En 1987, un groupe sort du bois avec un premier album (un premier 'vrai' album après un EP, je veux dire) du nom d'Appetite For Destruction. Je veux bien entendu parler des Guns'n'Roses, groupe de malades givrés menés par le chanteur W. Axl Rose et le guitariste chapeauté et métis Slash. Ces mecs sont des vrais barjots, recherchés, pour certains, dans certains Etats des USA pour divers larcins (ce qui, par la suite, entraînera parfois des emmerdes pendant les tournées, des dates annulées ou reportées, etc...), ce ne sont pas des types à qui vous confieriez le sac à main de votre mère ou la virginité de votre soeur ou de votre fille. On ne leur proposerait même pas l'inavouable, de peur qu'ils acceptent sans hésiter. Ce premier album des Guns a, en 1987 donc, fait parler de lui ; déjà, parce qu'il est monumental, une bombe de hard-rock tendance hair-metal (faut voir la dégaine d'Axl à l'époque, ainsi que du bassiste Duff McKagan et du batteur Steven Adler !) avec des chansons à mourir dessus : Welcome To The Jungle, Paradise City, Rocket Queen, It's So Easy, Think About You, Sweet Child O' Mine... La production de Mike Clink est démentielle et a, il faut le dire, bien vieilli ; l'album fera aussi et surtout parler de lui à cause du tempérament, comment vous dire, dévastateur et vicieux des membres du groupe, et aussi à cause de sa pochette : une une peinture représentant une jeune femme venant probablement de se faire violer, contre une palissade, par un robot vicieux et horrible ; lesl igues de vertu gueulent, on remplace la pochette par un visuel encore plus culte (et définitif pour le CD) : une croix avec, à chaque extrémité et au centre, une tête de mort symbolisant un des cinq membres du groupe. Faute d'espérer plus politiquement correct, on finira par accepter cette pochette d'après censure, mais à peine moins osée que l'originale !
Après ce coup d'éclat/coup de maître, les Guns se reposent (enfin, il y aura une tournée, hein !) et mettront quatre ans avant de sortir un nouvel album studio ; et pour le coup, ils se seront sortis les doigts et les auront bien léchés car, en 1991, ça ne sera pas un, mais deux albums, sortis simultanément, que le groupe offrira. 30 chansons réparties en deux disques distincts mais formant évidemment un tout. Les Use Your Illusion. Pochette jaune et rouge pour le volume 1 (16 titres, 76 minutes), et pochette bleu et violet pour le volume 2 (14 titres, même durée que le premier volume). Le visuel est identique, à part ça, et est pourle moins étrange et culte, avec ce scribe argenté au premier plan et ce dessin (une gravure ?) d'apparence biblique, antique, en arrière-plan. Au dos, c'est aussi la même chose pour les deux albums : fond noir, liste des morceaux, le logo du groupe (deux flingues cul à cul, entrelacés de roses, dans un cercle, avec une grosse tache de sang par-dessous). Le livret aussi, on retrouve même des illustrations d'un livret à l'autre. Bon. A leur sortie, les deux Use Your Illusion ont vraiment marqué leur temps, ce furent des best-sellers absolus, une des plus grosses ventes d'albums des années 90 avec Nevermind de Nirvana, Screamadelica de Primal Scream, le Black Album de Metallica (qui datent tous aussi de 1991), O.K. Computer de Radiohead (1997), Blood Sugar Sex Magik (aussi de 1991) des Red Hots... Difficile de consulter une liste d'albums majeurs des années 90 sans tomber sur ce diptyque de 1991. A l'écoute des albums, on comprend pourquoi, même si, aussi, il est difficile de ne pas repérer les défauts de ce doublé d'albums. Ils sont longs, tous deux (ils souffrent tous deux de la vague de "surutilisation" des capacités de contenance d'un CD), contiennent, là aussi tous deux, des chansons parfois anodines, voire mauvaises, on aurait pu faire un grand, grand disque en prenant le meilleur des deux albums (l'opération sera tentée par un best-of des Use Your Illusion, d'ailleurs)... Un peu comme le Double Blanc des Beatles, ce doublé d'album pète plus haut que son cul, et n'est pas parfait, une vraie auberge espagnole, mais il faut reconnaître que le meilleur est vraiment, VRAIMENT démentiel.
Je préfère le dire tout de suite : cet article reprend non seulement le premier volume des Use Your Illusion, mais en profite aussi pour réaborder le deuxième volume (qui, jusque là, existait sur un article à part que j'ai viré, le lien de l'article sur Use Your Illusion II, dans le premier sommaire albums, est donc désormais mort, et le lien du premier volume regroupe, donc, les deux, maintenant). Place maintenant à ce doublé mythique. Par quoi on commence ? Déjà, les Guns ont repris Mike Clink à la production ; ce mec a su dompter les lascars (mais il en a chié, ceci dit, il en a vraiment chié) pendant l'enregistrement d'Appetite For Destruction, il semblait logique qu'il reprenne le poste. En revanche, un membre des Guns n'est plus là, ayant été viré pour alcoolisme, le batteur Steven Adler, remplacé par Matt Sorum, qui tape aussi fort. On note aussi l'arrivée du pianiste/claviériste Dizzy Reed. Le reste est inchangé : W. Axl Rose au chant (et piano, claviers, de temps en temps) ; Izzy Stradlin' et Slash aux guitares ; Duff McKagan, le punk du groupe, à la basse. Le look n'a guère évolué, toujours sous forte influence Hanoï Rocks, qui étaient eux-mêmes sous forte influence New York Dolls. La production est encore plus monumentale que pour le premier album ; on en prend plein la gueule dès les premières notes de la première chanson de Use Your Illusion I ! Laquelle est Right Next Door To Hell, d'ailleurs, une chanson courte (moins de 3 minutes) et comptant parmi les plus heavy et speedées du diptyque. Le chant d'Axl est, ici, très rapide, il est énervé, le mec (la première ligne de chant commence par j'ai pris de la nicotine, de la caféine, des lignes de 'sucre'... en anglais, bien sûr !). Dust'N'Bones, chanté par Izzy, suit, et c'est une pure réussite assez bluesy dans l'âme, plus 'lente'. Suivie par une des deux reprises présentes sur le doublé d'album (l'autre est, justement, sur le volume 2), celle du Live And Let Die de Paul McCartney & Wings (la légende affirme, selon Macca lui-même, que des potes de ses enfants auraient refusé de croire qu'un vieux croulant comme lui était l'auteur de cette chanson, qu'ils découvrirent par le biais de la reprise des Guns !), remarquable. Puis un petit moment de douceur, Don't Cry, avec des contrepoints harmoniques de la part du chanteur de Blind Melon, Shannon Hoon, sublime chanson qui, sur le volume 2, est présente aussi, dans le final, avec des paroles différentes (d'ailleurs, entre ça et le court - 1,30 minute ! - et mégalomaniaque My World qui achève Use Your Illusion II, on peut se demander si les Guns n'étaient pas arrivés à court de morceau pour achever le deuxième volume et auraient mis ces deux remplissages : cette autre version de Don't Cry qui est belle comme l'autre mais ne rajoute rien, et My World, idiot avec son chant rappesque et sa musique hip/hop). Après Don't Cry, on a le court et speedé, et violent, Perfect Crime, qui est un des titres un peu anodins du doublé d'album (mais il y à pire). You Ain't The First, chanté par Izzy, est une chanson plutôt acoustique, limite folkeuse, aux paroles assez sarcastiques sur une jeune femme, une ex, sans doute. Là aussi, pas mal, sans être grandiose.
Bad Obsession suit, un blues très sympathique sur lequel Axl est en grande forme, puis Back Off Bitch, dont le titre ('dégage, salope') ne laisse aucun doute sur le côté sarcastique, méchant, salopard des paroles et sur le fait que la chanson n'est pas une ballade. Très sympa aussi, meilleur que Double Talkin' Jive (encore une fois chantée par Izzy Stradlin'), chanson anodine qui se termine mieux qu'elle ne démarre, mais sent quand même assez le remplissage. Gageons que si les UYI étaient sortis 10 ans plus tôt, à l'époque du vinyle, ce morceau n'aurait pas été mis sur l'album final. En revanche, le morceau suivant est tout simplement LE morceau du doublé d'album, 9 minutes de pur bonheur, une chanson indescriptible, November Rain. Que dire ? Si on veut une preuve qu'Axl Rose, malgré son attitude de bad boy intégral et sa voix parfois salace, sait être un grand mélodiste et chanteur, il faut écouter cette chanson déchirante (la guitare de Slash donne l'impression de pleurer, vraiment), jamais longuette malgré ses 9 minutes, une chanson sous forte influence Elton John (le piano) et qui, vraiment, entre dans le classement des, allez, 10 meilleure chansons de ces 20 dernières années (en fait, depuis 1990, soit 23 dernières années). Passer après elle sera difficile, donc ne soyons pas trop durs sur The Garden, en duo avec Alice Cooper, chanson par ailleurs très sympathique et que j'aime beaucoup. Garden Of Eden, en revanche, sent le remplissage éhonté, c'est une des moins bonnes des 30 chansons du doublé. On va d'ailleurs commencer à arriver à un petit ventre mou, là : si Don't Damn Me est pas mal, ni Bad Apples (malgré un excellent refrain) ni Dead Horse ne convainquent durablement. Heureusement, on a, en final de Use Your Illusion I, un morceau gigantesque de 10 minutes (le plus long des 30 du diptyque), Coma, une montée en puissance franchement jubilatoire (la partie vocale finale d'Axl, agrémentée de la guitare de Slash, est à tomber, quelle voix, quelle diction...), un morceau qui achève à la perfection le premier volume des UYI, et comme November Rain (mais dans un autre registre), malgré sa longueur, ce n'est jamais longuet. On passe là à Use Your Illusion II, qui démarre par Civil War, plus de 7 minutes de bonheur aux paroles engagées, avec un Axl Rose en forme olympique (quand il entonne ses pré-refrains, My hands are tied... gros frissons en entendant sa voix, personnellement !). 14 Years, chanté par Izzy essentiellement, est un grand morceau méconnu que j'affectionne particulièrement, tout comme Yesterdays, sur lequel Axl est en grande forme. Puis arrive l'autre reprise des UYI, celle du Knockin' On Heaven's Door de Bob Dylan (marrant que les deux chansons reprises datent toutes deux de 1973 !), limite plus connue que l'originale, une des meilleures reprises jamais faites, sans doute, et pas que de cette chanson (que d'autres, comme Avril Lavigne, ont repris aussi). Get In The Ring, règlage de comptes très virulent contre divers rock-critics tels Mick Wall, aussi contre Bob Guccione Jr (le fils du patron du magasine de Q Penthouse), est une autre chanson que j'adore, mais qui est sous-estimée. Efficace, bourrin, mais efficace. En revanche, Shotgun Blues, qui suit, dans la lignée de Garden Of Eden ou Perfect Crime, est abrutissant.
Breakdown, 7 minutes, suit, et si je n'ai jamais réussi à totalement entrer dans la chanson (même plus de 15 ans après ma première écoute des Use Your Illusion, je n'arrive pour ainsi dire jamais à me souvenir de la mélodie de ce titre avant de le réécouter, cas unique pour les 30 du doublé ! C'est dire !), je dois dire qu'elle n'est pas la pire du lot, je la préfère nettement à la suivante, Pretty Tied Up, chanson bien salace et bourrine, rentre-dans-le-lard, pas intellectuelle pour un penny, du genre putassier for ever, quoi. La mélodie est pas mal, mais il y à un truc dans la chanson, je ne sais pas vraiment quoi, qui me défrise un peu, bref, je ne l'aime pas trop... En revanche, Locomotive est démentiel (ce final avec le piano, Looooooove...soooo straaaaange..., frissons), une chanson certes longue (8 minutes) mais grandiose et méconnue. Tout comme est grandiose et méconnue So Fine, qui suit, chantée par le bassiste Duff, et en hommage à Johnny Thunders, guitariste punk des New York Dolls et Heartbreakers (pas le groupe de Tom Petty, mais un autre, le sien), mort de maladie (leucémie) et overdose probable en 1991. Un loser magnifique qui est clairement un des héros de Duff (sur The Spaghetti Incident ?, l'album de reprises que le groupe a fait en 1994 et qui sera leur dernier opus jusqu'à 2008, il reprend le You Can't Put Your Arms Around A Memory de Thunders, et le groupe reprend une chanson des Dolls, Human Being). Estranged, qui suit, 9 minutes et 20 secondes, est une tuerie mélodique à la November Rain, guitare lacrymale, Axl au piano, chant parfait, chanson déchirante et tout simplement sublimissime. Autant le premier volume se finissait un peu en fadeur, autant le second arrive, dans sa conclusion, à un vrai feu d'artifices ! La preuve, on continue avec You Could Be Mine, issue de la bande-son de Terminator 2 : Le Jugement Dernier (Schwarzenegger fait partie des nombreuses personnes citées dans les remerciements de l'album), chanson démentielle, encore une. Rien à dire si ce n'est que c'est terrible. Puis les deux bouche-trous finaux (ou finals ?), Don't Cry (avec d'autres paroles, mais sinon, même durée, même mélodie), aussi belle que l'originale mais inutile, et My World, nul à chier et heureusement très court.
Voilà donc ce que sont les Use Your Illusion : deux albums gigantesques par leurs durées (76 minutes chacun, soit plus de 2h30 de musique), avec à l'intérieur des chansons démentielles (Estranged, November Rain, You Could Be Mine, Civil War, Coma, Live And Let Die, Knockin' On Heaven's Door, Don't Cry), des perles méconnues (Locomotive, So Fine, 14 Years, Yesterdays, Bad Obsession, Dust'n'Bones, The Garden, Get In The Ring) mais aussi des chansons moyennes (Perfect Crime, Bad Apples, Breakdown) voire médiocres (Dead Horse, Garden Of Eden, Shotgun Blues, Pretty Tied Up) et une belle merde (My World) également. Production exemplaire, ambiance de feu, interprétation généralement à la hauteur, ce doublé d'albums est clairement un des jalons du rock heavy (et du rock tout court) des années 90. On peut clairement reprocher au groupe de s'être laissé aller, ils ont mis le paquet mais ça aurait pu être encore meilleur en virant les chansons les moins percutantes. Mais bon, ce qui est fait est fait, et au final, Use Your Illusion I et Use Your Illusion II sont recommandés à tout fan de rock 90's, de hard-rock 90's, et, d'une manière générale, de rock sans limitation de décennie. Tout n'y est pas grandiose, mais ça fait partie des essentiels de toute discothèque qui se respecte (et croyez-moi, ça se respecte, putain, une discothèque) !
Use Your Illusion I :
Right Next Door To Hell
Dust'n'Bones
Live And Let Die
Don't Cry
Perfect Crime
You Ain't The First
Bad Obsession
Back Off Bitch
Double Talkin' Jive
November Rain
The Garden
Garden Of Eden
Don't Damn Me
Bad Apples
Dead Horse
Coma
Use Your Illusion II :
Civil War
14 Years
Yesterdays
Knockin' On Heaven's Door
Get In The Ring
Shotgun Blues
Breakdown
Pretty Tied Up
Locomotive
So Fine
Estranged
You Could Be Mine
Don't Cry (alt. lyrics)
My World