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Hier, j'ai réabordé Siren de Roxy Music en étant nettement moins dithyrambique, à son sujet, qu'autrefois, lors de mon ancienne chronique (qui datait d'il y à 8 ou 9 ans, tout comme l'ancienne concernant cet album, ça remonte), car entre temps, mon avis sur l'album avait un peu évolué, et pas en bien, et je ne me reconnaissais plus dans l'ancienne chronique. Pour cet album de Frank Zappa, c'est absolument pareil...mais dans le sens inverse ! L'ancienne chronique était carrément classée dans les 'ratages musicaux', et tout du long de mon ancienne chronique, moyennement longue, j'étais du genre 'cassage de Q intégral'. Car, autrefois, je n'aimais vraiment pas cet album, à l'exception de deux-trois morceaux, généralement les instrumentaux (peu nombreux ici). Mais désormais, cet album, sans aller jusqu'à dire que je le surkiffe sa race de pute en slip de nylon vert pomme, je dois dire que je l'aime vraiment beaucoup, au point de m'être payé le vinyle (réédité, triple album) récemment. Cet album, un triple mais qui n'est pas sorti tel quel à l'époque, c'est Joe's Garage, un album de Zappa, donc, qui date de 1979 et que j'estime être probablement l'ultime grand, grand opus du Moustachu à l'humour frappadingue. Comme je l'ai dit, cet album, un album conceptuel qui est en réalité, au même titre que le Tommy des Who et The Wall de Pink Floyd, un vrai opéra rock, est un triple album (et double CD), d'une longueur totale d'à peu près 115 minutes (grosso merdo, une quarantaine de minutes, ou un petit peu moins, par disque vinyle).

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Mais cet album, à sa sortie en 1979, a été publié en deux temps. Tout d'abord, il y à eu un disque simple intitulé Joe's Garage - Act I (pochette identique à celle de l'intégralité, hormis, évidemment, la précision qu'il n'y à que l'Act I dessus), sorti en septembre 1979. Puis, en novembre de la même année, un double album (pochette ci-dessus, le visuel sert désormais de verso au triple album et double CD) intitulé Joe's Garage - Acts II & III, est sorti. Pourquoi cette livraison en deux temps ? Sans doute que Zappa ne voulait pas tout sortir d'un coup en triple album car le coût (de production, mais surtout de vente en magasin) aurait été trop élevé ; sans doute aussi est-ce pour faire durer le suspense sur la conclusion de l'histoire racontée tout du long de cet opéra-rock bien délirant, rempli de personnages interprétés par les musiciens, choristes et Zappa lui-même (certains, comme Zappa, jouent plusieurs rôles). En tout cas, ce n'est pas parce que sa maison de disques refusait de tout sortir d'un coup : cet album a en effet été publié sur le propre label de Zappa, Zappa Records, qui venait d'être crée (Sheik Yerbouti, double album de 1979, fut, il me semble, le premier album publié sur son propre label, puis il y eut Joe's Garage), Zappa n'avait donc très certainement pas de freins pour le sortir en intégralité d'un coup, s'il l'avait voulu. Précisons que généralement, le triple vinyle, réédité récemment, vaut dans les 40 €, alors j'imagine le coût des pressages originaux des deux albums distincts sortis à l'époque...

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Publicité d'époque, pour le premier volume

Sorte de version musicale (dans tous les sens du terme) du Fahrenheit 451 de Bradbury et du 1984 d'Orwell, Joe's Garage se passe dans une époque futuriste (mais aux USA). L'histoire est décrite dans un long texte situé dans l'album, mais les paroles, également dans l'album, sont cependant suffisamment explicites. Dans ce futur, la musique est devenue illégale. L'album démarre par une voix robotisée (c'est Zappa qui la joue), celle du Central Scrutinizer, une sorte de Big Brother, qui nous dit d'emblée que l'album que nous allons écouter est un disque de propagande cherchant à prouver par A + B que si on veut braver les interdits et faire de la musique, il nous arrivera des bricoles, celles qui arrivent à Joe (joué par Ike Willis, un chanteur et guitariste, mais seulement chanteur ici), le héros de l'histoire. Joe possède un groupe de musique qui répète dans son garage (d'où le titre de l'album ?, me demandez-vous ? Pourquoi poser cette question ?), mais compte tenu du bruit qu'ils font, ils sont dénoncés par leurs voisins, et la police, donnant un avertissement, conseille à Joe et ses amis de se tourner vers autre chose, comme par exemple la religion. Catholic Girls (sorte de réponse à son Jewish Princess polémique de Sheik Yerbouti) : alors qu'il assiste à une assemblée dirigée par le Père Riley (Zappa, encore), il y rencontre Mary (jouée par Dale Bozzio, femme du batteur Terry Bozzio, lequel joue aussi sur l'album), une vraie nympho qui aime assister aux concerts pour se taper les musiciens (Crew Slut). Suit un concours de T-shirts mouillés (renommé, sur le CD, Fembot In A Wet T-Shirt), et une virée en bus. Joe tombe dans les bras d'une certaine Lucille qui, après lui avoir refilé une belle chaude-pisse (le très léger, subtil, aérien, zappaïen quoi, Why Does It Hurt When I Pee ?), le laisse en plan (Lucille Has Messed My Mind Up), désespéré, et tandis que le Scrutinizer nous laisse lui aussi en plan, le premier acte se finit sur une annonce : Joe va se rendre dans une curieuse secte venant d'être crée, la First Church Of Appliantology.

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Un des visuels de la pochette

L'acte 2 démarre par A Token Of My Extreme ("un échantillon de mes extrêmismes"), dans lequel Joe découvre cette Eglise d'Appliantologie, créée par un certain L. Ron Hoover (joué par Zappa). La parodie est trop évidente pour l'expliquer ici, mais je le fais quand même, on ne sait jamais : ici, Zappa se moque allègrement, et méchamment, de la Scientologie, imaginée par l'écrivain de SF L. Ron Hubbard. Hoover essaie d'explique à Joe ce qui déconne dans sa vie, et Joe, qui apprend ainsi qu'apparemment, il ne pourrait trouver le bonheur sexuel qu'avec des machines, de fil en aiguille, se rend dans un night-club étrange où il danse avec des robots (Stick It Out) et fait la rencontre de Sy Borg (joué par Ed Mann et Warren Cucurullo), un robot, mais qui se trouve être le fils de Mme Borg, sa voisine délatrice du début d'histoire (vous suivez ?) Entre Joe et Sy Borg, le contact se fait...assez bien, les branchements sont effectués, etc, etc... Les ébats, dans l'appartement de Sy Borg, sont tellement torrides que Joe en casse le robot. La police arrive, il est envoyé en prison, y participe à des partouzes homosexuelles organisées par l'aumônier de la prison (Dong Work For Yuda, Keep It Greasey, aux paroles délicieusement obscènes : garde-le graisseux, il rentrera facilement), finit par être libéré (Outside Now). Fin de l'acte 2. Au début du 3 (He Used To Cut The Grass), Joe, libre, souffre de ne plus pouvoir jouer de la musique, et se met à imaginer, dans sa tête, de fulgurants soli de guitare et bascule progressivement dans la folie, s'imaginant une star et, le temps d'une chanson (Packard Goose), s'imagine répondre vertement aux critiques. Mais une voix dans sa tête, celle de Mary, lui disant que l'information n'est pas le savoir, le savoir n'est pas la sagesse, la sagesse n'est pas la vérité, la vérité n'est pas la beauté, la beauté n'est pas l'amour, l'amour n'est pas la musique et la musique est ce qu'il y à de mieux dans la vie le déprime encore plus, et après avoir imaginé, dans sa tête, un ultime solo de guitare ébouriffant (Watermelon In Easter Hay, que Dweezil Zappa, fils de Frank, estime être le sommet guitaristique de son papounet, et que Zappa lui-même disait être le sommet de l'album ; un solo de guitare magistral et xénochrone, comme Zappa le faisait parfois), plaque définitivement tout, rentrant dans le rang, et se fait engager dans une usine de fabrication de muffins (A Little Green Rosetta, morceau final, plus une Grande Finale délirante et indépendante qu'une vraie conclusion de l'histoire). Et voilà pour ce résumé certes chabraque (pas évident, même en se basant sur internet et l'écoute de l'album, de résumer Joe's Garage) mais à peu près complet, de l'intrigue de ce concept-album.

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Autre visuel issu de la pochette interne

Musicalement ? C'est du Zappa, mais ce n'est pas du Zappa complexe et bien tarabiscoté comme on peut l'entendre sur des albums tels que Waka/Jawaka, Chunga's Revenge, 200 Motels ou Uncle Meat (fait avec les Mothers Of Invention de la première époque). Avec ses passages xénochrones (c'est à dire que Zappa, qui utilisait pas mal cette technique qu'il a quasiment inventée, mélangeait des passages musicaux déjà existants qu'il mixait dans sa musique, intercalant un solo de guitare issu d'un morceau joué live au milieu d'un nouveau morceau), ses paroles délirantes et souvent osées (Keep It Greasey, Stick It Out, Crew Slut, Catholic Girls, Dong Work For Yuda...), ses vocaux bien barrés, son histoire frappadingue, ses personnages délirants (Sy Borg, L. Ron Hoover, Father Riley...), ses soli de guitare à tomber, ses mélodies invraisemblables et très variées, sa durée parfois épuisante de presque deux heures et son imagerie complètement cintrée, Joe's Garage est un des albums les plus cultes de Zappa. Son meilleur, probablement pas, sauf de cette période précise du début des années 80. Mais je suis quand même nettement plus fan de Hot Rats, The Grand Wazoo, Uncle Meat, Waka/Jawaka, Apostrophe (') et Over-Nite Sensation. N'empêche, mea culpa, moi qui avait conchié ce disque il y à longtemps ; sans doute étais-je trop jeune (en même temps, ce fut mon premier Zappa, et c'est peut-être pas la meilleure porte d'entrée, mieux vaut prendre Apostrophe (') ou Hot Rats), sans doute l'ai-je trop souvent écouté au début et m'en suis-je lassé (j'ai mis des années avant de le réécouter), sans doute faut-il vraiment laisser à l'album le temps d'infuser. Au final, c'est clairement un excellent opus que celui-ci ! Bourratif, mais généreux !

Act I

FACE A

The Central Scrutinizer

Joe's Garage

Catholic Girls

Crew Slut

FACE B

Wet T-Shirt Nite (Fembot In A Wet T-Shirt)

Toad-O-Line (On The Bus)

Why Does It Hurt When I Pee ?

Lucille Has Messed My Mind Up/Scrutinizer Postlude

Act II

FACE C

A Token Of My Extreme

Stick It Out

Sy Borg

FACE D

Dong Work For Yuda

Keep It Greasey

Outside Now

Act III

FACE E

He Used To Cut The Grass

Packard Goose

FACE F

Watermelon In Easter Hay

A Little Green Rosetta