On les avait laissés en assez mauvaise posture, les Irlandais. En 1997, la bande à Bono (ce jeu de mots franchement réchauffé, probablement balancé en France pour la première fois dès la première année d'existence du groupe, ne cessera cependant jamais de me faire sourire) a sorti son 10ème album (en comptant le live de 1983, mais pas l'EP de 1985), Pop, un disque offrant certes deux ou trois bons trucs, mais étant, dans l'ensemble, boursouflé, épuisant, un mélange vraiment foiré (le groupe ne sera pas tendre à son sujet, par la suite) entre pop-rock, électro/dance et trip-hop. Un album poussant vraiment très loin la phase expérimentale du groupe, amorcée en 1991 avec Achtung Baby et poursuivie par Zooropa en 1993, deux excellents albums. Mais Pop, c'était la dose de trop (on notera, au passage, petite digression, que la discographie de U2 semble constituée de trilogies : les trois premiers albums semblent en lien entre eux, ensuite, après le live, on a une trilogie centrée sur l'Amérique et essentiellement produite par Eno et Lanois, puis on a une trilogie assez expérimentale, de 1991 à 1997, puis, à partir de l'album que j'aborde aujourd'hui, une trilogie pop/rock, et les deux derniers albums en date sont clairement un dyptique, en attendant, qui sait, un troisième volet). Le groupe l'a bien compris, et mettra trois ans avant de ressortir un disque, et ce disque, que je réaborde aujourd'hui en m'efforçant d'être plus gentil qu'autrefois (il était classé dans les 'ratages'), sorti donc en 2000, c'est All That You Can't Leave Behind ('tout ce que vous ne pouvez laisser derrière vous'). Un album qui cartonnera bien comme il faut dans les charts, grâce à la présence de quatre gros, gros tubes, assez différents les uns des autres, mais tous des hits.
Long de 49 minutes (pour 11 titres), cet album sorti sous une pochette bien plus sobre que celles des trois précédents opus (on y voit le groupe dans un hall d'aéroport, photo en noir & blanc) et produit par Brian Eno et Daniel Lanois de retour tous deux (Eno n'avait pas produit Pop, Lanois s'était retiré après Achtung Baby) offre donc 4 tubes. Gros souci, partagé avec The Joshua Tree : les tubes sont en intro d'album. Pour l'album de 1987, pas grave, car l'ensemble de l'album est d'un niveau terrassant de maîtrise, on a certes trois hits, mais d'autres chansons, situées plus loin sur le disque, auraient pu en être aussi. Pour l'album de 2000, c'est quelque peu emmerdaillant, car, franchement, les quatre premières chansons sont clairement les meilleures de l'ensemble. Autant les citer, comme ça, ça sera fait et on n'en parle plus (mais en même temps, c'est chiant, car je n'ai pas grand chose à dire des 7 chansons suivantes...) : Beautiful Day, lyrique, quasiment big music dans l'âme, qui a bien hanté les ondes FM à l'époque ; Stuck In A Moment You Can't Get Out Of, dédiée à Michael Hutchence, chanteur d'INXS, suicidé en 1997, belle et triste chanson pour laquelle Mick Jagger avait enregistré des choeurs, mais, n'ayant pas pu être achevés, il n'ont pas été placés sur le disque ; Elevation, utilisé dans la bande-son du navet d'aventures Tomb Raider, et qui saoûle un peu à force de l'écouter (heureusement, le morceau dure moins de 4 minutes) ; et Walk On, belle chanson à la Beautiful Day. Ces quatre chansons qui ouvrent l'album totalisent 17 minutes environ. Même pas une face entière (n'ayant pas l'album sous ce format, je ne suis pas certain de son agencement, et ne précise donc rien en bas d'article).
Le reste de l'album, un album très bien produit et homogène dans ses sonorités, est moins réussi, donc, mais, sincèrement, pas honteux. Si vous voulez du U2 inégal et un peu honteux, prière de se tourner vers l'album suivant, que j'aborde demain, et dont même le titre est d'un ridicule qui confine au sublime (en français, ça donne 'comment désamorcer une bombe atomique'). Pour parler rapidos de ces 7 chansons restantes, disons que Peace On Earth est mièvre, plan-plan, aussi prévisible que son titre ; que New York, assez rythmée, aurait probablement eu sa place sur Achtung Baby et est vraiment pas mal du tout, meilleure que Kite et Wild Honey ; que le final, Grace, est correct, mais que le groupe, tout en ayant fait pire, a surtout fait mieux ; que j'aime assez When I Look At The World au final et me fous assez impérialement de In A Little While. Dans l'ensemble, j'avais vraiment été trop méchant, trop sévère avec ce disque lorsque je l'avais abordé ici il y à environ 8 ou 9 ans, car All That You Can't Leave Behind n'est pas mauvais au demeurant, juste inégal et un peu paresseux. Après trois albums assez recherchés (bien que le troisième du lot soit raté, on ne peut mettre de côté le fait que le groupe a, au moins, essayé quelque chose de différent avec lui), le groupe cherche et trouve une certaine facilité pop-rock, un disque formaté pour les ondes FM (les quatre hits en viendront limite à polluer les ondes de RTL2 et autres, en 2000/2004, avant que le groupe ne nous offre son album suivant), sans prise de risque, bien produit, et avec de bonnes chansons (et d'autres moins bonnes), mais qui ne comptera jamais parmi les joyaux de la couronne de U2. Le pire, c'est queà deux exceptions près, le groupe, depuis cet opus de 2000, ne fait plus que ce genre d'albums...
Beautiful Day
Stuck In A Moment You Can't Get Out Of
Elevation
Walk On
Kite
In A Little While
Wild Honey
Peace On Earth
When I Look At The World
New York
Grace