Souvenez-vous, fans des Beatles, c'était en 2006 : un nouvel album de votre groupe préféré. Comment qu'il a fait parler de lui-, celui-là ! Love, qu'il s'appelait. Rapidement, la chose a été mise au clair (de lune) : en fait, non, ce n'est pas un nouvel album des Beatles, il n'y à pas de chansons inédites dessus. Et puis, après tout, quand des chansons inédites furent proposées, réellement, aux fans, via les deux premiers Anthology en 1995, ce fut à chaque fois quelque peu frustrant, foutage de gueule, même : Real Love et Free As A Bird, telles étaient ces chansons, n'étaient que des démos retravaillées (et Real Love n'était pas inédite : les possesseurs de la compilation de 1988 Imagine : John Lennon le savent, elle se trouvait dessus, en version de travail, certes, pas aussi retravaillée, certes, mais présente tout de même). Alors un nouvel album des Beatles, pour les fans, ça sonnait un peu comme The Yellow Submarine Songtrack (compilation de 1999 regroupant toutes les chansons présentes dans le dessin animé Yellow Submarine, et oubliant allègrement les pièces instrumentales de George Martin composées pour ledit dessin animé, instrumentaux présents sur l'album original de la bande-son sorti en 1969), ou un peu comme Let It Be...Naked, ce disque de 2005 proposant une version déspectorisée de Let It Be, comme l'album était intentionnellement désiré par McCartney.
Mick, Keith, Malcolm et Angus : les Who (non, vous y avez cru ?)
Avant sa sortie, Love allait foutre sa merde, on le sentait. Un Beatlemaniaque se reconnaît au fait qu'il achète les yeux, oreilles, narines et bouche fermé(e)s n'importe quel produit estampillé Beatles, de la réédition mono en vinyle de l'entier catalogue, albums américains inclus, au service à thé avec une pomme verte dessus. Il a acheté toutes les compilations, il a acheté Let It Be...Naked, les Live At The BBC. Il achètera Love de la même manière, et l'album sera d'ailleurs, comme on peut s'y attendre, une belle affaire en terme de nombre d'exemplaires vendus (en plus, il est sorti vers Noël, comme la compilation 1 quelques années plus tôt, il s'est sans doute trouvé sous le sapin de certains). Mais le monde entier n'est pas rempli que de Beatlemaniaques, ça serait trop beau, ou trop triste, c'est selon. Les rock-critics, la presse musicale en générale, s'est retrouvée divisée avec cet album long (plus de 70 minutes, 26 morceaux) et étrange. Ceux qui aiment, ceux qui détestent. Les non-fans, généralement, ont eu du mal à voir en quoi ce disque était intéressant. Reconnaissons qu'il est étrange, ce Love. A la base, c'est la bande-son d'un spectacle organisé par la fameuse compagnie canadienne du Cirque du Soleil. Pour ce faire, on a, sous la houlette de George Martin, de son fils Nile, et des deux Beatles en vie (Ringo, Macca, fallait-il le rappeler ?), mixé ensemble plusieurs chansons, ou bribes de chansons, des Beatles. On les a réarrangées, on leur a viré ou rajouté quelque chose. Les conservateurs musicaux diront pas touche aux Beatles, même quand on en est un ancien, même quand on les a produit, sinon je mords. Les libéraux musicaux diront bah, un peu de sang neuf ne fait pas de mal, de temps à autre. J'imagine qu'aujourd'hui encore, 8 ans après, le débat doit toujours faire rage dans les forums spécialisés, les rencontres de fans, etc.
Je ne vais pas parler pendant des plombinettes de Love de la même manière que je l'ai fait récemment pour des albums comme Physical Graffiti, The Silent Corner And The Empty Stage ou Tonight's The Night. Love est dans l'ensemble indescriptible. Il recèle de grands moments, d'autres plutôt moyens, voire pénibles (quelqu'un m'expliquera-t-il un jour, même si c'est dans 30 ans, à quoi ça peut servir de passer des bribes de Sun King à l'envers, et de le rebaptiser, logiquement, vu qu'il est à l'envers, Gnik Nus ?). Mais dans l'ensemble, il est à considérer comme un voyage intérieur au sein des Beatles, une expérience musicale et sensorielle, ça ne peut être que ça, rien d'autre, et certainement pas un vulgaire album. Ni une putain de compilation. C'est autre chose, ce Love. Personne ou presque n'a jamais dit à quel point ça peut être bouleversant d'entendre Because a capella, sans aucune musique, juste les harmonies vocales (sublimes, on le rappelle). Certaines transitions, certains couplages, sont du pur génie, Eleanor Rigby avec Julia, Here Comes The Sun avec le trop méconnu The Inner Light, Come Together relié avec Dear Prudence et Cry Baby Cry, Blackbird et Yesterday (pour celle-ci, Macca n'a pas attendu Love pour la faire : sur son triple live Wings Over America de 1976, période Wings, il reprenait les deux chansons, à la suite), Octopus's Garden chanté sur l'air de Good Night avant de repasser à sa version d'origine... Something avec un peu de Blue Jay Way imbriqué dedans, des versions sublimes de Strawberry Fields Forever, Glass Onion et I Am The Walrus... Le meilleur moment, selon moi, étant probablement la manière dont le riff de I Want You (She's So Heavy) percute sur sa gauche le final de Being For The Benefit Of Mr. Kite ! avant de céder la place au tout aussi furax Helter Skelter. Entre ce mixage et celui concernant Come Together, on a le sommet de ce projet un peu fou, controversé, mais que, je l'avoue, j'adore écouter de temps en temps. Love est un disque à part, destiné avant tout aux fans désireux d'écouter un peu de neuf avec du vieux. De temps en temps, ça ne fait pas de mal, un peu d'originalité, même quand on parle des Beatles. C'est vrai que leur musique est sacrée. Donc, ce disque est blasphématoire, profane. C'est la face sombre des Beatles, ici, quelque part, malgré l'ambiance totalement féérique, chatoyante (à l'image de la pochette jaune/orange et de son livret, terriblement psychédélique). Je peux comprendre qu'on n'aime pas. Mais moi, je le revendique haut et fort : j'adore !!
Because
Get Back
Glass Onion
Eleanor Rigby/Julia (transition)
I Am The Walrus
I Want To Hold Your Hand
Drive My Car/What You're Doing/The Word
Gnik Nus
Something/Blue Jay Way (transition)
Being For The Benefit Of Mr Kite !/I Want You (She's So Heavy)/Helter Skelter
Help !
Blackbird/Yesterday
Strawberry Fields Forever
Within You Without You/Tomorrow Never Knows
Lucy In The Sky With Diamonds
Octopus's Garden
Lady Madonna
Here Comes The Sun/The Inner Light (transition)
Come Together/Dear Prudence/Cry Baby Cry (transition)
Revolution
Back In The U.S.S.R.
While My Guitar Gently Weeps
A Day In The Life
Hey Jude
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (Reprise)
All You Need Is Love