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One pill makes you larger/And one pill makes you small/And the ones that mother gives you/Don't do nothing at all. - White Rabbit.

On l'a vu hier, Patti Smith, pour son premier album sur le majestueux label Columbia, a publié, en 2004, le remarquable Trampin', album totalement réussi, offrant des chansons mémorables bien dans l'esprit pattismithien (Gandhi, Jubilee, Radio Baghdad). Personne ne pouvait alors se douter que cet album serait son dernier album de chansons originales pour un moment. En effet, son album suivant, son dixième en tout, ne sera pas, lui, un disque comme les autres. C'est de cet album qu'il s'agit ici, en avant-dernier article du cycle. Un album sorti en 2007 sous une pochette très jolie représentant un tambourin (c'est, après Gung Ho en 2000, le deuxième album de Patti dont la pochette ne la représente pas) et qui, malgré qu'il s'agisse de son dixième album, s'appelle Twelve. Pourquoi Twelve ? Parce qu'il possède 12 chansons, tout simplement (pour un total de presque 57 minutes). Mais ce qui est le plus important, au sujet de ce Twelve produit par Patti Smith et son groupe (Lenny Kaye, Tony Shanahan, Jay Dee Daugherty, Oliver Ray, comme c'est le cas depuis 1996), c'est que cet album est entièrement constitué de reprises. Aucun morceau original. Cet album, Patti voulait apparemment le faire depuis pas mal d'années, peut-être même quasiment depuis ses débuts (dans le livret accompagnateur, une note de pochette indique qu'une liste de chansons qu'elle aimerait reprendre fut retrouvée parmi ses papiers (peu de temps avant de faire Twelve) et qu'elle date, cette liste, de 1978.

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Mais les chansons qu'elle reprendra ne sont, au final, pas les mêmes (enfin, peut-être que certaines présentes ici étaient sur la liste, mais comme trois d'entre elles n'existaient pas dans leur forme originale en 1978, et qu'une quatrième date justement de cette année, toutes les chansons présentes ici ne font pas partie de cette antique liste). Twelve (à noter que le tambourin sur la pochette fut offert à Patti le 30 décembre 1967, le jour de ses 21 ans, par son ami le photographe Robert Mapplethorpe, mort en 1989, qui a lui-même orné le tambourin) est donc un disque de reprises, exercice de style souvent casse-gueule, on reproche souvent aux artistes ou groupes qui en font un de ne plus rien avoir à dire (il faut dire que faire un album de reprises peut sembler facile). C'est un peu vite oublier que certains ont fait de cet exercice de style un vrai tour de force (Peter Gabriel avec Scratch My Back et ses successeurs, dont j'ai parlé ici récemment, me vient directement à l'esprit). Patti Smith ne se contente pas, ici, de reprendre 12 chansons (de 12 groupes ou artistes différents), elle les transforme en quelque chose d'autre. Si vous n'avez jamais entendu sa version du Smells Like Teen Spirit de Nirvana, vous allez vous rendre compte qu'on peut transfomer cet hymne de la colère adolescente, ce cri de rage outré, en pure merveille acoustique avec banjo (joué par l'acteur Sam Shepard et son fils Walker, notamment, ils sont trois banjotistes sur le morceau) et violon. Beau à pleurer. Même chose pour ce chef d'oeuvre de pop 80's qu'est Everybody Wants To Rule The World de Tears For Fears, ici transcendé, c'est incroyablement réussi. 

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Toutes les chansons de l'album sont transcendées par ces arrangements. Patti Smith joue même de la clarinette, hé oui, pour la première fois. Elle reprend ici du Jimi Hendrix (Are You Experienced ? pouvait être splendide, elle le prouve), du Jefferson Airplane (White Rabbit), du Neil Young (Helpless), Paul Simon (The Boy In The Bubble, que Peter Gabriel aussi choisira de reprendre), du Stevie Wonder (Pastime Paradise), du Doors (Soul Kitchen), du Allman Brothers Band (Midnight Rider), Tears For Fears et Nirvana donc, mais ausis du Rolling Stones (Gimmie Shelter), du Beatles (Within You Without You, choix étonnant, audacieux) et évidemment, du Bob Dylan, et là aussi, choix audacieux : Changing Of The Guards. Une édition de l'album offre un 13ème titre, Everybody Hurts de R.E.M. mais l'édition la plus facile à trouver n'en offre que 12. Ce qui est déjà bien, et plus cohérent avec le titre de l'album, hé hé. A chaque fois, Patti nous explique, dans le livret, le pourquoi du comment de tel ou tel choix de reprise, la particularité de cette version (qui joue dessus, etc), on comprend très vite que ce n'est pas juste un catalogue de reprises de classiques, mais un vrai choix cornélien auquel Patti s'est livrée, elle a choisi des chansons qui lui vont droit au coeur et à l'âme. Elle ne pouvait donc pas se permettre de foirer son coup, et elle ne l'a pas foiré. Twelve est assurément le meilleur album de reprises que je connaisse, 12 chansons venues d'ailleurs mais qui semblent avoir été écrites par elle, tant elles lui ressemblent, tant elle est parvenue à les faire siennes. Un authentique monument. Chapeau bas, Patti. Suite et fin du cycle demain...

Are You Experienced ?

Everybody Wants To Rule The World

Helpless

Gimmie Shelter

Within You Without You

White Rabbit

Changing Of The Guards

The Boy In The Bubble

Soul Kitchen

Smells Like Teen Spirit

Midnight Rider

Pastime Paradise