T1

Le hard-rock en France ? Ah, si on pose la question sur le rock en France, on citera Téléphone, Johnny Hallyday (il serait même cité en premier, j'en ai peur...), Noir Désir, Eddy Mitchell, Dick Rivers, leurs groupes respectifs d'alors (Chaussettes Noires ou Chats Sauvages), No One Is Innocent (ceux-là, si on oublie de les citer, je n'en ferai pas un drame) et les plus pointus citeront aussi Ange, Magma, Bijou, Little Bob Story, voire même, pour les plus pointus des pointus, Gong (officiellement un groupe français malgré la nationalité de certains membres), Moving Gelatine Plates, Heldon ou Au Bonheur Des Dames (faut pas les oublier, ceux-là, leur premier opus est tuant). Mais le hard-rock ? Certains, parmi ceux qui s'y connaissent vraiment, diront Sortilège. D'autres, et ils auront raison, Shakin' Street. Les inconscients diront Pleymo. Mais tout le monde, je pense, citera forcément un groupe : Trust. Il faut dire que Trust, le groupe du chanteur Bernie Bonvoisin, reconverti acteur et réalisateur, et du guitariste Norbert Krief (qui a joué avec Hallyday, notamment), c'était quelque chose. Ils existent toujours, s'étant reformés à quelques reprises. Mais au début de leur carrière, et l'album que je réaborde aujourd'hui est leur deuxième et leur meilleur opus, c'était vraiment, vraiment quelque chose. Les AC/DC français. D'ailleurs, les deux groupes se connaissaient, s'appréciaient. Surtout Bon Scott et Bernie. Quand Bon est mort, ça lui en a fichu un coup. Répression, deuxième opus de Trust, est dédié au chanteur d'AC/DC. La photo du verso de pochette, qui montre le groupe avec des fans, tous font des gueules éplorées, est sans équivoque. Même pas besoin de mettre "A Bon Scott" au verso, ces tronches d'enterrement (pour le coup...) disent mieux que des mots. 

T2

Cet album, qui offre le plus gros tube du groupe (certains diront leur seul et unique tube), est incontestablement leur sommet. Egalement enregistré, à l'époque, en version anglophone, pour le marché anglophone (les mêmes chansons, pas forcément dans le même ordre), Répression est un chef d'oeuvre quasi total. Quasi total, car Les Sectes, morceau final, qui démantibule les sectes de tous genres (et citant notamment le sinistre Jim Jones, qui suicida plusieurs centaines de personnes au Guyana dans sa folie mystique en 1978, ou 79, je ne sais plus), sans être mauvaise, est sans doute le morceau le moins réussi ici. Ou alors c'est Fatalité, qui ouvre la face B. Mais là aussi, c'est pas mauvais. Sinon, que dire  ? Trust tire à boulets rouges sur à peu près tout : le racisme (Au Nom De La Race) ; la révolution culturelle iranienne qui a vu les Ayatollahs prendre le pouvoir (Monsieur Comédie, qui parle de Khomeini) ; la bourgeoisie bien-pensante (Saumur, qui en prend plein la gueule) ; la répression policière, la justice, les prisons, via Le Mitard, qui utilise en partie un texte écrit en prison par Jacques Mesrine, le fameux ennemi public N°1 abattu par la police en 1979 et à qui Renaud avait dédié son Marche A L'Ombre, en 1980 (Paul Toul, de Paris), Fleury-Mérogis, un jour de septembre 76, où j'existais si peu que j'n'étais même pas personne... A la toute fin, on entend carrément la voix de Mesrine, qui s'était enregistré peu avant sa mort. Je suis dans une prison dont on ne s'évade pas. Mesrine est aussi en filigrane sur Instinct De Mort, chanson fulgurante malgré son tempo assez lent, et qui tire son nom de l'autobiographie de Mesrine, sortie en 1977. Sors Tes Griffes, elle, parle de l'impossible rédemption du mec qui sort de taule et voudrait bien, sa connerie faite, sa pénitence effectuée, reprendre une vie normale, un boulot, etc, mais on ne lui en laisse pas la possibilité, marqué à jamais du sceau de l'infâmie. 

T3

Enfin, Antisocial, qui ouvre magnifiquement l'album. Ais-je besoin d'en parler ? 5 minutes parfaites, qui démarrent en guitare acoustique, se finissent en furie metal...La chanson parle des inadaptés, des loubards, des marginaux, avec un sens de l'à-propos redoutable. Malgré qu'il s'agisse de hard-rock, la chanson est entrée dans la légende de la chanson française, tout simplement, Trust a trouvé son morceau ultime (aussi tôt dans leur carrière, c'est con ; mais Marche Ou Crêve, l'album suivant, offrira lui aussi de grandes chansons, comme l'hommage à Bon Scott, Ton Dernier Acte), celui qu'ils sont obligés de chanter à chaque concert sous peine d'émeute dans la salle et de demande de remboursement du prix du billet. On ne présente plus pareil monument, aux paroles crachées avec hargne par un Bernie Bonvoisin qui, rarement, aura aussi bien chanté qu'ici (sauf sur Instinct De Mort, où sa voix froide de colère est parfaite, et sur Ton Dernier Acte). Une chanson parfaite qui ouvre un album quasiment parfait, et encore j'ai l'impression d'exagérer. C'est vraiment un disque sensationnel, une bonne quarantaine de minutes qui foutent la rage et une patate d'enfer, 10 morceaux de feu, un des plus grands albums de rock français, tout simplement. 

FACE A

Antisocial

Mr Comédie

Instinct De Mort

Au Nom De La Race

Passe

FACE B

Fatalité

Saumur

Le Mitard

Sors Tes Griffes

Les Sectes