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Le deuxième album est toujours difficile à faire : il fut surpasser le premier, ce qui n'est pas chose aisée, sauf si le premier opus est une merde absolue (ça arrive ; mais il faut reconnaître que, souvent, les premiers albums tiennent remarquablement la route), et en tout cas, quel que soit le niveau du premier album, il faut, avec le deuxième, à tout prix réussir à ne pas faire moins bien. Avec October en 1981, U2 a réussi, clairement, à atteindre le niveau de Boy (1980), et a même fait mieux selon moi. Mais comme je l'ai dit hier en réabordant October, il ne fait pas l'unanimité chez les fans. L'unanimité est en revanche nettement atteinte avec le troisième album du groupe, dernier de leurs albums à être produit par Steve Lilywhite (ils passeront à un niveau supérieur dès le disque studio suivant), dernier volet d'une sorte de trilogie, et comme pour bien marquer le fait que c'est une trilogie, non seulement les trois albums ont des titres en un seul mot, mais le petit garçon de la pochette de Boy refait son apparition ici, plus vieux de deux/trois ans. Ce troisième album est sorti en 1983 et, bien évidemment, il s'agit de War. Un disque qui, de sa pochette marquante à ses titres, est on ne peut plus connu, culte. Un des albums les plus évidents de U2 pour à peu près tout le monde. Un de ceux auxquels on pense en priorité quand on pense au groupe de Bono. 

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Pochette culte représentant ce petit garçon, toujours en noir & blanc, toujours torse-nu, toujours les mains derrière la nuque. Mais ça a un peu changé. Cheveux en pagaille, lèvre tuméfiée et surtout, surtout, un regard de malade, toute la rebellion, la colère (et la peur, aussi) en deux globes oculaires qui fixent intensément le possesseur de la pochette. En vinyle (je ne l'ai qu'en CD, cependant), ça a de la gueule, vous pouvez me croire. Tout comme le contenu musical (10 titres, 42 minutes, bien formaté) de cet album enregistré aux Windmill Studios de Dublin, par un groupe qui, clairement, sait qu'il joue toute sa (future) carrière ici. Comme je l'ai dit, October n'a pas fait l'unanimité, peu de hits (Gloria), U2, en 1982, au moment d'entrer en studio pour faire War, n'est pas encore immense. Une fois War dans les bacs, en 1983, il le sera. 1983 est une des années-phares de la bande à Bono. Deux des chansons vont littéralement casser la baraque et monopoliser les charts, ondes radio, TV (via les clips), sono des magasins, du mon dentier. New Year's Day, avec son clip enneigé, son piano sublime, son solo de guitare inoubliable, et le final cyclique de sa version single (la version album, plus longue, se termine différemment ; personnellement, j'ai toujours préféré la version 45-tours). Et Sunday Bloody Sunday, qui partage son titre (à la lettre près) et son sujet avec une chanson de Lennon et Yoko de 1972 (album Some Time In New York City), chanson qui parle de la violente répression policière (il y à eu des morts) d'une manifestation pacifiste à Londonderry, Irlande du Nord, en 1972. Même McCartney, en 1972, jugera utile de faire une chanson politique (une de ses rares) sur le sujet, Give Ireland Back To The Irish. U2 arrive près la bataille, évidemment, mais on se souvient de ce drame au parfum de scandale grâce à leur chanson. Ruade de batterie, chant habité, paroles fortes (Broken bottles under children's feet/Bodies strewn across a dead-end street)...

U2

Le reste de l'album ? Globalement immense. Je ne suis vraiment pas fan de Two Hearts Beat As One, mais le reste est parfait. Seconds (en partie chanté par The Edge : le début) est génial, Like A Song... et Red Light, à défaut d'être de grandes chansons (perso j'adore l'intro de la seconde citée), sont toujours agréables à écouter, Drowning Man possède une ambiance aquatique (un peu logique) et irréelle, très irlandaise aussi, The Refugee, avec ses rythmes percussifs, ouvre idéalement la face B, et les deux dernières chansons achèvent de faire de War un classique du rock des années 80. Surrender (avec son intro géniale et son Bono en grande forme) est probablement ma préférée ici, depuis ma première écoute, il y à plus de 25 ans (et l'album en a 35), de l'album ; et "40", qui tire son nom du Psaume 40 de la Bible et en cite le texte, est une conclusion douce, idéale, un peu étrange aussi, un peu mystique, et n'aurait évidemment pas dépareillé sur October. Une chanson qui, en concert, sera rapidement un passage obligé. How long to sing this song ? Voilà donc un disque sublime, culte, essentiel à tout amateur de rock et de pop/rock des années 80 à maintenant, et un des meilleurs albums (mais pas le meilleur) de U2. Le seul reproche ici est non-musical : pourquoi ne pas avoir mis les paroles de toutes les chansons dans l'intérieur de pochette ? Il manque celles de quatre chansons (je ne sais plus lesquelles). Si on n'a pas la place de tout mettre, autant ne rien mettre ! Mais c'est un détail, du chipotage. Pour moi, le seul défaut réside dans Two Hearts Beat As One, vraiment pas terrible, un peu forcée, mais pas nulle pour autant.

FACE A

Sunday Bloody Sunday

Seconds

New Year's Day

Like A Song...

Drowning Man

FACE B

The Refugee

Two Hearts Beat As One

Red Light

Surrender

"40"