« Innuendo », un disque qui résonne comme l’ultime absoute et la dernière révérence de la « Reine ». En 1991, Freddie Mercury, le chanteur de Queen, sait qu’il est condamné. L’anamnèse des troubles pathologiques remonte à 1987, année durant laquelle Freddie Mercury apprend qu’il est atteint du Sida. Ses jours sont comptés, et Queen doit se hâter et faire preuve de célérité pour cornaquer - ce qui est et restera - leur dernier album, Innuendo. Freddie Mercury et ses ouailles ne disposent que de quelques mois pour enchaîner les clips et mettre en boîte les douze chansons d’Innuendo, la dernière scansion de la « Reine ». Les tournages de Headlong, I’m Going Slightly Mad et These Are The Days Of Our Lives montrent un Freddie Mercury décati et lymphatique.
Cette sénescence est l’une des thématiques prédominantes d’Innuendo. Mais le disque ne se résume pas seulement à une mélopée funèbre.
Innuendo est aussi une ode, ainsi qu’une révérence à la vie, à l’amour, à la mort (évidemment…), à cette énergie du désespoir (The Show Must Go On) et à ce triste fatum. Clap de fin. Deux semaines après la sortie de The Show Must Go On, Freddie Mercury exhale son dernier soupir en novembre 1991. Il meurt des suites d’une pneumonie, laissant le monde de la musique pantois. Quelques semaines avant sa mort, le chanteur opiniâtre poursuivait son œuvre musicale. Pour l’anecdote superfétatoire, la chanson Mother Love devait figurer sur Innuendo. Mais le morceau n’est pas tout à fait finalisé. Même remarque concernant You Don’t Fool Me et A Winter’s Tale, dernière chanson scandée par Freddie Mercury de son vivant. Formellement, Queen ne dispose que de trois chansons pour parfaire un album putatif. Ce sera Made In Heaven, sorti en 1995.
Que soit. Ces trois ultimes absoutes, en guise d’oraisons funèbres, figureront sur ce disque évanescent. D’ailleurs, peut-on réellement invoquer un album de Queen, surtout délesté de sa figure primordiale ? Non, pas vraiment… Pas tout à fait.
Que les thuriféraires du groupe se rassérènent. C’est Innuendo qui reste (et restera) le testament de Queen, nonobstant une résurgence du groupe à la fin de l’année 2004, et sous la complicité béate de Paul Rodgers. Inutile de préciser que cette métempsychose n’a pas spécialement laissé de souvenirs impérissables… Donc, mieux vaut s’arrêter sur Innuendo… Quant à Made In Heaven, le disque s’approxime à un matériel un peu bâtard et hétéromorphe. Preuve en est. Made In Heaven coalise à la fois certaines chansons de Freddie Mercury en solo (I Was Born To Kill You et Made In Heaven), ainsi que de divers morceaux composés par Roger Taylor (Heaven For Everyone) et John Deacon (My Life Has Been Saved). Sur ces entrefaites, Made In Heaven s’apparente à un disque épars et protéiforme. Paradoxalement, nonobstant ses digressions et sa réalisation en toute hâte, Made In Heaven porte encore le sceau et l’aura de la « Reine ». Un curieux oxymore pour ce disque erratique et autrefois répertorié parmi les ratages musicaux de Rock Fever.
Autant l’annoncer sans ambages. Non, Made In Heaven ne réédite aucunement les fulgurations et le désenchantement d’Innuendo. Toutefois, à l’aune des précédents travaux du groupe (surtout pour les albums cornaqués durant les années 1980, entre autres The Works, Hot Space ou encore la bande originale dissonante de Flash Gordon), Made In Heaven ne mérite pas non plus de tels anathèmes. Ce disque posthume possède même quelques solides arguties dans sa besace. Sa principale impéritie réside essentiellement dans son aspect doucereux et analogique qu’il dissémine tout au long des onze morceaux qui composent ce disque cauteleux.
It’s A Beautiful Day introduit les animosités ambiantes et résume - presque à lui seul - l’essentiel de Made In Heaven : un piano en premier plan, la voix lumineuse de Freddie Mercury et une componction beaucoup trop prononcée.
Les morceaux suivants s’achemineront sur une didactique peu ou prou homogène. Let Me Live et Mother Love permettent néanmoins de varier les inimitiés. Cependant, en raison de ses louvoiements et atermoiements, Made In Heaven manque de grâce, d’entregent et in fine de raffinement. Par exemple, où est passée la guitare de Brian May ? Certes, on pourra entendre les stridulations du musicien orfèvre lors de la chanson éponyme. Mais, pour le reste, le pauvre guitariste devra se contenter de maigres subsides. De surcroît, les laudateurs originels tonneront et grommelleront à raison contre certains titres soporatifs (au hasard, You Don’t Fool Me et I Was Born To Love You).
Pourtant, en dépit de ses carences et de ses impondérables, Made In Heaven reste un disque curieusement attachant, aussi faiblard qu’opportuniste. S’il ne mérite pas de figurer dans les fiascos musicaux, Made In Heaven laisse tout de même une impression de désappointement, au mieux de circonspection.
Alice In Oliver