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1981. Killers, le deuxième album d'Iron Maiden sort. Plutôt bien accueilli dans l'ensemble (mais moins que le précédent), il marque un tournant pour le groupe : Maiden commence à tourner en dehors de l'Angleterre, allant au Japon, aux Etats-Unis... Leur renommée augmente. Mais Paul Di'Anno, leur très punk chanteur, devient ingérable, avec son comportement erratique et imprévisible, et ses addictions à l'alcool et à la drogue. Le groupe le vire (Di'Anno dira, lui, être parti de son propre chef, et que la came n'avait rien à voir avec tout ça), et le remplace par le chanteur d'un groupe de heavy-metal du nom de Samson, un certain Bruce Dickinson. Une chose est sûre : Samson a énormément perdu, et Maiden énormément gagné, en signant Dickinson. De son vrai nom Paul (Bruce est son second prénom), Dickinson possède une voix totalement différente de celle, éraillée, rauque, de Di'Anno. Celle de Bruce (dont la coupe de cheveux est plus raccord avec Maiden que celle de Di'Anno, d'ailleurs !) est tellement aiguë que le chanteur récoltera assez rapidement un surnom qui lui tiendra chaud pendant le reste de sa carrière (toujours active, il est toujours dans le groupe) : Red Air Siren. Ce surnom amusant vient sans doute d'un courrier de fan qui, après la sortie du troisième album du groupe, dire ne pas savoir, pour le moment, s'il apprécie d'entendre les chansons de Maiden chantées par une sirène anti-aérienne ! Dickinson arrive en fin d'année 1981, et en janvier et février 1982, le groupe entre en studio (mis à part Dickinson, le line-up est inchangé), aux studios Battery de Londres où ils avaient accouché de Killers, afin d'enregistrer leur troisième opus. Toujours sous la houlette du producteur Martin Birch.

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Ce troisième album va tout changer. Tout. Tout. Tout. On peut le dire, il y à un "avant" et un "après" The Number Of The Beast, car tel est le nom de l'album. Un disque encore une fois court, 40 minutes pour 8 titres. Certaines éditions vinyles (aux U.S.A., je crois) et la plus récente réédition CD contiennent un titre supplémentaire, situé en avant-dernière position, Total Eclipse, pour un total de quasiment 45 minutes (ça sera la dernière fois qu'un album de Maiden aura un titre supplémentaire, en CD, par rapport à sa version originale vinyle ; dès le disque suivant, les albums sortiront en vinyle dans des versions définitives). Sous une pochette signée, comme toujours, Derek Riggs, et représentant Eddie en marionnettiste, avec le Diable en pantin (et le Diable en marionnettiste d'un petit Eddie...le tout, dans une ambiance apocalyptique et un gros incendie sur la terre ferme) et un titre éloquent, qui feront tous les deux polémique (des copies de l'album seront brûlées en autodafés, aux U.S.A., dans certains Etats conservateurs et bigots) et assureront à Maiden une réputation totalement ridicule et injustifiée de sataniste (tout comme Black Sabbath, d'ailleurs). Laissons-les dire, après tout, il y à des cons partout... L'album s'ouvre sur une chanson un peu anodine, et contient par la suite, vers sa fin, un titre franchement embarrassant, mais mis à part ça, c'est une authentique tuerie heavy-metal, un album qui fera date. Invaders, la première chanson, parle des invasions vikings sur l'Angleterre, une sorte d'Immigrant Song (Led Zeppelin) en plus heavy, et vu du côté des envahis. Au fil de la chanson, Dickinson pousse des braillements (Invaaaaaaaaaadeeeeers) de plus en plus aigus, il s'en donne à coeur joie, la chanson ne le méritait sans doute pas (elle est pas mal, mais il y à mieux, nettement mieux, sur l'album et chez Maiden), mais ça sonne bien. Children Of The Damned, allusion au film du même nom (Les Enfants Des Damnés, suite du Village Des Damnés, classique de l'horreur), démarre magnifiquement (quelle intro !) pour ensuite se poursuivre dans une ambiance dépressive, mélancolique et lourde en même temps, c'est excellent. The Prisoner, inspiré de la série TV du même nom, suit. Le groupe, voulant utiliser, pour son intro, un extrait vocal de la série TV, demandera son autorisation à l'acteur principal, Patrick McGoohan (qui ne leur dira qu'une seule chose : OK, foncez !), et on entend donc sa voix, hurler I'm not a number ! I'm a free man ! juste avant la fracassante (ce riff...cette ruade de batterie...) intro du morceau. Une chanson grandiose, osons le dire (j'ose). 22 Acacia Avenue, plus connue, est la suite de Charlotte The Harlot, chanson du premier album qui parlait d'une pute. Là aussi, on en apprend de belles sur elle, peu regardante sur le prix, ouverte à tout, etc... Un solo infernal (un double solo, en fait, Dave Murray et Adrian Smith ont chacun leur moment de gloire) fait rentrer cette chanson dans l'immortalité.

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Woe to you, oh Earth and Sea, for the Devil sends the Beast with wrath, because he knows the time is short/Let him who hath understanding reckon the Number of the Beast/For it is a human number/Its Number is six hundred and sixty-six... La voix est sombre, solennelle, profonde (celle de Barry Clayton, un acteur anglais ; le groupe voulait Vincent Price, mais il demandait trop d'argent), et elle cite l'Apocalypse, le dernier (et treizième) livre de la Bible, verserts 12:12 et 13:18 (on retrouve cette citation au dos de pochette). C'est ce qu'on entend quand on pose le sillon au début de la seconde face de l'album (ou qu'on laisse le CD poursuivre sa route une fois 22 Acacia Avenue, qui achevait la face A, se finir, OK, OK). Cette intro mythique et qui en jette est évidemment celle du morceau-titre de l'album, une chanson démentielle que ce The Number Of The Beast, que le groupe ne cessera jamais de jouer live (avec le public entonnant la fameuse citation biblique). Que dire ? Le riff qui déboule juste après la citation est terrible, Dickinson qui se met à chanter calmement (I left alone, my mind was blank...) avant de s'énerver progressivement et, finalement, de pousser un terrible hurlement suraigu. Was all this for real or just some kind of Hell ? Parlant d'un sabbat de sorciers, de démons réveillés, et d'un homme en plein cauchemar (ou bien, vraiment sur place) et assistant à cette scène infernale, The Number Of The Beast est une des marques de fabrique du son Maiden. Impossible d'écouter du Maiden sans connaître cette chanson. Celle qui suit, Run To The Hills (sur le massacre des Indiens par les Américains colons), sortie aussi en single, sera elle aussi un morceau de choix : un riff qui reste en tête, un refrain du genre à brailler en choeur dans les stades du monde entier (Ruuuuun to the hiiiiills...ruuuuun for your liiiiiives), une durée pas trop longue (4 minutes). Mais je me suis franchement lassé d'elle, elle est énervante à la longue. Quand même meilleure que la suivante, Gangland. Cette chanson sur un homme pourchassé par la Mafia est la chanson embarrassante dont je parlais plus haut, une merde totale (co-écrite par le batteur Clive Burr, mais ce n'est pas pour ça qu'elle est merdique) au refrain irritant, Dickinson est en petite forme, rien à sauver. Heureusement, elle est courte. Arrive ensuite, sur le CD en tout cas (et certaines éditions vinyle), Total Eclipse, aussi co-écrite par Burr, et, elle, cent fois meilleure. Un riff pesant et lent, une ambiance à la Children Of The Damned, c'est une chanson excellente qu'il aurait mieux fallu mettre sur le disque original en lieu et place de Gangland (qui a vraiment un niveau de face B de single). Enfin, le morceau le plus long (7,30 minutes) de l'album en guise de final : l'anthologique Hallowed Be Thy Name, chanson progressive (plusieurs changements de rythmes ; Steve Harris, bassiste et leader du groupe, a toujours été un fan de rock progressif, Genesis, Jehro Tull, King Crimson...) au thème sinistre : un condamné à mort attend la potence, il arrive à ses dernières minutes, on vient le chercher... Les riffs (deux ou trois, différents, tous anthologiques) arrivent bien à retranscrire l'ambiance gothique à la Hammer de l'histoire. Grandiose manière de finir l'album. Une chanson qui n'a d'ailleurs pas d'autre place possible sur le disque qu'en final, car elle est tellement grandiose qu'on ne saurait quoi mettre à sa suite.

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The Number Of The Beast est donc un grand album de heavy metal et d'Iron Maiden, même s'il offre quand même deux chansons anodines (surtout Gangland) et même si un de ses plus gros hits, Run To The Hills, est énervant à la longue. Mais on sent une grosse accélération de niveau après un Killers déjà remarquable, et ce nouveau chanteur, Bruce Dickinson, parvient totalement à faire oublier Paul Di'Anno, qui était pourtant très bon dans son registre. D'ailleurs, en live, Dickinson interprétera pas mal de chansons de la première époque (étant donné que Running Free, Wrathchild, Iron Maiden et Sanctuary sont des morceaux essentiels et majeurs, le groupe se devait de continuer à les chanter, mais d'autres chansons comme Remember Tomorrow, Prowler, Phantom Of The Opera, Purgatory ou Killers seront elles aussi jouées durant l'ère Dickinson), et se démerdera comme un chef étoilé avec elles. Au final, pour en revenir à The Number Of The Beast, l'album sera un hit, un best-seller colossal pour le groupe, et est souvent considéré comme un des plus grands albums du genre. Je pense personnellement que le groupe fera bien mieux après, mais c'est vrai que cet album est absolument dantesque et que passer à côté me semble, si on aime le hard-rock, totalement impossible. Pas le meilleur du groupe, ni mon préféré, mais c'est un essentiel absolu. 6, 6, 6, the Number of the Beast/Sacrifice is going out tonight...

FACE A

Invaders

Children Of The Damned

The Prisoner

22 Acacia Avenue

FACE B

The Number Of The Beast

Run To The Hills

Gangland

Hallowed Be Thy Name