avant. Parce que si le premier opus est vraiment correct (des tas de petites chansons sympatoches comme Burned, Flying On The Ground Is Wrong ou Nowadays Clancy Can't Even Sing), il n'est pas anthologique. En revanche, le deuxième, lui, l'est, mais alors totalement ! Le seul reproche à lui faire, et en fait, je vois deux reproches, c'est sa courte durée (34 minutes, 10 chansons) et, autre reproche donc, une production qui a pris un coup dans l'aile (1967, et il faut dire que le CD n'est pas remastérisé, ATCO s'est contenté de mettre les chansons sur CD, et puis c'est marre). Bon, sinon, je rappelle que Buffalo Springfield est entré dans la légende du rock comme étant le premier vrai groupe de Neil Young et Stephen Stills. Après la dissolution du groupe, le premier se lancera en solo, en 1968, et le second, la même année, formera Crosby, Stills & Nash avec un ancien Byrds (David Crosby) et un ancien Hollies (Graham Nash), trio vocal que Neil Young rejoindra rapidement en 1969/1970 (Woodstock, puis l'album Déjà-Vu, et ensuite un double live, 4-Way Street). Quand le Springfield entreprend l'enregistrement (à Los Angeles, entre janvier et septembre 1967), de Buffalo Springfield Again, album produit par Jack Nitzsche et trois membres du groupe (Stills, Neil et Richie Furay), les tensions commencent à être palpables en interne. Neil était souvent absent, et le bassiste du groupe, Bruce Palmer, était en détention pour usage de stupéfiants, et ils ont eu du mal à trouver un remplaçant correct.
L'album n'offre que 10 titres (enfin, que... 10 titres, c'est la norme), et parmi eux, pas mal sont entrés dans la légende. Trois d'entre eux sont inclus dans la magnifique triple compilation (depuis double CD) Decade que Neil Young a sorti en 1977, et qui résume les 10 premières années de sa carrière, de 1966 à 1976, et Buffalo Springfield est évidemment inclus dedans. On y trouvera Mr. Soul (un démentiel calque du (I Can't Get No) Satisfaction des Galets, mais on s'en contrefout tellement c'est bon), Expecting To Fly et Broken Arrow (titre qui sera par la suite celui d'un de ses albums, assez mauvais, en 1996, et de son ranch, avant cela), les deux dernières étant produites par Nitzsche et détonnant gravement avec le reste de l'album : Expecting To Fly (ma préférée ici) est une merveille aérienne, éthérée, aux arrangements sublimes, et Broken Arrow, étendue (6,15 minutes), est assez expérimentale, avec ses changements de rythmes, bruitages, etc (et est magnifique aussi, d'ailleurs). Rien que pour ces trois chansons, Buffalo Springfield Again mérite l'écoute, et sa réputation. Mais il ne faudrait pas oublier Rock'n'Roll Woman (chantée par Stills, avec des choeurs supposés de David Crosby, lequel a aussi co-écrit le titre, mais n'était pas officiellement crédité pour cela), A Child's Claim To Fame (Richie Furay au chant) et Bluebird (Stills au chant). Le reste de l'album est d'un très bon niveau, mais rien d'aussi quintessentiel que ces six chansons représentant environ 21 minutes sur les 34 de l'album, soit nettement plus que la moitié. Les quatre chansons restantes, comme Sad Memory (de Furay) ou Everydays (de Stills), sont quand même bonnes. Notons qu'aucune chanson de Neil Young ne fait partie de ces quatre-là, Neil n'ayant offert que les trois chansons citées plus haut !
Dos de pochette vinyle (les crédits étaient tellements longs qu'ils ont été mis en format paysage !)
Parmi les albums de 1967, on cite quand même assez rarement Buffalo Springfield Again par rapport à Are You Experienced ?, The Piper At The Gates Of Dawn, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, Magical Mystery Tour, The Doors, Strange Days, The Velvet Underground & Nico, Disraeli Gears ou Surrealistic Pillow. Et d'autres. C'est un tort, car cet album qui ne semble pas payer de mine (pochette sympa, mais un peu trop dans l'air de son temps, production qui a vieilli, manque de remastérisation, livret CD insignifiant) est une vraie mine d'or, une collection de chansons absolument magnifiques (qui entendra Expecting To Fly pour la première fois n'en reviendra probablement pas...Neil Young possède une voix fragile, on le sait, et il assure dans le registre nerveux, on le sait aussi, mais il assure encore plus dans le registre calme, comme sur cette chanson ou Broken Arrow). En état de crise (un an plus tard, après un dernier album en demi-teinte appelé Last Time Around, le groupe se sépare), Buffalo Springfield a livré ici son Abbey Road (c'est sans comparaison possible, en fait, avec les Beatles, qui, en 1967, n'avaient évidemment pas encore sorti Abbey Road, datant de 1969...mais eux aussi ont accouché d'un monument en étant dans un état de tensions internes assez impressionnantes, et ont réussi à surmonter celà le temps de l'enregistrement, et ce fut Abbey Road). Un chef d'oeuvre, vraiment.
FACE A
Mr Soul
A Child's Claim To Fame
Everydays
Expecting To Fly
Bluebird
FACE B
Hung Upside Down
Sad Memory
Good Time Boy
Rock & Roll Woman
Broken Arrow
Album génial, supérieur au 1er !