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Quand les Stones se "reforment" en 1989 pour Steel Wheels, après trois ans de guéguerre interne ayant quasiment conduit à la fin du groupe (entre Jagger et Richards, ça n'allait plus du tout, d'autres membres du groupe étaient à fond dans la came...), ce fut quasiment miraculeux. Même si beaucoup affirmèrent alors, et continuent de le faire, que, définitivement, les Cailloux n'ont pas, n'ont jamais, retrouvé la forme de leur grande période (1968/1972). Mais Steel Wheels, qui sera suivi d'une tournée mondiale triomphale immortalisée par, j'en ai reparlé ici récemment et ai pu dire  à quel point ce live est important pour moi, Flashpoint en 1991, Steel Wheels est tout de même un excellent cru, leur meilleur depuis Tattoo You en 1981. Après cet album, que se passe-t-il ? Bill Wyman, leur bassiste d'origine, se barre, en 1993. Peu après, le groupe entre en studio et fait Voodoo Lounge, qui sort en juillet 1994 et marchera très bien (on parle des Stones, après tout). En 1995, ils sortent le live acoustique (c'est alors la grande mode) Stripped. La tournée mondiale de Voodoo Lounge terminée (en fin août 1995), Stripped sorti, le groupe va alors se reposer. Pas longtemps : fin novembre 1996, le groupe se réunit pour planifier l'enregistrement, qui démarrera en mars 1997 et s'étendra sur 5 mois, de leur album suivant, qui sera leur 21ème album studio, album qui sortira en fin septembre de la même année : Bridges To Babylon.

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Que dire ? Cet album, long (mais, avec 62 minutes, ce n'est pas le plus long du groupe pour autant), montre clairement, plus qu'Emotional Rescue (fait par un groupe fatigué par une tournée écrasante), Dirty Work (fait par un groupe en pleine crise existentielle) et Undercover (fait par un groupe ayant définitivement viré au commercial à donf'), les limites du groupe. Selon Keith Richards, l'enregistrement de l'album s'est assez rapidement révélé être l'enregistrement de deux albums en un : le sien et celui de Jagger, qui allait dans une direction totalement opposée à celle de Richards. Au départ, influencés notamment par des albums tels que le Odelay de Beck et le Zooropa de U2, le groupe voulait sonner plus moderne. Mais, aussi, rester rock et bluesy. Difficile. Jagger va prendre la liberté, apparemment sans se concilier avec Richards (à la base, le disque est censé être produit par Don Was et les Glimmer Twins, ces derniers sont Jagger et Richards), d'engager d'autres producteurs : les Dust Brothers, Rob Fraboni, Pierre de Beauport, Danny Saber. Qui ont bossé avec des artistes ou groupes aussi divers et variés que U2, Beck, Joe Cocker, les Beach Boys (pour ces deux derniers, c'est le cas de Fraboni, engagé, en fait, par Keith, lui). Keith se rendra rapidement compte qu'avec tous ces mecs, qui sont souvent venus avec des musiciens de studio qu'ils connaissaient (pas moins de 8 bassistes différents sur Bridges To Babylon !), ça n'allait pas tarder à être le bordel. Jagger aussi s'en rendra compte, mais trop tard, le mal sera fait.

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L'album est donc une sorte de croisement, franchement raté (c'est un des pires du groupe, tout le monde le sait), entre chansons très traditionnalistes (Out Of Control, Low Down, Too Tight, les ballades Always Suffering, Already Over Me (deux morceaux très similaires), Thief In The Night, How Can I Stop ? et You Don't Have To Mean It , ces trois dernières sont chantées par Keith) et morceaux plus 'modernes' dans leurs arrangements, comme Saint Of Me, Anybody Seen My Baby ? (deux tubes), Might As Well Get Juiced (du blues-rock perverti par des arrangements modernistes) et Gunface (noisy). Si les deux tubes et les chansons de Keef me plaisent (et, allez, je rajoute aussi Flip The Switch, pas mal), l'album est, dans l'ensemble, le cul entre deux chaises qui s'écartent lentement mais sûrement l'une de l'autre. A sa sortie, l'album sera un triomphe commercial, les fans attendaient depuis 3 ans un successeur à Voodoo Lounge (dire qu'ensuite, il s'écoulera 8 ans jusqu'au suivant en 2005, et ensuite 11 ans jusqu'au suivant en 2016, le dernier à ce jour...et vu leur âge, probablement leur dernier tout court), mais la presse sera franchement mitigée, trouvant le résultat inégal et loin des meilleurs albums du groupe. La tournée sera triomphale, immortalisée par un live moyen qui, de nos jours, est difficile à trouver : No Security. Le visuel de l'album, ce lion rugissant se dressant, dans un décor ornemental orientalisant, sur ses pattes de derrière, ces motifs assyriens, la tour de Babel, cette photo du groupe en noir dans le désert (Jagger comme hilare, confiant, Richards qui le regarde amusé, les deux autres, en arrière-plan, relégués au statut de Stones secondaires, aucun des deux, ni Watts, ni Wood, ne regarde les Glimmer Twins), ce visuel, est probablement, avec ce titre d'album qui claque (et les quelques chansons que je sauve), la seule bonne chose à dire ici, en fait. Pour fans seulement, et même eux se sentiront lésés, après coup, par ce disque inégal et totalement mineur. 

Flip The Switch

Anybody Seen My Baby ?

Low Down

Already Over Me

Gunface

You Don't Have To Mean It

Out Of Control

Saint Of Me

Might As Well Get Juiced

Always Suffering

Too Tight

Thief In The Night

How Can I Stop ?