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Fairport Convention... Un groupe culte, aujourd'hui un peu oublié (comme les Américains du Jefferson Airplane, lesquels ne faisaient pas du tout le même style de musique, soit dit en passant, c'était juste pour l'exemple), britannique, les spécialistes de la folk-rock à tendance celtique. Le groupe a été fondé en 1967 et a accueilli en son sein, dès ses débuts, un guitariste du nom de Richard Thompson, assurément une des meilleures lames de la guitare au Royaume-Uni. Devant son nom à celui de la maison dans laquelle le groupe répétait à la base, et où, selon la légende, il aurait été crée (Fairport, à Muswell Hill, dans les quartiers nord de Londres, maison appartenant au père d'un des membres du groupe, le guitariste Simon Nicol), le groupe est constitué, donc, de Simon Nicol et Richard Thompson (guitares, plus un peu de chant pour le second), Ashley Hutchings (basse, un des deux membres fondateurs avec Nicol, Thompson est arrivé juste après), Martin Lamble à la batterie (il ne fut pas le batteur originel, mais il joue dès le premier album), et au chant, une jeune femme du nom de Judy Dyble, qui avait la charmante habitude de...tricoter, sur scène, pendant les passages instrumentaux ou les chansons interprétées par Thompson. Le premier album du groupe sort en 1968, il est éponyme et produit par Joe Boyd (Nick Drake). On y trouve de sublimes chansons (One Sure Thing, Chelsea Morning reprise à Joni Mitchell, Decameron). C'est le seul album du groupe avec Judy Dyble qui partira peu après, remplacée par Sandy Denny, et avec l'arrivée de cette nouvelle chanteuse, Fairport Convention trouve sa voie. Denny, morte connement en 1978 des suites d'un accident domestique (chute dans un escalier), restera en effet quasiment tout le reste de sa vie dans le groupe, elle en partira rapidement, pour revenir vers 1975. Elle est entrée dans l'Histoire du rock pour avoir été le seul artiste féminin à jouer sur un album de Led Zeppelin : en l'occurrence, chanter, la concernant. Elle chante en effet en duo avec Robert Plant sur la chanson The Battle Of Evermore, sur le quatrième album, sans nom, de Led Zeppelin, en 1971.

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Verso de pochette

En 1969, Fairport Convention sort trois albums : What We Did On Our Holidays, le premier, donc, avec Sandy Denny, un très bon album ; et cet Unhalfbricking, lequel est probablement, en concurrence avec le suivant (Liege & Lief, que j'aborderai ici bientôt et qui date de 1969 aussi), le sommet de la carrière des folkeux. Sorti sous une étonnante pochette montrant les parents de Sandy Denny posant devant leur maison (le but est de donner une atmosphère chaleureuse, conviviale et simple à l'ensemble : de ce côté-là, c'est effectivement réussi), avec le groupe en arrière-plan dans le jardin (au dos, le groupe, à table, en train de manger), et sous un titre encore plus étonnant (et qui ne veut rien dire : le groupe avait l'habitude de jouer à jeu de mots du nom de "Ghost", populaire en Angleterre, et consistant à créer des mots à partir de bribes d'autres mots), Unhalfbricking a été, dans certains pays, publié sous une autre pochette encore plus étrange, voir plus bas, représentant des...éléphants de cirque ! Je ne veux même pas chercher à savoir pourquoi... Bon, passons. Ce disque est important pour moi, car il fut mon premier Fairport Convention. Je ne suis pas un gros fan de ce groupe, je ne possède, en tout et pour tout, que cinq de ses albums (le premier, celui-ci, Liege & Lief, Full House et Babbacombe Lee), plus des albums solo de Richard Thompson (j'en ai abordé un récemment, Pour Down Like Silver), et comparé au nombre d'albums que ce groupe à la forte rotation a enregistré, c'est vraiment peu. Forte rotation, ça veut dire, évidemment, que le changement de personnel a très souvent eu lieu dans le groupe. Le temps d'une partie de 1976, par exemple, le groupe a accueilli un certain Dan Ar Braz (guitare). Certains changements ne furent pas parce que le musicien voulait partir ou n'était pas convaincant : la sortie d'Unhalfbricking a été endeuillée par un drame de la route, un accident mortel survenu au batteur du groupe, Martin Lamble - qui n'avait que 19 ans -, et à la petite amie de Richard Thompson, Jeannie Franklin, tous deux décédés dans le crash, les autres membres du groupe présents furent juste blessés (c'était de retour d'un concert à Birmingham). Ashley Hutchings dira, par la suite, ressentir de fortes émotions rien qu'à regarder le verso de pochette de l'album : la tenue qu'il porte dessus est celle qu'il avait au moment de l'accident, et qui finira tachée de sang...

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Pochette alternative

Unhalfbricking est un disque sorti dans un contexte difficile, le groupe parviendra à se remettre et accouchera d'un autre chef d'oeuvre, Liege & Lief (j'en reparlerai ici bientôt). J'ai cité les membres du groupe, citons aussi les invités sur l'album : Dave Swarbrick (violon, mandoline) qui fera officiellement partie du groupe dès l'album suivant ; Iain Matthews (choeurs sur un titre) ; Trevor Lucas (triangle sur un titre) ; Marc Ellington (choeurs sur un titre). L'album propoe 8 titres, pour un total de 39 minutes. Une réédition de l'album, récente, propose deux bonus-tracks, des reprises (Ballad Of Easy Rider des Byrds, Dear Landlord de Dylan), j'ignore ce qu'elles valent, mon édition CD, plus ancienne, ne les contenant pas. J'ai peu de doutes sur leur qualité, ceci dit. Concernant Dylan, d'ailleurs, trois des morceaux de l'album sont des reprises du Barde : Million Dollar Bash est une des très nombreuses chansons composées et enregistrées par Dylan et le Band durant les sessions de 1967 des Basement Tapes (à l'époque, sorties en pirate : The Great White Wonder ; sorties officiellement en 1975, et il y à un mois, en coffret intégral). Percy's Song est une des chansons que le Barde composa pour son album The Freewheelin' Bob Dylan mais ne conservera pas pour l'album (sauf erreur de ma part, dans le film Don't Look Back de 1967, film documentaire sur Dylan, on voit, dans une scène, Joan Baez chanter un passage de la chanson, au grand dam de Dylan, dans une chambre d'hôtel). Si Tu Dois Partir, enfin, est une reprise, en français, de If You Gotta Go, Go Now (datant des sessions de l'album Bringing It All Back Home). Les paroles en français furent faites par un groupe d'amis du groupe, francophones ou francophiles, au cours d'une soirée, et ce, afin de rendre le morceau plus original. Cette chanson sortira en single, et est l'OVNI musical de l'album, et une petite réussite amusante (bonne prononciation de Sandy et Richard). L'idée de reprendre ces chansons viendra au groupe suite à l'invitation de Dylan, qui leur proposa, en 1969, d'écouter des chansons des Basement Tapes, inédites. Cela fut apparemment très difficile de choisir quelles chansons reprendre, le groupe les ayant toutes adorées !

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Le reste de l'album est composé par le groupe, même si A Sailor's Life, longue pièce celtique de 11,20 minutes, est basé sur un air traditionnel. Assurément le sommet d'Unhalfbricking, c'est une chanson triste, mélancolique sur la difficile et périlleuse, fréquemment dramatique, d'un marin, sur l'attente de sa famille restée à terre. Le morceau démarre en chanson, une mélopée magnifiquement interprétée par une Sandy Denny des plus concernée, ambiance celtique assurée. La seconde moitié du morceau est une jam instrumentale où le violon de Swarbrick et les guitares de Thompson et Nicol tissent des entrelacs sonores absolument grandioses, c'est d'une beauté hors du temps, hors de ce monde. Indescriptible. Oui, c'est le sommet de l'album, et pas seulement parce que c'est le morceau le plus long de l'ensemble. Le reste de l'album est d'un niveau remarquable aussi, Cajun Woman est un petit régal faussement accessoire, une chanson enlevée, d'apparence basique, avec un violon (fiddle) énergique ; Genesis Hall (qui sera la face B du single Si Tu Dois Partir, lequel single sera le seul du groupe à entrer dans les charts, au passage) est une merveille qui ouvre sublimement l'album ; Autopsy est triste à pleurer, Sandy livre ici une prestation étouffante ; mais si on excepte A Sailor's Life, sa meilleure prestation vocale ici reste le classique Who Knows Where The Time Goes ?, qu'elle a écrite, une splendeur mélancolique, triste comme un jour sans Q, une chanson qui prend son temps (5,15 minutes) et pose une atmosphère quasiment palpable de mélancolie. S'il n'y avait A Sailor's Life sur l'album, cette chanson serait le sommet d'Unhalfbricking. Pour résumer, 8 chansons épatantes, reprises ou originales, une interprétation sublime, une production très réussie, une ambiance parfaite, et un packaging et titre étonnants pour aller avec : Unhalfbricking est clairement un des joyaux de la musique folk des années 60 à maintenant, un des meilleurs albums de folk anglais, un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, album du groupe, juste devant le tout aussi abouti Liege & Lief. Essentiel.

FACE A

Genesis Hall

Si Tu Dois Partir

Autopsy

A Sailor's Life

FACE B

Cajun Woman

Who Knows Where The Time Goes ?

Percy's Song

Million Dollar Bash